Ces personnes qui ont mal

Notes personnelles dans une perspective de soins palliatifs "oncologiques" Par : Brizard, André, MD

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141 - Les lésions nerveuses: les différentes anomalies pathophysiologiques à moyen et long terme

A moyen et à long terme, des anomalies un peu plus tardives dites d'adaptation ou de plasticité deviennent observables à différents niveaux.

  • Dans la région du corps cellulaire du neurone périphérique i.e. dans la région du ganglion rachidien
    • en réponse à l'hyperactivité métabolique découlant des différents processus menant aux réparations membranaires et aux tentatives de branchement des portions liées au corps cellulaire avec leur portion plus distale du même neurone, la membrane neuronale du corps cellulaire se modifie à son tour. Elle commence à développer des repousses membranaires à l'allure des bourgeons de régénérescence. Ceci se produit dans la région du renflement radiculaire (ganglion radiculaire ou rachidien) où se trouve le noyau du neurone. Les membranes nouvelles et "toutes jeunes" qui apparaissent à ce niveau présentent elles-aussi une forte instabilité électrique et une sensibilité accrue à différents types de stimulation mécanique et chimique. Il devient donc chaque fois plus risqué de voir naître des influx douloureux.
       
  • Dans la portion synaptique de la corne postérieure,
    • les terminaisons présynaptiques des neurones nociceptifs périphériques s'arborisent en de multiples nouvelles projections qui vont envahir de nouveaux territoires de la corne postérieure i.e. des nouvelles couches (laminae) et ainsi créer de "nouvelles connexions" synaptiques qui vont devenir en fait de "mauvaises connexions" puisque ces connexions se feront de façon inappropriée dans des couches et avec des cellules non désirées.

      On assiste alors à l'émergence d'un élargissement des champs récepteurs (Voir: LE TERMINUS PERIPHERIQUE ET LE PREMIER RELAIS CENTRAL: LA CORNE POSTERIEURE ET SA CONSTITUTION EN COUCHES) tout aussi erratique que les nouvelles connexions peuvent l'être. Ainsi, des neurones centraux déjà impliqués dans les échanges nociceptifs (neurones spinothalamiques et autres) voient s'ajouter de nouvelles surfaces synaptiques à celles qu'ils possèdaient déjà et qui avaient été voulues par l'architecture physiologique normale. Mais il y a plus, des neurones centraux qui ne participaient pas aux échanges nocicepitfs avec les fibres lésées reçoivnet à leur tour un lot de "nouvelles connexions" synaptiques "indésirables". Ces nouvelles connexions indésirables se font dans les étages médullaires segmentaires déjà impliqués mais ils s'avancent aussi dans de nouveaux étages médullaires, augmentant de ce fait l'étalement multi-étagé déjà présent de par la physiologie normale. A partir de ces événements, des étages relativement plus éloignés reçoivent des influx nociceptifs dépassant largement leur champ dermatomique usuel. Les surfaces douloureuses s'élargissent en même temps.

    • Par ailleurs, les agressions sur le circuit nerveux ne se limitant pas aux fibres C et A delta, les fibres A bêta incluses dans les zones lésées connaissent le même sort. Ainsi, certaines projections provenant d'influx sensitifs non-nociceptifs et qui participaient à la modulation des échanges nociceptifs soit directement sur les cellules centrales, soit indirectement par le biais des interneurones s'arborisent dans leur portion présynaptique. Ce faisant, elles prennent souvent en même temps une tonalité "nociceptive". (Voir: LA DOULEUR NOCICEPTIVE: LES SUBSTANCES INFLAMMATOIRES, LA SENSIBILISATION / EPARPILLEMENT MULTI-ETAGE, MULTI-CONVERGENCE, DOULEUR IRRADIEE ET DOULEUR REFEREE / LE SYSTEME DE TRANSPORT DES INFLUX NOCICEPTIFS PERIPHERIQUES: L'EPARPILLEMENT MULTI-ETAGE / L'EPARPILLEMENT MULTI-ETAGE: LA DIFFERENCE ENTRE LES AFFERENCES SOMATIQUES ET VISCERALES)

      L'élargissement des champs récepteurs et l'arrivée de nouvelles stimulations synaptiques "inappropriées" autant nociceptives que non-nociceptives produisent un débalancement dans l'équilibre habituel des différents "inputs" sensitifs arrivant au niveau de la moelle par les racines postérieures (Voir: LA CORNE POSTERIEURE: UNE "COUR DE TRIAGE" COMPLEXE).

      en même temps, les influx qui arrivaient en provenance des fibres non-nociceptives et qui s'interconnectaient avec des interneurones pour apporter la contribution segmentaire des influx "inhibiteurs" au "portillon" segmentaire disparaissent en bonne partie puisque les fibres les transportant ont aussi connu des agressions. Il se fait donc beaucoup moins d'inhibition et parfois il ne se fait plus d'inhibition par le réseau des interneurones "enképhaline, dynorphine et GABA" impliqués dans le portillon segmentaire. Il en résulte donc un effet net d'accroissement du transfert des influx nociceptifs qui ne subissent plus l'effet modulateur du "portillon". Pire encore, certaines fibres A bêta ont même pris une tonalité "nociceptive", on parle alors de "conversion phénotypique". (Voir: LA DOULEUR NOCICEPTIVE: LES SUBSTANCES INFLAMMATOIRES, LA SENSIBILISATION)
       

  • en même temps, les influx qui arrivaient en provenance des fibres non-nociceptives et qui s'interconnectaient avec des interneurones pour apporter la contribution segmentaire des influx "inhibiteurs" au "portillon" segmentaire disparaissent en bonne partie puisque les fibres les transportant ont aussi connu des agressions. Il se fait donc beaucoup moins d'inhibition et parfois il ne se fait plus d'inhibition par le réseau des interneurones "enképhaline, dynorphine et GABA" impliqués dans le portillon segmentaire. Il en résulte donc un effet net d'accroissement du transfert des influx nociceptifs qui ne subissent plus l'effet modulateur du "portillon". Pire encore, certaines fibres A bêta ont même pris une tonalité "nociceptive", on parle alors de "conversion phénotypique". (Voir: LA DOULEUR NOCICEPTIVE: LES SUBSTANCES INFLAMMATOIRES, LA SENSIBILISATION)
     
  • On voit alors apparaître
    • une allodynie, i.e. des influx douloureux déclenchés par des stimuli qui ne sont habituellement pas nociceptifs, à titre d'exemple, effleurer de la main une surface cutanée,
       
    • une hyperesthésie, i.e. des influx douloureux ressentis comme disproportionnés par rapport à la faible intensité des stimuli nociceptifs de déclenchement. A titre d'exemple, une piqûre superficielle légère sur une surface cutanée déclenchant de sévère douleur sur une large surface.
  • certaines terminaisons synaptiques des axones périphériques lésés cessent de libérer leur neurotransmetteur normal
    • (substance P,
    • calcitonine gene related peptide (CGRP),
    • somatostatine,
    • polypeptide intestinal vaso-actif (vasoactive intestinal peptide (VIP))

    parce que l'agression est telle que le métabolisme au niveau du corps cellulaire est totalement perturbé. Après quelques jours, des neurotransmetteurs normaux mais en concentration nettement exagérée ou des neurotransmetteurs inhabituels apparaissent au niveau des terminaisons pré-synaptiques, notamment

    • glutamate
    • neuropeptide Y
    • galanine
    • vasoactive intestinal peptide (VIP).

Les neurones nociceptifs centraux connaissent alors une activité métabolique intensément productive en raison de l'hyperstimulation en provenance de la périphérie avec comme conséquence l'accentuation du nombre d'influx nociceptifs arrivant aux étages supérieures (tronc cérébral, circuits sous-corticaux et corticaux).

    • le glutamate est alors appelé à jouer un rôle prépondérant dans l'amplification des douleurs découlant de ces différentes adaptations. Certains récepteurs "biochimiques" présents au niveau des membranes post-synaptiques des dendrites centraux et qui semblaient "dormants" deviennent en pleine activité, c'est le cas des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA). Cet "éveil" aura des conséquences délétères majeures comme il a déjà été expliqué plus avant (Voir: LES RECEPTEURS NMDA ET ... LES RECEPTEURS NON-NMDA: LEURS ROLES EN SITUATION D'HYPERACTIVITE PERIPHERIQUE).

L'hyperstimulation en provenance de la périphérie devient tellement intense qu'une certaine activité "spontanée" apparaît au niveau des neurones centraux nociceptifs. Cette hyperstimulation fait partie intégrante et conduit en même temps au phénomène de "wind-up" par lequel les neurones nociceptifs centraux deviennent de plus "irritables" au point de présenter une activité presque "spontanée" lorsqu'ils sont soumis à des stimulations répétées intenses. Après quelques heures à quelques jours de stimulations incessantes, en provenance des zones neuronales lésées, on assiste à une rapide élévation de l'intensité des douleurs puisque les stimuli douloureux ne sont même plus nécessaires au déclenchement de douleurs vives, les neurones centraux étant devenus en quelque sorte de quasi "pacemakers nociceptifs". En laboratoire, le phénomène de "wind-up" se produit à la suite de stimulations douloureuses répétées dans un même site dépassant une fréquence de 2 à 3 stimuli par secondes pendant quelques heures.

    • l'activité d'interneurones inhibiteurs utilisant la dynorphine augmente à son tour de façon très considérable.
    • bon nombre de terminaisons synaptiques ainsi impliquées connaissent une réduction de leur dimension en raison d'un "épuisement fonctionnel" qui va mener à plus long terme à une mort cellulaire d'un certain nombre de celles-ci.
  • Dans la portion segmentaire du réseau sympathique, correspondant aux étages où des neurones subissent l'agression tumorale, l'activité sympathique s'accentue considérablement avec les conséquences dont il a été fait mention précédemment. (Voir: LE SYSTEME "SYMPATHIQUE" ... QU'IL NE FALLAIT PAS OUBLIER! / LES DOULEURS COMPLIQUEES D'UNE PARTICIPATION "SOUTENUE" DU SYSTEME NERVEUX AUTONOME SYMPATHIQUE / HYPEREXCITATION ET HYPEREXCITABILITE DES RECEPTEURS NMDA: LES PROVENANCES POSSIBLES DANS UN CONTEXTE DE SOINS PALLIATIFS ONCOLOGIQUES / HYPEREXCITATION ET HYPEREXCITABILITE DES RECEPTEURS NMDA: LES PROVENANCES POSSIBLES DANS UN CONTEXTE DE SOINS PALLIATIFS ONCOLOGIQUES)

L'augmentation des influx nociceptifs ectopiques en provenance des fibres nociceptives périphériques entraînent donc un état d'hyperexcitabilité marquée dans les neurones centraux de la corne postérieure, mais il y a plus. Les fibres C provoquent une hyperexcitabilité plus profonde que les fibres A delta; par ailleurs, les influx ectopiques des fibres C en provenance des structures musculo-squelettiques entraînent une hyperexcitabilité plus grande et plus prolongée que ceux provenant des structures cutanées. Il n'est peut-être plus nécessaire de s'étonner que les douleurs s'accompagnant d'une hyperactivité sympathique proviennent le plus souvent de lésions du système musculo-squelettique.

La simple présence de cellules tumorales dans le voisinage du tissu nerveux est finalement très loin d'être banale. Cette présence amène plutôt une kyrielle de conséquences toutes plus importantes les unes que les autres. Le simple inconfort évolue souvent rapidement vers des douleurs neurogènes fort dérangeantes qui posent défi à la gestion analgésique.

142 - Les lésions nerveuses: leur processus de réparation

La présence d'une agression "neuronale" causée par un prolifération néoplasique ou par un des multiples traitements antinéoplasiques entraîne à son tour une autre conséquence. En même temps que le processus de régénérescence et de tentative de réparation visant à reprendre contact avec la zone d'innervation d'origine se déroule, il se produit une importante réaction inflammatoire.

Ce processus inflammatoire de réparation amène assez rapidement la production de tissu fibreux qui se dépose, en amas plus ou moins importants, à l'intérieur et au pourtour des nerfs touchés, selon l'intensité de la réaction.

Lorsque le processus fibreux est relativement intense, les repousses axonales se trouvent freinées et s'enchevêtrent dans un amas cicatriciel. Il arrive que cet enchevêtrement prenne des proportions macroscopiques au point où un nodule peut devenir palpable, on réfère alors à cette structure comme étant un névrome.

Ce processus dynamique de réparation dans les fibres nociceptives lésées aura des conséquences majeures, comme nous le verrons bientôt.

On pourrait imaginer qu'il existe un lien entre l'intensité de l'agression, ses conséquences sur le processus de réparation et l'apparition de douleur neurogène. Ainsi, plus l'agression serait sévère, plus les conséquences seraient variées, diverses et intenses et plus la probabilité d'apparition de douleur neurogène de divers types serait élevée. C'est souvent le cas mais il arrive aussi parfois que des conséquences tout à fait démesurées apparaissent en terme de processus d'adaptations, conséquences aux répercussions tant physio-pathologiques que cliniques provoquant de sévères douleurs qui se chronicisent pour des lésions d'apparence banales. Comme message d'ordre général il faudrait peut-être insister sur le fait qu'aucune douleur ne devrait être négligée, ce qui devrait avoir comme effet de réduire le nombre de douleurs qui se chronicise. Pour ce faire, il faudrait que chaque type de douleur soit d'abord reconnu comme tel, chaque type posant en même temps un défi thérapeutique particulier, comme nous le verrons plus en détail dans les manuels III, IV et V de cette série.

143 - La douleur neurogène: quatre groupes pathophysiologiques / cliniques

La classification simplifiée dite "hybride" des douleurs physiques, proposée antérieurement dans ce manuel repose sur des bases anatomo-patho-physiologiques et cliniques. Chaque portion de cette classification peut être reliée d'une façon logique à certains processus pathophysiologiques discutés jusqu'à maintenant.

Cependant, il ne faut jamais interpréter chaque sous-type de douleur comme étant totalement isolé des autres événements pathophysiologiques prenant place en même temps. Bien au contraire, chaque type de douleur neurogène partage probablement plusieurs des mécanismes pathophysiLa classification simplifiée dite "hybride" des douleurs physiques, proposée antérieurement dans ce manuel, repose sur des bases anatomo-patho-physiologiques et cliniques. Chaque portion de cette classification peut être reliée d'une façon logique à certains processus pathophysiologiques discutés jusqu'à maintenant.

Les explications qui suivent représentent donc chaque fois une simplification exagérée d'un processus complexe. Elles sont cependant proposées afin d'aider à la compréhension des mécanismes complexes engendrant des douleurs.

La douleur neurogène se divise en trois types cliniques courants:

  • la douleur simple, par exemple, la douleur attribuable à une compression radiculaire par hernie discale
  • la douleur "accompagnée" de paresthésies ou de dysesthésies, par exemple, les douleurs post-herpétiques ou post-zona
  • la douleur paroxystique ou "en salves" également appelées de façon erronée "douleur de désafférentation", par exemple, le tic douloureux ou névralgie du trijumeau.

Il existe un quatrième type, plus rare,

  • la douleur complexe autrefois appelée dystrophie sympathique réflexe / causalgie et maintenant définie comme syndrome douloureux régional complexe (Complex Regional Pain Syndrome)

     

    • avec participation et rehaussement du système nerveux autonome sympathique, c'est la douleur avec participation sympathique / "Sympathetically Maintained Pain" avec comme exemple type la douleur accompagnant l'atrophie de Sudeck
      ou
    • sans participation du système nerveux autonome sympathique, c'est la douleur sans participation sympathique / "Sympathetically Independant Pain".
144 - La douleur neurogène: manifestations cliniques "classiques"

La douleur neurogène accompagnée (paresthésie / dysesthésie) est habituellement une douleur intense, sévère. Elle est généralement constante mais peut varier en intensité pendant la journée. Il n'y a habituellement pas de période de répit complet de douleur dans la journée, l'intermittence est plutôt rare. Un fond de douleur est toujours présent, chaque minute, chaque heure de chaque jour.

Cette douleur peut être perçue comme une sensation normale ou anormale. Elle est souvent décrite dans les textes comme "à fleur de peau" mais cette douleur peut tout aussi bien être ressentie en profondeur, l'impression rapportée alors étant celle de douleurs ressenties profondément dans les muscles ou dans les os.

Lorsque les sensations normales ou anormales sont dans un créneau d'intensité acceptable, on les dit "paresthésiques"; lorsqu'elles deviennent tellement intenses qu'elles en sont désagréables, on les dit "dysesthésiques". (Voir: UN LEXIQUE "DOULOUREUX")

La douleur neurogène accompagnée

  • correspond classiquement à une sensation de brûlure. La sensation de brûlure peut aussi être perçue selon différents modes: ainsi, une impression d'eau bouillante qui s'écoulerait sur une région donnée, ainsi, une impression de brûlure cuisante comme celle d'avoir la main dans le feu ou d'être "marqué au fer rouge".

La douleur neurogène accompagnée

  • peut également être perçue comme un prurit très intense, un picotement, un engourdissement intense sans répit. De nombreuses autres manifestations sensorielles sont souvent rapportées telles des élancements, la pointe d'un couteau qui tournerait dans une plaie vive, une sensation de crampe prolongée, des déchirements, des tiraillements, un écrasement, une torsion, un pincement, de la pression, quelque chose qui serre ou quelque chose qui pousse. Cette nomenclature élaborée est celle qu'il m'a été donné le plus souvent de rencontrer au fil des années. Le questionnaire d'évaluation des douleurs de Melzack fournit une liste beaucoup plus exhaustive de termes pouvant être rapporté pour décrire des douleurs.

Ces multiples caractères constituent une des principales différences avec la douleur neurogène simple qui elle, est perçue, comme une douleur purement "douleur".

Il est probablement arrivé à chacun de nous, au moins une fois dans sa vie, de heurter son coude pour soudainement ressentir un intense engourdissement voire une brûlure au petit doigt. Cet exemple peut servir à illustrer ce qu'est la douleur accompagnée (paresthésie / dysesthésie). On se devrait cependant d'en souligner deux différences majeures:

  • d'abord d'en amplifier considérablement l'intensité par rapport à ce qui est ressenti comme intensité au moment du "choc" sur le coude,
    ensuite
  • de faire durer cette sensation déplaisante non pas quelques minutes tout au plus mais de la faire durer en permanence, 24 heures sur 24, jour après jour, semaine après semaine.

Voilà ce qu'est une douleur accompagnée (paresthésie / dysesthésie). Rien de moins.

145 - La douleur neurogène simple

La douleur neurogène simple peut être due à:

  • la compression du tissu nerveux par une masse tumorale. Cette compression, s'exprimant d'abord par un phénomène d'irritation neuronale causant une certaine instabilité électrique, n'est cependant pas suffisante pour conduire à la destruction axonale.
     
  • des changements morphologiques variables au niveau des fibres nociceptives. Ces changements ne sont cependant pas reliés à la compression mais ils sont plutôt attribuables à d'autres facteurs diversifiés (diabète, chimiothérapie, chirurgie, radiothérapie, post-infection, etc.).

La compression ou les changements morphologiques exercés par ces agressions sont suffisants, cependant, pour générer une série d'influx nociceptifs qui respectent l'apparence normale des trains d'influx nociceptifs "normaux" dans les fibres touchées. Si on plaçait des électrodes quelque part sur les fibres lésées, autant dans leur portion périphérique que centrale, en autant que ces électrodes soient situées en aval des zones d'agressions, on constaterait que l'architecture des influx nociceptifs est d'apparence normale.

146 - La douleur neurogène simple: manifestations cliniques

Il est important de souligner que la sensation ressentie dans le cas de douleur neurogène simple en est une de

  • douleur purement "DOULEUR"

sans aucun autre caractère ou particularité accompagnant cette douleur. Il n'y a donc pas de sensation de brûlure, prurit, engourdissement, picotement qui accompagnent certains sous-types de douleur neurogène.

C'est l'ensemble douleur-"DOULEUR" qui constitue donc le descriptif-clé dans le cas présent. Cette douleur-"DOULEUR" est comparable en tout point à la douleur nociceptive somatique mais elle n'origine pas de la stimulation de nocicepteurs. Il ne se trouve pas de zones périphériques porteuses d'activités inflammatoires dans la périphérie de nocicepteurs d'où pourraient provenir ces douleurs.

L'intensité de la douleur neurogène simple peut varier de légère à sévère.

Cette douleur peut être intermittente ou constante. Qu'elle soit intermittente ou constante, elle présente le plus souvent des fluctuations de l'intensité à différents moments de la journée.

147 - La douleur neurogène simple: représentation schématique

Cette illustration suggère une représentation schématique du caractère de constance ou d'intermittence de même que des fluctuations dans l'intensité à différents moments de la journée que la douleur neurogène simple peut présenter.

148 - La douleur neurogène accompagnée (paresthésie / dysesthésie)

La douleur neurogène accompagnée (paresthésie / dysesthésie) peut être due à:

  • une compression nerveuse relativement importante et suffisante pour causer une instabilité électrique se manifestant par une symptomatologie différente de la douleur "douleur",
     
  • une infiltration du tissu nerveux par des cellules néoplasiques alors responsables de changements morphologiques et électriques,
     
  • des changements morphologiques variables au niveau des fibres nociceptives, changements cependant non reliés à la compression ou à l'infiltration mais attribuables à divers autres facteurs (diabète, chimiothérapie, chirurgie, radiothérapie, séquelles post-infection).
     

Bien que ces conditions soient susceptibles d'entraîner des lésions au niveau des fibres nerveuses, elles n'occasionnent pas de destruction massive des axones. Les lésions sont suffisantes, cependant, pour entrainer une telle instabilité électrique au niveau des membranes lésées que des influx nociceptifs la plupart du temps en continue (des trains d'influx continus) sont alors observés. Ces influx dépassent par ailleurs largement par leur apparence aux lectures électrophysiologiques le tableau que l'on observe lors d'une conduction normale.

149 - La douleur neurogène accompagnée (paresthésie / dysesthésie): manifestations cliniques

La douleur neurogène accompagnée (paresthésie / dysesthésie) est habituellement une douleur intense, sévère. Elle est généralement constante mais peut varier en intensité pendant la journée. Il n'y a habituellement pas de période de répit complet de douleur dans la journée, l'intermittence est plutôt rare. Un fond de douleur est toujours présent, chaque minute, chaque heure de chaque jour.

Cette douleur peut être perçue comme une sensation normale ou anormale. Elle est souvent décrite dans les textes comme "à fleur de peau" mais cette douleur peut tout aussi bien être ressentie en profondeur, l'impression rapportée alors étant celle de douleurs ressenties profondément dans les muscles ou dans les os.

Lorsque les sensations normales ou anormales sont dans un créneau d'intensité acceptable, on les dit "paresthésiques"; lorsqu'elles deviennent tellement intenses qu'elles en sont désagréables, on les dit "dysesthésiques". (Voir: UN LEXIQUE "DOULOUREUX")

La douleur neurogène accompagnée

  • correspond classiquement à une sensation de brûlure. La sensation de brûlure peut aussi être perçue selon différents modes: ainsi, une impression d'eau bouillante qui s'écoulerait sur une région donnée, ainsi, une impression de brûlure cuisante comme celle d'avoir la main dans le feu ou d'être "marqué au fer rouge".

La douleur neurogène accompagnée

  • peut également être perçue comme un prurit très intense, un picotement, un engourdissement intense sans répit. De nombreuses autres manifestations sensorielles sont souvent rapportées telles des élancements, la pointe d'un couteau qui tournerait dans une plaie vive, une sensation de crampe prolongée, des déchirements, des tiraillements, un écrasement, une torsion, un pincement, de la pression, quelque chose qui serre ou quelque chose qui pousse. Cette nomenclature élaborée est celle qu'il m'a été donné le plus souvent de rencontrer au fil des années. Le questionnaire d'évaluation des douleurs de Melzack fournit une liste beaucoup plus exhaustive de termes pouvant être rapporté pour décrire des douleurs.

Ces multiples caractères constituent une des principales différences avec la douleur neurogène simple qui elle, est perçue, comme une douleur purement "douleur".

Il est probablement arrivé à chacun de nous, au moins une fois dans sa vie, de heurter son coude pour soudainement ressentir un intense engourdissement voire une brûlure au petit doigt. Cet exemple peut servir à illustrer ce qu'est la douleur accompagnée (paresthésie / dysesthésie). On se devrait cependant d'en souligner deux différences majeures:

  • d'abord d'en amplifier considérablement l'intensité par rapport à ce qui est ressenti comme intensité au moment du "choc" sur le coude,
    ensuite
  • de faire durer cette sensation déplaisante non pas quelques minutes tout au plus mais de la faire durer en permanence, 24 heures sur 24, jour après jour, semaine après semaine.

Voilà ce qu'est une douleur accompagnée (paresthésie / dysesthésie). Rien de moins.

150 - La douleur neurogène accompagnée (paresthésie / dysesthésie): représentation schématique

Cette illustration suggère une représentation schématique du caractère généralement constant de la douleur neurogène accompagnée (paresthésie / dysesthésie) bien que des fluctuations dans l'intensité à différents moments de la journée puissent se présenter. Il n'y a habituellement pas de période de répit complet de ce type de douleur dans la journée. Cela étant dit, cette douleur peut aussi se présenter à l'occasion par intermittence bien que ce mode de présentation soit plutôt rare dans les faits.