Les râles en dyspnée et en détresse respiratoire

Le râle, symptôme associé à la dyspnée et à la détresse respiratoire, est en soi le moins dangereux probablement, mais le plus pénible à supporter pour les familles et souvent pour les soignants. Le bruit causé par l’inspiration et l’expiration une soixantaine de fois par minute devient insupportable au bout de quelques heures.

On a pris l’habitude de tenter de faire disparaître ces bruits causés par les sécrétions dans l’arbre bronchique avec des anticholinergiques et antimuscariniques.

Est-ce efficace? Nos traitements sont-ils complets? Traitons-nous les soignants et les familles plus que le malade? Toutes des questions qui font peur à soulever et encore plus peur lorsqu’on trouve les réponses quand on considère qu’actuellement 50 % de nos malades mourront avec des râles malgré l’emploi des anticholinergiques.

Vinay et al. en 2010 ont fait paraître un article qui interroge tous ces paramètres. Après explication des différents enjeux en cause dans l’apparition des râles terminaux, ils nous proposent l’addition judicieuse d’un diurétique dans la pharmacopée usuelle du traitement des sécrétions pulmonaires terminales.

«L’apparition des râles annonce le décès prochain du malade (dans les 24 à 48 heures). Il s’agit de bruits ronflants d’abord expiratoires puis survenant aux deux temps de la respiration. Ils sont causés par un mouvement de liquide emprisonné dans l’arbre pulmonaire qui roule sous la poussée du flux d’air expiré et/ou inspiré. Le plus souvent, le malade n’en est pas conscient. 

Ces râles donnent l’impression d’une respiration laborieuse, voire souffrante, causant de l’inconfort chez les familles comme chez les soignants. La littérature indique que le premier but du traitement est donc de réduire l’inconfort des familles, mais nous croyons qu’il améliore aussi le confort des malades.  Nous croyons qu’un facteur causal significatif, la surcharge liquidienne, occulte ou évidente, n’est pas suffisamment pris en compte dans les études antérieures.».

(Vinay Patrick et al. 2010)

Lorsqu’on connaît les différents mécanismes en cause dans l’apparition des râles, on peut agir sur les différents paramètres et on s’aperçoit que le traitement est souvent dans la prévention de l’apparition des râles plutôt que dans un traitement souvent inefficace.

Le tableau suivant brosse un portrait complet des phénomènes concourant au débalancement de l’équilibre liquidien dans l’arbre bronchique et les traitements pharmacologiques ou non pharmacologiques qui peuvent faire une différence. 

Incapacité à tousser

Chez les patients qui développent des râles, on note toujours une incapacité à tousser de façon efficace et une force expiratoire déficiente.
Le déconditionnement et la dénutrition jouent un rôle majeur pour l’élimination des sécrétions bronchiques.

Dysphagie

Les épisodes d’aspirations contribuent directement et indirectement à accumuler du liquide dans l’arbre respiratoire. Directement, par l’apport de liquide ou d’eau provenant de la cavité buccale; indirectement, en créant un processus inflammatoire local qui, à son tour, stimule la production de mucus par les glandes sous-muqueuses et crée une vasodilatation locale.

Production accrue de mucus

Une production accrue de mucus témoignant d’un tonus parasympathique accru est fréquente chez les malades terminaux. Les cellules cancéreuses pulmonaires peuvent changer le tonus parasympathique local soit en relâchant de l’acétylcholine dans la circulation, soit en favorisant l’affichage de récepteurs muscariniques à la surface des cellules épithéliales.

Dysfonction cardiaque gauche

Chez un patient déjà dénutri et cachexique avec ou sans condition cardiaque, la baisse du débit cardiaque produit une vasoconstriction qui a pour but d’éviter une hypotension artérielle (rôle des barorécepteurs). Mais la vasoconstriction augmente la résistance à l’éjection ventriculaire, qui peut aggraver encore plus l’insuffisance cardiaque.

Apport excessif de liquide

Solutés, pression des familles pour faire boire le malade malgré les aspirations dans l’arbre bronchique, expansion du volume par production endogène d’eau et par non excrétion reliée à l’ADH, l’hypoalbuminémie qui encourage l’oedème.

Constriction bronchique

Le parasympathique augmente la constriction bronchique (moins d’espace aérien) et accroît ainsi l’importance fonctionnelle relative de l’obstruction partielle par les sécrétions accumulées dans les bronches : le liquide roule et produit un râlement.

D’après Vinay et al.

Dans nos us et coutumes en soins palliatifs, il existe quatre (4) médicaments qui sont utilisés lorsqu’il y a des râles.

A) L’atropine, le butylbromure d'hyoscine et la scopolamine. Les preuves scientifiques, toutefois, ne sont pas concluantes. L’étude conclut qu’il n’y a pas de différence marquée quant à l’efficacité ou au temps de survie entre l’atropine, le butylbromure d'hyoscine et la scopolamine pour traiter les râles agoniques, mais elle laisse entendre que le traitement est plus efficace s’il est amorcé tôt, lorsque l’intensité des râles agoniques est faible, et que l’efficacité croît avec le temps. Un essai clinique randomisé portant sur l’atropine (un autre médicament possible, mais qui offre peu d’avantages par rapport aux autres) ne révèle pas de différence entre les résultats des patients qui ont reçu de l’atropine et les résultats de ceux qui ont reçu un placebo. Une autre étude comparative, mais non contrôlée, a montré que la scopolamine était beaucoup plus efficace que le glycopyrrolate pour réduire l’intensité des râles agoniques 30 minutes après l’administration du médicament, mais que ses effets disparaissaient une heure plus tard, ou juste avant le décès. Une étude rétrospective a par contre révélé que le glycopyrrolate était plus efficace que la scopolamine. Deux études ont aussi constaté que le degré d’hydratation n’avait pas d’incidence sur la prévalence des râles agoniques.

(Bennett 2002, Lockker 2013)

B) Trois études n’ont fait ressortir aucune différence quant à l’efficacité des médicaments administrés, dont un régime médicamenteux contenant de l’octréotide.

(Clark 2011)

Bref, toutes ces études présentent des lacunes et il faudrait des études plus rigoureuses pour éclairer les interventions tant pharmacologiques que non pharmacologiques.