Notes personnelles dans une perspective de soins palliatifs "oncologiques" Par : Brizard, André, MD
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Oserions-nous aujourd'hui traiter le cancer d'une personne sans avoir, au préalable, examiné les caractéristiques histopathologiques de ce cancer au microscope ?
En l'absence d'une identification adéquate des caractéristiques histopathologiques du cancer à traiter, il serait impossible de faire un choix adéquat parmi l'arsenal de chimiothérapie et toute administration d'un protocole quelconque deviendrait tout à fait aléatoire et les résultats thérapeutiques qui s'ensuivraient le seraient tout autant. Bien sûr, ce choix pourrait parfois, par un hasard des plus heureux, être bénéfique pour la personne mais, alors, tout n'aurait été qu'une question de chance.
Or, le traitement de la douleur ressemble parfois au "traitement analgésique" que l'on aurait voulu ainsi appliquer "à tout hasard" contre un cancer. La douleur reçoit alors un traitement sans que les caractéristiques de cette douleur ne soient adéquatement connues au préalable.
En effet, si on ne s'attarde pas à faire une évaluation de la ou des douleurs selon une perspective pathophysiologique et si on applique un traitement analgésique sans diagnostic pathophysiologique, la situation devient analogue à la situation précédente. Le choix des médicaments, parmi l'arsenal des analgésiques et des co-analgésiques, risque alors de se faire de façon aléatoire avec un résultat qui risque d'être fort incertain sur le plan du soulagement, comme il fallait s'y attendre. Bien sûr, ce choix pourrait parfois, comme dans les circonstances précédentes, par un hasard des plus heureux, être bénéfique pour la personne qui a mal mais, alors, tout n'aurait été encore qu'une question de chance. Il faudrait souhaiter que le traitement "aléatoire ou intuitif" des douleurs disparaisse le plus possible parce qu'il est possible, la plupart du temps, de procéder avec rationalité dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres de la médecine.
Le traitement "à tout hasard" des douleurs risque de souvent se résumer à considérer, sous le motif du contexte de soins palliatifs, qu'il n'existe aucun autre choix possible que celui des opiacés. Une telle considération équivaut à faire l'équation terriblement erronée suivante, à savoir douleur = opiacés. Les marges de manoeuvre qui s'ensuivent deviennent donc extrêmement réduites puiqu'alors la seule démarche qui s'offre, face à une douleur qui ne cède pas, s'avère d'augmenter la dose de "narcotique ". Des situations fort désagréables risquent alors de survenir. Une telle situation serait alors analogue à l'utilisation d'un seul type de chimiothérapie appliquée sans considération pour les caractéristiques histopathologiques du cancer et où la seule option restante, face à un cancer qui ne répond pas, aurait été d'augmenter la dose de chimiothérapie sans égard aux effets secondaires de la substance utilisée.
Et les conclusions qui pourraient faire suite à l'équation "douleur = opiacés" pourraient être tout aussi erronées puisqu'on ira parfois jusqu'à affirmer que "le patient ou la patiente" n'a pas répondu aux "narcotiques", comme si la personne y était pour quelque chose dans les mécanismes de sa douleur et dans la réponse de ces mécanismes au traitement "aléatoirement retenu". Ce n'est pourtant pas la personne qui est en cause, ce n'est pas la personne qui "a décidé" de ne pas répondre au traitement, c'est plutôt que la pathophysiologie de telle douleur se prête plus ou moins bien à l'usage des opiacés tout comme plusieurs types de cancer qui sont résistants à telle ou telle type de chimiothérapie.
En corollaire à de telles considérations, on en viendra même, parfois, à considérer que tout ce qu'il restait à faire pour faire céder cette douleur "rebelle"aura été d'augmenter la dose d'opiacé au point de couper la personne de sa réalité de vie.
Regrettable, immensément regrettable comme approche. Les opiacés peuvent offrir d'extraordinaires bienfaits lorsqu'ils sont utilisés correctement; à l'opposé, lorsqu'ils sont utilisés incorrectement, il peuvent causer d'énormes méfaits.
Les choix parmi les modalités à visée analgésique, autant pharmacologiques que non pharmacologiques, et les bénéfices analgésiques`"estimés" découlant de ces différents choix devraient reposer sur :
C'est sur ces prémisses que la série "Ces personnes qui ont mal" a été écrite.
Le matériel éducatif qui suit: "Ces personnes qui ont mal" - "Notes personnelles dans une perspective de soins palliatifs "oncologiques"" propose un contenu de connaissances sur le domaine de la douleur. Il se divise en six (6) manuels dédiés à des thèmes complémentaires.
Ce projet de matériel éducatif découle tout particulièrement de l'intégration d'expériences cliniques répétées vécues au fil des années depuis 1985 en soins palliatifs auprès de personnes en phase palliative et terminale de cancer et qui éprouvaient des douleurs et de la souffrance.
Il ne prétend pas appartenir aux savants traités sur la douleur. Il découle d'une structuration d'observations, de lectures, de déductions et de notes personnelles accumulées au cours des années. Il ne se veut pas exhaustif non plus. Ce projet se veut uniquement un effort personnel pour faire oeuvre de vulgarisation face à des notions qui nous paraissent le plus souvent d'une extrême complexité. Il s'adresse particulièrement aux intervenants de première ligne du monde de la médecine, des soins infirmiers et de la pharmacie.
Aucun effort n'a été épargné pour offrir des connaissances conformes à la littérature dans le domaine de la santé. Le contenu de ces différents documents sera toujours perfectible surtout en tenant compte de l'avancement des connaissances dans les domaines à la fois fondamentaux et cliniques de la douleur. Le défi de vouloir faire oeuvre de vulgarisation nécessite de toujours tenter de conserver un certain équilibre entre le fondamental et l'utile et c'est ce qui a été tenté tout au long de ces écrits.
Ce matériel éducatif peut être copié et reproduit, en partie ou en totalité, mais ne peut, à aucun moment, être modifié sans la permission écrite de l'auteur qui peut être obtenue à l'adresse suivante:
André Brizard, m.d.
Centre Hospitalier Universitaire de Sherbrooke - Fleurimont (CHUS-F)
3001, 12e avenue Nord
Sherbrooke J1H 5N4
Québec, Canada
Qu'il me soit permis à travers ce premier manuel d'exprimer des remerciements à tous ceux et celles qui ont rendu sa réalisation possible.
Les premiers remerciements s'adressent au Dr. Alexandre Madernas (B.Sc., M.Sc., MD) pour la révision en profondeur du manuel dans sa version 1998.
Je voudrais aussi remercier les différents collaborateurs qui ont accepté de revoir le contenu de ce manuel de même que ses différents aspects et qui ont proposé une précieuse gamme de commentaires et de suggestions très appréciés. Ma reconnaissance s'adresse aussi à Michèle Brizard, mon épouse et consoeur de travail, qui m'a soutenu tout au long de ce projet.
Des modalités de "MISE A JOUR" seront disponibles dans la mesure où vous cochez la case "Me contacter par courriel pour des nouveautés sur le site".
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André Brizard M.D.
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Sherbrooke, J1H 5N4
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ou à l'adresse E-mail suivante: andre.brizard@USherbrooke.ca
MANUEL 1
Ce premier manuel a pour but de fournir certaines connaissances de base permettant d'intervenir dans le domaine de la douleur avec un bon potentiel de bénéfices analgésiques.
Avant d'élaborer sur le soulagement de la douleur avec les opiacés, les co-analgésiques et les approches non pharmacologiques, il est essentiel de bien comprendre le type ou les types de douleurs auxquels on s'adresse, tout comme il importe de bien comprendre les effets des composantes non organiques, i.e. affectives et émotionnelles sur la modulation et la perception globale de la douleur.
Ce n'est qu'après avoir bien compris les bases pathophysiologiques des divers types de douleur qu'il sera possible, dans un deuxième temps, de bien évaluer la douleur.
En conséquence, l'évaluation de la douleur, ou plutôt des divers types de douleur, se devra de reposer, d'abord et avant tout, sur une bonne connaissance de la pathophysiologie des douleurs. Cette évaluation, faite au chevet du patient, se devra de miser sur le meilleur de tous les outils d'évaluation: un questionnaire "bien dirigé" qui soit adressé avec discernement à la personne qui a mal.
Les modalités d'investigation que sont les radiographies, la tomodensitométrie ou tomographie axiale (TACO), la résonance magnétique (RMI) et la médecine nucléaire (Scintigraphie osseuse et TEP), fournissent des renseignements extraordinaires sur l'étendue du fardeau tumoral sans jamais livrer, sur la douleur, les informations capitales que le plus simple questionnaire permet d'obtenir. Ces moyens technologiques très perfectionnés ne fournissent et ne fourniront probablement jamais l'information sur la localisation de la douleur, son intensité et son caractère. Le questionnaire "bien dirigé", lui, permet d'obtenir toutes ces informations.
Ce n'est qu'après avoir procédé à une évaluation des divers types de douleur, en basant cette évaluation sur une bonne connaissance de la pathophysiologie, qu'il sera logique de parler ensuite d'approches adéquates de soulagement des douleurs.
C'est le but de cette série de proposer une base rationnelle à toutes les démarches à visée analgésique.
Voilà donc quelques raisons-clé permettant d'introduire la première et la plus essentielle de toutes les étapes dans le traitement de la douleur:
" le retour à la pathophysiologie de base sans laquelle notre démarche thérapeutique ultérieure risque de n'avoir aucune logique même si elle peut parfois permettre de soulager ou d'atténuer la douleur, comme il a été mentionné dans l'introduction."
Retour à la pathophysiologie de base
En effet, il est possible de soulager ou d'atténuer les douleurs, sans savoir exactement à quel type de douleur on s'adresse, sans même parfois savoir ce qu'on vise exactement avec tel ou tel choix thérapeutique. Le traitement de la douleur se devrait de dépasser les simples recettes, il devrait plutôt toujours tenter de reposer sur une base rationnelle.
La douleur est subjective, toujours subjective. Personne ni même aucune méthode ne peut se substituer à celui ou celle qui a mal pour dire sa douleur. Il est cependant de notre devoir d'essayer de la comprendre dans toute sa dimension avant d'en exercer la gestion. Voilà le but visé par les différents manuels de cette série "Ces personnes qui ont mal".