Présentation d’un cas vécu

Une dame d’origine haïtienne et âgée de 84 ans est  admise au Canada en 2010 suite au séisme survenu dans son pays.

Quelques mois après son arrivée, elle présente des troubles de comportement, des fugues et errances et des signes clairs de démence. La famille réussit à la maintenir à la maison. En 2012, un AVC la laissera hémiplégique gauche. Elle doit être admise en CHSLD. Elle est démente, se déplace en fauteuil roulant, non autonome pour toutes les activités de sa vie.

Au milieu de 2014, une lente détérioration de l’état général sur quelques semaines, sans aucun symptôme d’appel, la mènera à un état grabataire sans possibilité de s’asseoir au fauteuil et d’interagir avec les autres personnes de son unité. Nous sommes à un stade 7E de démence sur l’échelle de Reisberg (déficit cognitif très grave : utilise un vocabulaire très restreint qui se réduira bientôt à quelques mots seulement, perd la capacité de marcher et de s’asseoir, a besoin d’aide pour manger).

Depuis plusieurs jours, elle doit être nourrie avec insistance, ouvrant la bouche mais ne mastiquant pas et recrachant les aliments sur le plancher aussi bien avec sa famille qu’avec le personnel. La famille persiste à la stimuler à manger malgré nos recommendations et les dangers d’aspiration et de pneumonie. D’ailleurs, il lui arrive de s’étouffer et de cracher.

La dame continue une lente détérioration qui la mène à l’inconscience.

Un bilan sommaire montre une hyperosmolalité sur hypernatrémie à 176 mEq/L et une hyperchlorurémie à 139 mEq/L.

Il n’y a pas d’éléments suggestifs d’acido-cétose diabétique ou de diabète insipide. Il n’y a pas d’autres causes digestives. La créatinine est passée de 105 mmol/L à 195 mmol/L.

Le déficit liquidien est calculé à 7 litres et une perfusion est débutée.

Une réunion de famille avec le fils mandataire a lieu. À noter que le fils était absent du pays depuis 6 mois et est revenu au Canada suite à l’appel téléphonique du médecin traitant.

Des explications sur les raisons de la détérioration lui sont données. Le fils est avisé que le niveau d’intervention médicale (NIM) qui était de 1 (soins maximaux et transfert à l’hôpital de soins aigus et généraux) deux mois auparavant devrait être revisé et que notre conseil était qu’un niveau IV (soins de confort) serait plus approprié. Le fils ne veut pas changer le NIM et exige un transfert à l’hôpital, accusant l’équipe de ne rien faire. Il est en déni complet, considérant que sa mère n’est pas malade et que nous la laissons mourir de soif et de faim. Il exige un gavage parentéral et une hydratation déjà en place.

L’équipe soignante multidisciplinaire refuse à l’unanimité le transfert à l’hôpital.

Les traitements entrepris seront continués au CHSLD.

La famille continuera tout de même à lui mettre de la nourriture dans la bouche pendant 3 jours malgré nos représentations.

Les veines éclatent et après 5 tentatives par 3 personnes différentes de réinstaller le soluté, il est décidé d’aviser le fils que nous cessons la réhydratation intraveineuse mais que nous laisserons une hydratation sous-cutanée.

La patiente décédera au bout de 3 jours.