Médecine à domicile : la véritable solution aux urgences débordées

GENEVIÈVE DECHÊNE, MÉDECIN DE L’ÉQUIPE DE SOINS MÉDICAUX INTENSIFS À DOMICILE (SIAD) VERDUN *

 

Savez-vous quelle est la particularité des médecins de famille québécois? La très grande majorité n’est pas disponible quotidiennement pour visiter à domicile les grands malades instables.

Partout ailleurs, en France par exemple, les généralistes consacrent du temps chaque jour à visiter leurs patients qui ne peuvent plus se présenter en clinique : ils préviennent ainsi les crises médicales et les visites aux urgences.

Ces médecins sont soutenus au besoin par des équipes mobiles médicales palliatives et des médecins d’urgence à domicile (SAMU) associés aux ambulanciers dans les grands centres urbains.

Un malade français va rarement aux urgences : ce sont les médecins qui viennent à lui.

Au Québec, c’est le contraire : lorsque surviennent les problèmes médicaux chroniques sévères de fin de vie qui entravent la mobilité, aucun médecin ne va à domicile visiter ces malades. Leurs crises ne sont pas prévenues : ils décompensent à répétition pour être soignés aux urgences.

On divise les urgences en deux : « la majeure », où l’attente est sur civière, et « la mineure », où l’attente des moins malades est assise. Les « cliniques d’hiver » ne soulagent que les urgences mineures. Pour réduire l’attente aux urgences majeures, celle mesurée par nos politiciens, il faut des médecins en amont à domicile comme partout ailleurs en Occident.

Pourquoi nos médecins ne visitent plus leurs grands malades ? Parce que les médecins en clinique, en nombre insuffisant, sont débordés. Pire, il est presque impossible de changer de médecin. On le garde même après un déménagement. Une forte proportion des patients ne réside donc plus dans le territoire de leur médecin de famille. Impossible alors pour celui-ci de les visiter, à moins de sillonner la province chaque jour !

Comment rattraper rapidement 25 ans de retard sur la médecine familiale à domicile canadienne, américaine et européenne, pour juguler les débordements de nos urgences majeures ? En misant simplement sur les CLSC, où travaillent déjà tous les autres professionnels de soins à domicile, qui attendent depuis 25 ans des médecins à leurs côtés pour éviter les hospitalisations.

Il devait y avoir dans les CLSC des équipes médicales à domicile 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, qui avaient le mandat d’offrir des soins médicaux aux grands malades incapables de se déplacer, un service qui combinait le suivi et les visites d’urgence ; une solution simple et réaliste, puisque les patients à visiter sont regroupés dans un territoire. Chaque patient suivi ainsi coûte trois fois moins cher.

Mais le Ministère vient d’en décider autrement : contre toute logique, ces équipes de médecins n’ont plus le droit de soigner plus de sept jours les plus grands malades de notre société ! Il faut les abandonner au jour huit, même si leur médecin de famille ne pourra pas faire de visite à domicile pour prévenir et traiter leurs décompensations.

Ils sont 11 % de Québécois en fin de vie à mourir à domicile, et 30 % ailleurs en Occident.

Nous sommes les cancres des soins médicaux à domicile et nos urgences majeures en témoignent : elles débordent de patients qui pourraient être soignés à domicile par les équipes médicales 24/7 en CLSC.

Le Ministère devrait retirer cette limite inhumaine de sept jours de suivi médical de façon à décongestionner nos urgences majeures, réduire les hospitalisations et permettre aux Québécois de vivre dignement leurs dernières années de vie chez eux malgré la maladie.

 

* Il s’agit du seul SIAD autorisé en un an par le ministère de la Santé.

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