Introduction

Oserions-nous aujourd'hui traiter le cancer d'une personne sans avoir, au préalable, examiné les caractéristiques histopathologiques de ce cancer au microscope ?

En l'absence d'une identification adéquate des caractéristiques histopathologiques du cancer à traiter, il serait impossible de faire un choix adéquat parmi l'arsenal de chimiothérapie et toute administration d'un protocole quelconque deviendrait tout à fait aléatoire et les résultats thérapeutiques qui s'ensuivraient le seraient tout autant. Bien sûr, ce choix pourrait parfois, par un hasard des plus heureux, être bénéfique pour la personne mais, alors, tout n'aurait été qu'une question de chance.

Or, le traitement de la douleur ressemble parfois au "traitement analgésique" que l'on aurait voulu ainsi appliquer "à tout hasard" contre un cancer. La douleur reçoit alors un traitement sans que les caractéristiques de cette douleur ne soient adéquatement connues au préalable.

En effet, si on ne s'attarde pas à faire une évaluation de la ou des douleurs selon une perspective pathophysiologique et si on applique un traitement analgésique sans diagnostic pathophysiologique, la situation devient analogue à la situation précédente. Le choix des médicaments, parmi l'arsenal des analgésiques et des co-analgésiques, risque alors de se faire de façon aléatoire avec un résultat qui risque d'être fort incertain sur le plan du soulagement, comme il fallait s'y attendre. Bien sûr, ce choix pourrait parfois, comme dans les circonstances précédentes, par un hasard des plus heureux, être bénéfique pour la personne qui a mal mais, alors, tout n'aurait été encore qu'une question de chance. Il faudrait souhaiter que le traitement "aléatoire ou intuitif" des douleurs disparaisse le plus possible parce qu'il est possible, la plupart du temps, de procéder avec rationalité dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres de la médecine.

Le traitement "à tout hasard" des douleurs risque de souvent se résumer à considérer, sous le motif du contexte de soins palliatifs, qu'il n'existe aucun autre choix possible que celui des opiacés. Une telle considération équivaut à faire l'équation terriblement erronée suivante, à savoir douleur = opiacés. Les marges de manoeuvre qui s'ensuivent deviennent donc extrêmement réduites puiqu'alors la seule démarche qui s'offre, face à une douleur qui ne cède pas, s'avère d'augmenter la dose de "narcotique ". Des situations fort désagréables risquent alors de survenir. Une telle situation serait alors analogue à l'utilisation d'un seul type de chimiothérapie appliquée sans considération pour les caractéristiques histopathologiques du cancer et où la seule option restante, face à un cancer qui ne répond pas, aurait été d'augmenter la dose de chimiothérapie sans égard aux effets secondaires de la substance utilisée.

Et les conclusions qui pourraient faire suite à l'équation "douleur = opiacés" pourraient être tout aussi erronées puisqu'on ira parfois jusqu'à affirmer que "le patient ou la patiente" n'a pas répondu aux "narcotiques", comme si la personne y était pour quelque chose dans les mécanismes de sa douleur et dans la réponse de ces mécanismes au traitement "aléatoirement retenu". Ce n'est pourtant pas la personne qui est en cause, ce n'est pas la personne qui "a décidé" de ne pas répondre au traitement, c'est plutôt que la pathophysiologie de telle douleur se prête plus ou moins bien à l'usage des opiacés tout comme plusieurs types de cancer qui sont résistants à telle ou telle type de chimiothérapie.

En corollaire à de telles considérations, on en viendra même, parfois, à considérer que tout ce qu'il restait à faire pour faire céder cette douleur "rebelle"aura été d'augmenter la dose d'opiacé au point de couper la personne de sa réalité de vie.

Regrettable, immensément regrettable comme approche. Les opiacés peuvent offrir d'extraordinaires bienfaits lorsqu'ils sont utilisés correctement; à l'opposé, lorsqu'ils sont utilisés incorrectement, il peuvent causer d'énormes méfaits.

Les choix parmi les modalités à visée analgésique, autant pharmacologiques que non pharmacologiques, et les bénéfices analgésiques`"estimés" découlant de ces différents choix devraient reposer sur :

  • une connaissance adéquate des différentes pathophysiologies de la douleur,
  • une évaluation "physiopathologiques" des douleurs d'une personne qui a mal,
  • un choix approprié, pertinent et équilibré parmi les interventions à visée analgésique possibles, et finalement,
  • sur le strict respect des principes de base dans l'utilisations des co-analgésiques ou des opiacés lorsque ceux-ci sont utilisés

C'est sur ces prémisses que la série "Ces personnes qui ont mal" a été écrite.

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