Douleurs neurogènes: un jeu d'ombrages superposés

Les discussions autour de la classification des différentes douleurs offerte plus avant ont permis d'exposer différents mécanismes pathophysiologiques par lesquels la douleur peut se manifester. Tous sont associés à une agression sur le réseau nociceptif. Ainsi, certains processus reposent sur une activation de nocicepteurs par des substances algogènes (Voir: LE CARACTERE "AGRESSANT" DES DIFFERENTS STIMULI "DOULOUREUX" ET LA PRODUCTION DE SUBSTANCES INFLAMMATOIRES / L'ACTIVATION "PRIMAIRE" / L'ACTIVATION "PRIMAIRE": ACTIVATION ET SENSIBILISATION DES NOCICEPTEURS / L'ACTIVATION "SECONDAIRE") alors que d'autres processus découlent d'une portion ou de l'ensemble de la séquence compression-infiltration-sectionnement (Voir: DOULEUR NEUROGENE ET MASSE TUMORALE: LA SEQUENCE COMPRESSION - INFILTRATION - SECTIONNEMENT) ou encore d'un autre contexte que le présence de cellules tumorales au pourtour du tissu nerveux.

A titre d'exemple, une même personne peut donc se trouver porteuse des différentes douleurs suivantes:

  • douleurs osseuses par métastases osseuses en différents sites dont certaines côtes, l'humérus droit, la région lombaire basse et le fémur gauche,
  • hépatalgie par métastases hépatiques causant une hépatomégalie,
  • douleurs neurogènes simples au bras gauche par compression du plexus brachial,
  • douleurs accompagnées au bras gauche par envahissement du même plexus,
  • douleurs paroxystiques toujours au bras gauche pour la même raison.

En fait, que les douleurs soient provoquées par un envahissement osseux métastatique, par un étirement de capsule, qu'elles proviennent d'une plexopathie avec atteinte plexonale multifocale, d'une monoradiculopathie ou d'une polyradiculopathie, elles se présentent dans leur ensemble comme une superposition de plusieurs types de douleurs.

C'est ainsi que la douleur peut être comparée à un jeu d'ombrages superposés.

Pour illustrer ce concept d'ombrages superposés, supposons trois personnes de taille différente alignées en ordre décroissant de grandeur de sorte que la première cache la deuxième qui cache à son tour la troisième et un observateur placé à une certaine distance devant la plus grande de trois personnes. Il sera impossible à l'observateur de voir les deux personnes de plus petite taille placées derrière la personne la plus grande tant et aussi longtemps que la plus personne de plus grande taille maintiendra sa position. Ce n'est que lorsque la plus grande des trois personnes se sera déplacée que l'observateur pourra voir apparaître la personne de taille moyenne qui cachera encore celle de plus petite taille et ce n'est que lorsque la personne de taille moyenne se sera enfin déplacée que celle de plus petite taille apparaîtra enfin.

Il en va de même pour les douleurs qui peuvent se superposer dans une région donnée. La douleur la plus intense masque les autres et ce n'est qu'en la traitant avec un choix thérapeutique approprié que les autres douleurs peuvent se manifester, celles-ci provenant de mécanismes pathophysiologiques différents de ceux déjà traités. Ainsi, le fait d'éteindre ou d'atténuer le mécanisme dominant permet aux autres mécanismes pathophysiologiques de s'exprimer.

Il est même possible d'extensionner ce concept à des douleurs localisées en des endroits différents et n'ayant aucun lien pathophysiologique avec la douleur dominante la plus intense. Ce n'est qu'après avoir traité adéquatement cette douleur la plus intense, celle qui occupe toute la place, que d'autres douleurs, siégeant ailleurs, seront ressenties. Auparavant ces douleurs étaient présentes mais ignorées parce que les douleurs les plus intenses prenaient toute la place.

En fait, tel que suggéré plus avant, la raison de ces "nouvelles" douleurs qui semblent s'être révélées après un traitement analgésique "efficace" trouve probablement une partie de son explication dans les zones d'interprétation et de conscientisation des douleurs au niveau du cerveau. Le cerveau ne saurait ou ne pourrait interpréter toutes les sortes de douleurs en même temps. Il faut avoir été parent de plusieurs adolescents pour comprendre que le cerveau ne peut traiter toutes les informations en même temps!!!

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