Pourquoi des antiépileptiques si on ne fait pas d’épilepsie?

Une autre classe coanalgésique
Les antiépileptiques et leurs mécanismes d’action

Suppriment les décharges paroxystiques et leur propagation à partir du site d’origine;Réduisent l’hyperexcitabilité du neurone, là où il y a de l’activité aberrante aux différents étages du SNC et en périphérie pour certains. Il y a eu plusieurs molécules qui sont apparues avec les années et depuis l’ère du DilantinM©.


Antiépileptique

Mécanisme d’action

Carbamazépine

Bloqueur de canaux Na+ voltage-dépendants

Oxcarbamazépine

Bloqueur de canaux Na+ voltage-dépendants et aussi de canaux potassiques

Topiramate

Prolongation de l’inactivation de canaux Na+ voltage-sensibles

Gabapentine

Agoniste de récepteur GABA

Lamotrigine

Stabilisateur de membrane neuronale par blocage de canaux Na+ voltage-sensibles 

Prégabaline

Modulateur d’une unité α-2 d’un canal Ca++ présynaptique  réduisant l’émission de neurotransmetteurs excitateurs

La carbamazépine est utilisée depuis 40 ans pour traiter de nombreuses pathologies neuropathiques. Elle est aux antiépileptiques ce qu’est l’amitryptilline pour les antidépresseurs, c’est-à-dire une vieille molécule très efficace mais dont le profil d’innocuité est moins convivial et moins sécuritaire que les nouvelles molécules de type gabapentinoïde comme gabapentine et prégabaline. On remarque que les NNT avec Tegretol sont très efficaces.

Fort intéressant de souligner qu’une revue très récente en 2011  réitère les conclusions sur la carbamazépine.

Dans cette étude, on retenait que la prednisolone s’était montrée plus efficace que la carbamazépine pour prévenir la névralgie postherpétique aiguë.

Quatorze (14) études avaient investigué la douleur neuropathique chronique. Ces études étaient très disparates tant pour la durée que pour le nombre de patients impliqués dans ces études.

La majorité des études contrôlées par placebo ont montré que la carbamazépine était plus efficace que le placebo.

Sous carbamazépine, 66 % des participants ont eu au moins un événement adverse négatif contre 27 % sous placebo. Des désistements de l’étude pour des événements adverses négatifs sont survenus dans 4 % des cas sous carbamazépine contre 0 % pour le placebo.

Quelles sont les conclusions des auteurs?

La carbamazépine est efficace en douleur chronique neuropathique, le tout accompagné de mise en garde sur le fait qu’aucun essai de bonne qualité n’a duré plus de 4 semaines.

 Wiffen PJ, Derry S, Moore RA, McQuay HJ.
Carbamazepine for acute and chronic pain in adults.
Cochrane Database of Systematic Reviews 2011; Issue 1.

Par ailleurs, on a vu que d’autres antiépileptiques sont employés en douleur neuropathique. Ces antiépileptiques sont-ils tous appropriés et sont-ils tous efficaces? Bonne question! Pour tenter d’y répondre, vous êtes invités à lire un article de revue de la littérature.

On y passe en revue, pour chacune des molécules antiépileptiques citées, les données d’étude ayant trait à leur efficacité au regard de la douleur tout en les comparant et en tentant de tirer des conclusions sur leur valeur respective en douleur neuropathique périphérique versus centrale, mais aussi entre différentes pathologies comme le VIH, le diabète, la douleur postherpétique, les CRPS, les migraines et d’autres pathologies à saveur et caractéristiques neuropathiques.
Les conclusions de l’équipe de rédaction sont à l’effet que les antiépileptiques sont un maillon majeur d’une thérapie de la douleur neuropathique.

De façon plus spécifique, gabapentine (Neurontin®) et prégabaline (Lyrica®) font partie d’une première ligne de traitement dans la douleur postherpétique et dans la neuropathie douloureuse diabétique, alors que la carbamazépine (Tegretol®) et peut-être l’oxcarbazépine demeurent les molécules de première ligne dans la névralgie du trijumeau.
 L’évidence d’efficacité dans le traitement d’autres pathologies causant des douleurs neuropathiques n’est pas aussi forte.
Quant aux autres molécules antiépileptiques (topiramate, lamotrigine), elles sont plutôt employées en seconde et troisième ligne pour traiter les douleurs neuropathiques.

D’autres conclusions sont tirées à l’effet que la combinaison opioïde-gabapentinoïde est plus efficace que l’administration de l’un ou de l’autre seul. 

Finalement, le concept d’administration de deux antiépileptiques différents dont les mécanismes d’action sont différents n’est pas inintéressant : exemple : prégabaline et lamotrigine.                                                                          

Elon Eisenberg, Yaron River, Ala Shifrin, Norberto Krivoy.
Antiepileptic Drugs in the Treatment of Neuropathic Pain. Drugs 2007;67(9):1265-1289.

Comme pour les antidépresseurs, nous allons regarder l’évolution dans le temps des antiépileptiques pour le traitement des douleurs neuropathiques.


Résultats avec Tegretol®

 

Névralgie du trijumeau

Névrite douloureuse diabétique

Prophylaxie migraine

NNT

2.5

2.6

1.6

NNH
Effets secondaires
mineurs

3.4

3.1

2.4

NNH
Effets secondaires
majeurs

24

20

39

Une première revue systématique de la littérature de 1966 à 1999, corroborée par une méta-analyse de 2011 dans la base de données de Cochrane pour différentes pathologies, est quand même intéressante quant aux taux d’efficacité analgésique.

Résultats avec prégabaline




Pathologie

Première étude

Seconde étude

Troisième étude

Neuropathie douloureuse diabétique

Randomisée, double insu, contre placebo, multicentrique, durée 6 semaines;

Pour diminution de ≥ 50 % douleur : 

Prégabaline

600 mg/die : NNT 2.56

150 mg/die : NNT 6.66

Placebo : NNT 6.66

Randomisée, double insu, contre placebo, multicentrique, durée 5 semaines;

Pour diminution de ≥ 50 %  douleur :

Prégabaline

 600 mg/die : NNT 2.17

300 mg/die :  NNT 2.08

Placebo : NNT 5.55

Randomisée, double insu, contre placebo, multicentrique

Pour Diminution de ≥ 50%  douleur :

Une seule dose de Prégabalin de 100 mg tid:

NNT: 2.08

Douleur post-herpétique

Patients non soulagés par

1 200 mg/die de gabapentine

reçoivent :

Prégabaline

150 mg/die : NNT 3.8

300 mg/die : NNT 3.57

Placebo : NNT 10

Dernière étude de Hollande en 2006 a confirmé nette supériorité de prégabaline sur placebo avec diminutions significatives d’intensité de douleur selon dose de 150-300 ou 600 mg/die.

 

D’après la revue de :

Elon Eisenberg, Yaron River, Ala Shifrin, Norberto Krivoy.
Antiepileptic Drugs in the Treatment of Neuropathic Pain. Drugs 2007;67(9):1265-1289.