Tableau V - Principales* toxicités et complications de la radiothérapie selon l’organe touché

Principales* toxicités et complications de la radiothérapie selon l’organe touché 11 12 13

Site anatomique touché

Toxicités et complications

Particularités et traitements possibles

Cuir chevelu

Alopécie quelquefois irréversible
Cheveux fins et moins nombreux à la repousse

Transitoire à des doses de moins de 40 grays en 4 semaines.
Le minoxidil (Rogain®) est inefficace.

Épithélium cutané

Érythème et desquamation sèche ou humide en aigu, cette dernière pouvant être sévère dans les zones de plis cutanés humides comme l’aisselle, le sillon infra mammaire, les aines et le pli inter fessier.

Folliculites possibles, mais rares.

À long terme, la peau peut demeurer sèche et atrophique, avec prurit secondaire.
Nécrose cutanée retard rare, mais possible.

La dermite sèche se manifeste habituellement deux semaines après le traitement : on recommande l’application de crèmes hydratantes douces et l’utilisation d’un savon gras doux.

Éviter l’eau et les pansements humides pendant la phase de desquamation humide. Recommander l’application de poudre sèche sans parfum (fécule de maïs par exemple) et le port de vêtements de coton.
Une crème de stéroïdes peut réduire le prurit et l’inflammation au niveau de l’érythème.
Dans les cas de nécrose cutanée, l’espoir de fermeture de la plaie repose sur la migration de cellules de la périphérie sinon une greffe pourra être envisagée, avec prudence en raison de la fragilité du tissu irradié.

Muqueuse de la bouche et des glandes salivaires

10 à 20 jours après le traitement les patients peuvent présenter un érythème souvent douloureux de la muqueuse buccale, avec une desquamation en îlots qui peuvent devenir confluents. Les ulcères buccaux peuvent être très douloureux.

Pour une période de moins de 3 mois habituellement certains auront une bouche sèche et un mauvais goût dans la bouche en raison de la réduction de la salive secrétée et un épaississement de celle-ci. Ceci peut être permanent lorsque la dose dépasse 40 grays en 4 semaines.

Les analgésiques topiques (Tantum ®, Xylocaïne visqueuse) ou systémiques, comme les narcotiques, peuvent être nécessaires.
On recommande de boire de l’eau tiède et d’éviter les astringents comme le thé et les breuvages salés ou trop chauds.
Surveiller le poids du patient et consulter une diététiste spécialisée pour des conseils appropriés.

Dents et machoire

La salive épaisse devient plus acide et perd ses propriétés antibactériennes. Elle peut attaquer la dent à la jonction de la gencive, surtout des canines inférieures et des incisives : décalcification, caries, perte de dents.
Certains patients auront des fractures au niveau de la machoire, une infection chronique ou une nécrose osseuse après une extraction dentaire

Il est recommandé d’effectuer des visites régulières chez un dentiste dont une première avant le traitement idéalement. 
On recommande une hygiène buccale douce, mais fréquente avec brossage, bains de bouche antiseptique et prophylaxie au fluor des caries.
Éviter toute extraction dentaire pendant le traitement.
Les gommes à macher peuvent stimuler la production de salive, sinon des jets d’eau fréquents (spray) seront utiles.

Les poumons

Toxicité aiguë rare : on l’appelle le poumon radique aigu.
La pneumonite d’irradiation aiguë est rare lorsque l’irradiation demeure superficielle comme dans les cancers du sein par exemple ou lorsqu’elle est ciblée. Elle résulte de l’inflammation des structures et peut mener à des séquelles chroniques qui peuvent affecter la qualité de vie à long terme, surtout lorsqu’elle n’est pas traitée. Les patients agés, fumeurs, avec une atteinte pulmonaire préalable sont les plus à risque 14 .
4 à 12 semaines après le traitement, l’atteinte du surfactant et la desquamation des alvéoles se manifesteront : toux sèche, fièvre, dyspnée, atteinte de l’état général. La radiographie sera souvent normale au début puis apparaîtront des infiltrats alvéolaires dans le champ irradié.
À long terme, sur une période de 6 à 24 mois, une fibrose interstitielle et une sclérose peuvent se développer puis se stabiliser, provoquant un syndrome pulmonaire restrictif chronique d’intensité variable ainsi qu’un épaississement pleural 15. On notera alors à la radiographie une fibrose pulmonaire, des rétractions du poumon touché et une élévation du diaphragme de ce côté 16.

L’inflammation chronique peut mener à un processus irréversible de cicatrisation pulmonaire d’où l’importance du traitement dès les premiers symptômes. La pneumonite radique aiguë est habituellement traitée avec des doses élevées de corticostéroïdes : prednisone 50 à 75 mg par jour en doses décroissantes pour 3 à 12 semaines selon la sévérité.
Des antibiotiques peuvent être donnés lorsque le patient est fébrile ou présente des expectorations colorées.

Il n’y a pas de traitement à offrir sinon de support                  (bronchodilatateurs, oxygène) pour l’atteinte pulmonaire radique chronique : la capacité de diffusion devra être évaluée, celle-ci étant le meilleur prédicteur du dommage aux tissus pulmonaires.

Le cœur et les gros vaisseaux

Rarement, la radiothérapie au thorax pour les lymphomes, le cancer du sein, l’œsophage et le poumon peut provoquer des épanchements péricardiques en aigu, une péricardite chronique ou une ischémie myocardique chronique qui pourront se manifester jusqu’à 10 à 20 ans après le traitement.

La péricardite chronique sera cicatricielle donc constrictive avec fibrose, donc irréversible.

La péricardite aiguë se manifeste de façon habituelle : douleurs thoraciques avec essoufflement. Un traitement énergique avec des anti-inflammatoires pourra prévenir la chronicité.

L’œsophage

Les effets indésirables, réversibles le plus souvent, sont similaires à ceux de la bouche. Ils surviennent habituellement après un traitement pour un cancer du poumon, de l’œsophage ou un lymphome.
Les complications tardives sont la sténose, les ulcérations et la formation de fistule, plus fréquentes avec un traitement combiné de radiothérapie et de chimiothérapie.
L’œsophagite radique peut provoquer une dysphagie sévère.

La prise en charge de ces patients par une diététiste spécialisée peut être nécessaire pour assurer un apport calorique et hydrique suffisant. L’œsophage doit être gardé fonctionnel en attendant sa guérison. Si la dysphagie est trop sévère, certains patients seront nourris par un tube de gavage. Le Sulcrate ® et les antiacides peuvent soulager, sinon les narcotiques pourront être proposés.

L’intestin

L’intestin grêle est très sensible à la radiation, surtout l’iléon, lors d’une irradiation pelvienne par exemple, mais le colon peut aussi être touché. La perte des villosités peut entrainer une réduction de l’absorption des aliments avec des douleurs, des crampes et de la diarrhée qui peut mener quelquefois à une déshydratation. Les tissus peuvent devenir fibreux et sténosés.
Il n’y a pas de lien entre l’intensité de l’atteinte aiguë et l’incidence des complications chroniques intestinales. Celles-ci sont essentiellement la diarrhée chronique, la perte de sang par le tube digestif ainsi que la formation d’adhérences avec épisodes répétés de sub-occlusion ou d’occlusion.

En aigu, l’administration de pro-biotiques, de Lomotil ® (chlorhydrate de diphénoxylate avec sulfate d’atropine) ou d’Imodium ® (loperamide) peut être utile.
Les traitements conservateurs comme les lavements avec des stéroïdes ainsi qu’une hyper alimentation intra veineuse pour reposer l’intestin sont recommandés. Il peut être nécessaire de recourir à une chirurgie avec résection des segments les plus touchés 

Le rectum

Le rectum peut être touché après des traitements pour un cancer de la prostate ou du col de l’utérus par exemple.
La rectite aiguë se manifeste par des ténesmes, des glaires mucoïdes ou sanguinolentes, une diarrhée avec douleurs rectales à la défécation.
La rectite chronique peut survenir chez des patients qui n’auront pas présenté de rectite aiguë, en moyenne 6 à 24 mois après le traitement : troubles de la défécation, urgence, ténesme, rectorragies et gaz incontrôlables avec petites incontinences, symptômes très limitants socialement.

Des lavements aux corticostéroïdes peuvent être administrés en aigu.
Le traitement de la rectite chronique est décevant. 

Les ovaires

Les ovaires sont très sensibles à la radiation. Une dose de 20 grays peut amener une castration radique irréversible chez une jeune femme.
La castration survient à des doses moindres chez une femme de 40 ans et plus.

 

Les testicules

L’azoospermie est habituellement temporaire.
L’impuissance peut survenir chez un homme après irradiation au niveau du nerf honteux.

L’infertilité irréversible est possible, mais rare chez l’homme : elle survient après l’administration sur les deux testicules d’une dose de 20 grays ou plus. 

L’utérus

Relativement peu de symptômes : saignements atrophiques essentiellement. 

 

Le vagin

Sécheresse secondaire qui peut être sévère et mener jusqu’à un rétrécissement important, surtout en l’absence de traitement hormonal local et de dilatation, appelée la sténose vaginale post-radique. 

Il faut recommander aux femmes une dilatation vaginale régulière avec un dilatateur spécialement conçu à cet effet avant que le vagin ne devienne sténosé de façon irréversible.

L’uretère

L’uretère peut être atteint lors d’un traitement pour un cancer du col de l’utérus par exemple, entrainant une sténose et donc une dilatation des voies urinaires supérieures mettant le patient à risque d’hydronéphrose et d’insuffisance rénale.

La pose d’un tube urétéral en J (endoprothèse), par voie basse (cystoscopie) ou par voie haute (transcutanée) s’impose dans certains de ces cas pour dériver l’urine.

La vessie

La cystite radique aiguë, de nature inflammatoire, qui est habituellement réversible, se manifeste par des brûlures mictionnelles, de la dysurie et de la pollakiurie. La radiothérapie peut provoquer des hématuries quelquefois importantes avec caillots.
À long terme le patient peut avoir une capacité vésicale très réduite (rétractions vésicales), une vessie moins contractile avec une paroi épaissie ou une muqueuse friable qui saigne.
Les patients auront alors des douleurs importantes et récurrentes, franchement incapacitantes quelquefois. Rarement, les patients développeront une fistule         (vésico-vaginale par exemple)

Le traitement essentiellement symptomatique de ces cystites est long et souvent décevant : on recommande une bonne hydratation pour diluer l’urine et des anti-inflammatoires au besoin. Le Pyridium ® (phenazopyridine) est très utile dans ces cas.
La cystite radique chronique n’est pas traitable, hormis par des cautérisations par cystoscopie lorsque la muqueuse saigne trop ou par une dérivation chirurgicale lorsque la qualité de vie est trop diminuée.

Le rein

L’administration d’une dose de plus de 24 grays peut endommager les glomérules (glomérulonéphrite aiguë avec protéinurie, anémie et hypertension artérielle) et éventuellement évoluer jusqu’à l’atrophie rénale par fibrose des petites artères rénales.

L’hypertension artérielle sévère peut être réfractaire à tous les traitements et aller jusqu’à entrainer un décès.

Système nerveux central : cerveau

La récupération du tissu nerveux est nulle ou presque, il faut donc être très prudent dans les traitements de radiothérapie sur ce tissu.
L’irradiation cérébrale donne peu de symptômes aigus hormis des nausées et l’augmentation transitoire d’un œdème cérébral.
On observe souvent des conséquences négatives sur la fonction cognitive dans les six mois qui suivent le traitement avec baisse irréversible de la concentration et de la capacité d’apprendre.

Il est recommandé d’administrer des corticostéroïdes, la dexamethasone (Décadron®), habituellement, à doses élevées, puis de la cesser de façon progressive après une irradiation cérébrale de façon à éviter des symptômes d’œdème cérébral ou une exacerbation des symptômes de la tumeur.  L’œdème chronique est possible après une radiothérapie cérébrale et justifie alors le maintien des corticostéroïdes de façon prolongée. La surveillance des glycémies est essentielle avec le Décadron ®.

Système nerveux central : moelle épinière

Le syndrome de L’hermitte, atteinte subaigüe de la moelle épinière, peut débuter quelques semaines à quelques mois après un traitement au niveau de la moelle épinière cervicale ou du thorax supérieur, pour un cancer ORL par exemple : le patient se plaindra alors de paresthésies et de chocs électriques aux jambes, surtout lorsqu’il plie le cou. Ce syndrome est habituellement réversible, en deux mois en moyenne, sinon il peut évoluer vers un syndrome de Brown-Sequard irréversible et même évolutif (hémiplégie, paresthésies unilatérales).
La myélite permanente peut survenir en moyenne 6 mois après une radiothérapie sur un long segment de la moelle, souvent précédée des signes d’atteinte des cordons postérieurs avec des troubles proprioceptifs et des paresthésies. Les déficits moteurs suivent après.

La résonance magnétique est l’examen de choix pour mettre en évidence ces complications graves. Le traitement de la myélite aiguë consiste en l’administration de corticostéroïdes, le Décadron ® habituellement, à doses élevées, à cesser de façon progressive, selon la réponse clinique.
L’accent est surtout mis sur la prévention de cette complication.

* Liste non exhaustive