Neuromatrice et neurosignature

Cette matrice de la douleur, ou neuromatrice, constitue donc l’ensemble des régions du cerveau dont l’activité varie lors d’une expérience douloureuse. C’est un vaste espace neuronal où peuvent être codés différents types de douleur. Chacune de ces douleurs singulières aura ce que Melzack appelle une neurosignature particulière, c’est-à-dire un pattern d’activation unique de la neuromatrice ou d’un sous-ensemble de celle-ci.

D’autres emploient l’expression d’assemblée de neurones pour décrire ce type d’association neuronale. Et comme les connexions des cerveaux de chaque individu sont différentes dans le détail, les neurosignatures de chaque individu sont forcément différentes. De même, les connexions synaptiques étant modifiables avec l’expérience, une neurosignature va être structurellement différente dans un même cerveau avec le temps qui passe.

Pour tenir compte de toutes les facettes du phénomène des douleurs fantômes, Melzack a proposé une neuromatrice comprenant de nombreuses structures cérébrales impliquées tant dans l’aspect discriminatif, affectif, cognitif et moteur de l’expérience douloureuse des amputés.

Sa neuromatrice incluait au moins trois circuits neuronaux majeurs dont l’importance a été confirmée par les nombreuses études d’imagerie cérébrale qui ont suivi. D’abord, une voie nociceptive ascendante spinothalamique latérale discriminative qui comprend les noyaux ventropostérieurs du thalamus et le cortex somatosensoriel. Ensuite, une voie spinothalamique médiane plutôt affective et motivationnelle impliquant le tronc cérébral, les noyaux ventro-médians du thalamus, le système limbique et le cortex frontal. Et finalement, des régions associatives du cortex pariétal inférieur.

Le tableau sest aussi enrichi de régions comme le cortex orbitofrontal, préfrontal (dans les aires de Brodmann 9, 10, 44), moteur (comme laire 6 de Brodmann) et le cortex moteur supplémentaire sans oublier certaines régions du mésencéphale comme celle de la substance grise périaqueducale et du noyau lentiforme (ou lenticulaire).

Des régions comme le cortex cingulaire antérieur et l’insula sont même devenues, aux yeux de plusieurs, des régions clé dont l’activation va nécessairement de pair avec certaines facettes de la douleur, notamment sa composante affective. Sans revenir en arrière et en faire des «centres de la douleur», les neurones de ces régions montrent une grande spécificité à certains aspects de la douleur. Ce qui montre que la neuromatrice de la douleur peut avoir des «nœuds» dont l’activité est plus significative que d’autres.