Les métastases pleurales : épanchement pleural métastatique

L’épanchement pleural (pleurésie cancéreuse) est une complication relativement fréquente des cancers : des nodules cancéreux implantés sur la surface séreuse de la plèvre entraînent une production excessive de liquide séreux. Certains implants peuvent être de très petite taille mais d’autres peuvent être plus importants en nombre et en taille. Les cancers du sein et du poumon sont responsables de plus de la moitié des pleurésies cancéreuses, mais on peut en retrouver aussi avec des lymphomes, des cancers de l’ovaire, des cancers gastro-intestinaux et certains cancers de la thyroïde.

Environ le quart des épanchements néoplasiques sont asymptomatiques, surtout à leur début. Dans les trois quarts des cas, l’épanchement sera de volume modéré à important, soit plus de 500 ml et jusqu’à 2 litres quelquefois 60. La dyspnée peut être accompagnée de douleurs thoraciques ou de douleurs dorsales unilatérales ou bilatérales, de douleurs constantes ou intermittentes, des douleurs de type pleurétiques quelquefois, accentuées par l’inspiration et la toux.

Dès que l’épanchement est significatif, on retrouve à l’examen physique une matité à la percussion ainsi qu’une baisse du murmure vésiculaire ou même une disparition de celui-ci lorsque l’épanchement est important. Un frottement pleural peut être entendu. Une déviation de la trachée signe un épanchement important. Un épanchement massif comprimera le tissu pulmonaire et provoquera une dyspnée sévère, surtout chez un patient dont la fonction pulmonaire était limite au départ. Il est important de savoir que 5 % des épanchements pleuraux chez les patients atteints de cancer ne sont pas d’origine cancéreuse (maladie cardiaque, autre) : chez un patient en bonne condition générale, tout épanchement nouveau mérite une investigation Statut fonctionnel 61.

On pourra voir à la radiographie d’un épanchement pleural, une opacité homogène souvent caractéristique, suivant les contours de la plèvre et des scissures avec une atteinte de la portion inférieure du poumon au départ. Un épanchement important peut amener un déplacement controlatéral du médiastin à la radiographie. La tomodensitométrie, idéalement effectuée après la ponction pour accroître sa sensibilité, peut démontrer une lymphangite carcinomateuse associée Lymphangite carcinomateuse, une atteinte du poumon adjacent à la zone d’épanchement ainsi qu’une atteinte du médiastin.

En cas de cancer, une ponction pleurale démontrera le plus souvent un liquide séreux sinon un liquide séro-sanguinolent. On devra effectuer sur le liquide pleural une recherche de cellules néoplasiques ainsi que la recherche de bactéries, pour éliminer une pneumonie ou une tuberculose.

En l’absence de cellules cancéreuses dans le liquide pleural, une biopsie pleurale à l’aiguille exécutée à l’aveugle ou sous guidage (par échographie ou tomodensitométrie) pourra être effectuée. Sans guidage, cette biopsie peut manquer une proportion significative des atteintes cancéreuses, celles-ci étant distribuées de façon inégale le long de la plèvre. Dans le cas de diagnostic encore imprécis, on devra quelquefois proposer à certains patients une thoracoscopie diagnostique avec biopsies guidées de la plèvre.

Le traitement des épanchements pleuraux cancéreux symptomatiques est le plus souvent palliatif, ces épanchements répondant mal aux traitements de chimiothérapie hormis ceux en lien avec les cancers du poumon à petites cellules, les cancers du sein et certains lymphomes. Le Tableau I résume les recommandations de l’American College of Chest Physicians, la ponction pleurale (thoracocentèse) étant la base du traitement symptomatique des épanchements pleuraux cancéreux 62.

On peut effectuer les ponctions à intervalles répétés si l’épanchement ne se reforme pas trop rapidement : contrairement à la ponction d’ascite, réalisable à domicile ou en centre de longue durée, les ponctions pleurales doivent se faire en milieu hospitalier en raison du risque de pneumothorax associé à la procédure. Pour les cas de récidives rapides d’un épanchement pleural symptomatique, on pourra proposer une pleurodèse (accolement des 2 plèvres viscérales et pariétales provoqué par l’instillation dans l’espace pleural d’une substance inflammatoire), donc une sclérothérapie de l’espace pleural (avec du talc habituellement), procédure qui prévient les récidives dans une forte proportion des cas 63 64.

On propose de plus en plus souvent au patient ambulatoire en bonne condition générale dont l’épanchement pleural récidive rapidement malgré les ponctions répétées, un drainage externe tunnelisé et laissé en place de type Pleur x® 65. La valve du cathéter externe de type Pleur x® est ouverte de façon régulière à domicile, pour permettre le drainage stérile et sécuritaire du liquide pleural dans une bouteille sous vide. Fait intéressant, plusieurs épanchements se tariront éventuellement, dans les mois qui suivront la mise en place du cathéter, même sans sclérothérapie. Chez le patient avec une bonne espérance de vie, on pourra alors choisir de retirer le cathéter. Le risque subséquent de ré-accumulation est alors de moins de 5 %. Les complications infectieuses sont rares avec un Pleur x®, essentiellement des cellulites au site de sortie externe du cathéter (2,2 %) 66.


Tableau I -

Recommandations de l’American College of Chest Physicians concernant le traitement des épanchements pleuraux cancéreux*. 67
C

Un drainage par thoracocentèse devrait être proposé au patient qui souffre d’un premier épisode d’épanchement pleural

C

Un patient avec un mauvais statut de performance qui souffre d’épanchements pleuraux à répétition pourra avoir des thoracocentèses répétées au besoin

B

Un patient avec un cancer du poumon Non à Petites Cellules avec un bon statut de performance et qui souffre d’épanchements pleuraux répétés pourrait bénéficier d’une pleurodèse

B

Un patient avec un cancer du poumon à Petites Cellules souffrant d’épanchements pleuraux répétés devrait se voir offrir une chimiothérapie systémique

*A : Recommandation forte, B : certaines évidences en faveur de la recommandation; C : évidences insuffisantes pour recommander ou déconseiller