SUBSTANCES ALGOGÈNES LIBÉRÉES PAR MASTOCYTES, PLAQUETTES ET VAISSEAUX

LE CARACTERE "AGRESSANT" DES DIFFERENTS STIMULI "DOULOUREUX" ET LA PRODUCTION DE SUBSTANCES INFLAMMATOIRES
 
Selon le modèle classique de la douleur, un stimulus "douloureux" est à l'origine du déclenchement d'un influx "douloureux". Cependant, ce stimulus "douloureux" possède souvent en même temps une propriété "agressante" pour les tissus. Il est peut-être difficile de concevoir qu'une piqûre d'aiguille puisse être agressante pour les tissus mais le contexte d'une entorse malléolaire ou d'un coup de marteau ne laisse pas de doute sur le caractère "agressant" de l'événement déclenchant. De même, la présence de cellules tumorales dans un os comporte un caractère tout autant agressant même s'il ne comporte pas le concept d'un traumatisme soudain.
 
L'événement "agressant", qu'il soit
 
• mécanique (pression, étirement, contraction violente de la paroi d'un viscère ...)
• chimique (substances produites en contexte d'hypoxie, par exemple acide lactique)
• thermique (coup de soleil)
 
déclenche la production d'influx nociceptifs à partir des nocicepteurs stimulés.
 
L'événement "agressant" entraîne en même temps des dommages cellulaires dont souvent de la nécrose cellulaire.
 
Les dommages cellulaires entraînent à leur tour
 
• la libération de potassium (K+) qui était contenu à l'intérieur des cellules
 
• la synthèse immédiate de
• des prostaglandines (à partir des fragments de membranes cellulaires)
• de bradykinine (à partir des capillaires brisés qui permettent l'entrée de kininogène plasmatique et à partir des fragments de membranes cellulaires).
 
et
 
• déclenche au niveau des tissus lésés, le complexe processus de l'inflammation particulièrement caractérisé par la production i.e. la synthèse de différentes substances inflammatoires parmi lesquelles se retrouvent certaines qui sont dites "algogènes"
           
• sérotonine (provient des plaquettes et des mastocytes)
• histamine (provient des mastocytes)
• tumor necrosis factor alpha (TNF-alpha) (provient des macrophages)
• interleukine 1-alpha et 1-beta (provient des leukocytes)
• leukotriène B4 (provient des neutrophiles)
• acétylcholine
• l'ATP.
 
Nous avons vu que ces événements peuvent prendre place dans de nombreux tissus (la surface cutanée/le derme, les muscles squelettiques, le muscle cardiaque, les articulations, le périoste, les viscères, les vaisseaux sanguins) et dans de nombreuses autres structures toutes pourvues de nocicepteurs et dont l'énumération est trop exhaustive pour la compréhension actuelle
 
Dans certaines structures tel le périoste, l'agression tumorale exerce de nombreux effets en plus des dommages cellulaires créés par la destruction du milieu environnant avec la kyrielle de substances inflammatoires algogènes alors produites. Ainsi dans ce milieu, les cellules tumorales exercent un effet activateur sur une ou sur l'autre des deux types de cellules présentes dans les lacunes osseuses soient les ostéoclastes et les ostéoblastes. Les ostéoclastes sont responsables de la résorption osseuse alors que les ostéoblastes  sont responsables de la formation osseuse i.e. du dépôt de calcium dans les zones de résorption osseuse produite par les ostéoclastes. Dans les contextes de lésions lytiques, les cellules tumorales exercent une activité d'induction principalement sur les ostéoclastes ce qui provoque une intense activité "destructive" au niveau de la substance osseuse. C'est ainsi qu'apparaissent les lésions lytiques observables à la radiographie. Une des conséquences de cette intense activité d'induction est d'ajouter une plus grande quantité de substances inflammatoires algogènes à l'abondance déjà produite. Or cette induction ostéoclastique finit par se rendre au périoste, là où se trouvent justement les nocicepteurs. Elle y déverse alors ses substances algogènes au pourtour des nocicepteurs.
 
L'ACTIVATION "PRIMAIRE"
 
Les premiers influx nociceptifs apparus à la suite de l'événement agressant commencent alors à se propager dans les fibres nociceptives. Une très large portion de ces influx se déplace "vers le cerveau" i.e. dans une direction "dromique" et la douleur commence alors à être ressentie, l'activation primaire des nocicepteurs a ainsi eu lieu.
 
Cependant une autre portion des premiers influx nociceptifs ains créée par l'événement agressant change déjà de direction aux premiers sites d'embranchements des terminaisons nerveuses pour retourner immédiatement en périphérie vers la partie la plus distale des terminaisons, on parle alors d'une orientation "antidromique".
 
Ces influx "antidromiques" provoquent
 
• la migration de vésicules de substances P vers les extrémités périphériques des terminaisons nerveuses "nociceptives"
 
et
 
• la libération de substance P dans les tissus environnants.
 
Cette substance, contenue dans de fines vésicules au niveau des terminaisons nerveuses fait l'objet d'un transport actif dans les fibres nociceptives puisqu'on son site de production se trouve à l'autre bout de la fibre nociceptive, là où se trouve le noyau des neurones nociceptifs, où elle joue encore un rôle important dans le relais des influx nociceptifs entre les deux fibres nociceptives périphériques et centrales. (Voir: LA CORNE POSTERIEURE: UNE "COUR DE TRIAGE" COMPLEXE).
 
Dès leur production, les prostaglandines augmentent de façon considérable la sensibilité des différentes terminaisons nerveuses à la bradykinine. En peu de temps, les autres substances inflammatoires dites "algogènes" commencent déjà à s'accumuler.
 
En peu de temps, se retrouvent donc, dans un même environnement, une "redoutable" famille de substances inflammatoires "algogènes" parmi lesquelles figurent tout particulièrement:
 
• le potassium,
• les prostaglandines,
• la bradykinine,
• la sérotonine,
• l'acétylcholine,
• l'ATP,
• la substance P,
• l'histamine,
• les leukotriènes B4,
• l'interleukine 1-alpha et 1-beta,
• le "tumor necrosis facteur"-alpha (TNF-alpha).
 
L'ACTIVATION "PRIMAIRE":
ACTIVATION ET SENSIBILISATION DES NOCICEPTEURS
 
Ces substances inflammatoires "algogènes" agissent de différentes façons, elles peuvent
 
• produire une stimulation directe des nocicepteurs, c'est-à-dire une "activation" des nocicepteurs qui correspond en fait à produire le cycle complet de dépolarisation jusqu'à l'atteinte du seuil d'activation pour créer des influx nocicepteurs,
 
ou
 
• sensibiliser les nocicepteurs, i.e. provoquer un abaissement du seuil d'activation des nocicepteurs ce qui vient ainsi faciliter leur activation à la suite d'un stimulus quelconque. Un plus faible stimulus est alors nécessaire pour franchir le seuil de potentiel transmembranaire nécessaire pour déclencher un influx douloureux et l'effet des différentes substances "algogènes" (K+, bradykinine, sérotonine, histamine, acétylcholine) se trouve ainsi grandement facilité.
 
Les prostaglandines et la substance P
 
• n'entraînent pas directement d'activation des nocicepteurs i.e. elles ne peuvent à elles seules provoquer la création d'influx nociceptifs,
• elles ont cependant pour effet de sensibiliser les nocicepteurs à toute stimulation douloureuse et de faciliter ainsi l'activation des nocicepteurs sensibilisés.
 
Les autres substances "algogènes" (K+, bradykinine, sérotonine, histamine, acétylcholine), pour leur part, "activent" directement les nocicepteurs.
 
Sensibilisation et activation sont donc deux phénomènes complémentaires qui prennent place au niveau des nocicepteurs dans les régions où les stimuli douloureux ont lieu.
 
L'ACTIVATION "SECONDAIRE"
 
La présence de substances inflammatoires "algogènes" de plus en plus nombreuses au pourtour des nocicepteurs permet "d'activer" de plus en plus facilement les nocicepteurs, ce qui accentue encore plus le relâchement antidromique de substance P à partir des terminaisons nerveuses des fibres nociceptives.
 
La substance P concourt à plusieurs effets pour accentuer son action "algogène", elle agit sur 4 structures:
 
• les capillaires locaux
            • elle augmente de façon considérable la perméabilité vasculaire, ce qui entraîne un             oedème local et facilite encore plus l'accumulation de bradykinine en provenance             des capillaires dilatés i.e. d'origine vasculaire
 
• les plaquettes
            • elle entraîne le largage de sérotonine à partir des plaquettes
 
• les mastocytes
            • elle entraîne le largage d'histamine à partir des mastocytes
 
et
 
• les terminaisons axonales elles-mêmes
            • elle augmente de façon considérable l'oedème axonal.
 
L'augmentation de la perméabilité capillaire augmente la diffusion des substances algogènes d'origine vasculaire qui s'ajoute alors aux substances algogènes déjà produites localement par l'activité inflammatoire focale. Plus ces différentes substances s'accumulent, plus l'oedème se propage, plus le jeu de la sensibilisation et de l'activation des nocicepteurs s'étend en surface et plus la "zone douloureuse" s'agrandit. On réfère à ce phénomène d'élargissement de la zone douloureuse en terme "d'activation secondaire".
 
Le phénomène du cercle vicieux trouve alors sa véritable manière d'être. Plus la sensibilisation augmente, plus le nombre de nocicepteurs activés s'accentue, plus le nombre de nocicepteurs activés s'accentue, plus il y a de substance P libérée, plus il y a de substance P libérée et plus la concentration des nombreuses substances algogènes augmente, plus la concentration des nombreuses substances algogènes augmente, plus la sensibilisation des nocicepteurs augmente, plus la sensibilisation des nocicepteurs augmente, plus le nombre d'activation ... et le cercle vicieux se propage.
 
Plus le cercle vicieux se propage, plus le nombre d'influx nociceptif augmente; plus le nombre d'influx nociceptif augmente, plus le réseau nociceptif est sollicité; plus le réseau nociceptif est sollicité, plus le système de relais ou de transmission des influx nociceptifs est occupé à son tour. Plus le cercle vicieux se propage, plus la zone de douleur s'agrandit. Cette zone peut parfois prendre des proportions étonnantes.