La contrepartie des faisceaux ascendants: les faisceaux descendants inhibiteurs

Peu importe l'origine nociceptive ou neurogène des douleurs, les différents faisceaux ascendants autres que le faisceau néo-spinothalamique (qui lui est mono-synaptique jusqu'au thalamus) fournissent des informations "NOCICEPTIVES" dans de nombreuses zones tronculaires et sous-corticales impliquées dans la gestion et l'intégration des informations nociceptives. (Voir: LE POINT D'ARRIVEE DES INFLUX NOCICEPTIFS: LES ETAGES SUPERIEURS "MODE SENSORIEL" ET "MODE AFFECTIF")

Ces nombreuses zones de relais et de réception envoient à leur tour des projections descendantes vers différentes structures spécifiques situées toujours plus bas à partir desquelles partiront d'autres projections descendantes transportant des influx qui auront comme fonction d'inhiber la transmission des douleurs entre les fibres périphériques et centrales au niveau de la corne postérieure. Ces zones deviennent donc de fait des sources multicentriques d'influx inhibiteurs descendants. Ainsi, des projections inhibitrices descendantes prendront origine à partir des différentes structures suivantes:

  • cortex frontal et pariétal
  • système limbique - particulièrement l'amygdale, le cortex cingulaire, le cortex insulaire,
  • thalamus - plusieurs noyaux différents
  • hypothalamus - quelques noyaux,
  • formation réticulée
    • région mésencéphalique: la substance grise péri-aqueducale (SGPA) et l'aire para-brachiale,
    • région de la jonction ponto-mésencéphalique: le locus coeruleus, la partie supérieure de la substance grise péri-aqueducale (SGPA) et de l'aire para-brachiale,
    • région de la protubérance (pont): le noyau subcoeruleus (portion A7) à la portion supérieur de la protubérance et la continuation des noyaux du raphé bulbaire,
    • région bulbaire: le raphé magnus (raphe médian et para-médian), le noyau giganto-cellulaire "nucleus reticularis gigantocellularis", para-giganto-cellulaire et le noyau réticulaire latéral.
Ces différentes structures émettront à leur tour des fibres descendantes de deux ordres: On les qualifie de sérotoninergiques et de noradrénergiques.
  • de longues fibres qui descendent directement vers les cornes postérieures de tous les étages médullaires,
     
  • de courtes fibres d'interconnexions (projections) qui font relais dans leur descente vers d'autres structures un peu plus basses (caudales) situées au niveau
    • du mésencéphale
      • substance grise périaqueducale
    • de la protubérance (pons)
      • noyau coeruleus (nucleus coeruleus) (jonction mésencéphalo-protubérantielle) et noyau subcoeruleus (portion A7) à la partie supérieure de la protubérance
      • noyau raphé magnus (nucleus raphe magnus) (le noyau raphé magnus est un long noyau qui s'étend au niveau de la protubérance et du bulbe)
    • du bulbe (medulla)
      • région médiane: noyau raphé magnus composé du raphe médian et para-médian (nucleus raphe magnus), long noyau qui s'étend à l'étage de la protubérance et du bulbe,
      • région au pourtour immédiat du raphé magnus surtout dorsale et/ou latérale: le noyau giganto-cellulaire "nucleus reticularis gigantocellularis", le noyau giganto-cellulaire portion alpha "nucleus reticularis gigantocellularis pars alpha [NGCpa]", le noyau para-giganto-cellulaire ou giganto-cellulaire réticulaire latéral qui tel que son nom l'indique est situé dans la portion latérale de la formation réticulée alors que tous les autres noyaux impliqués dans les relais nociceptifs sont situés à la portion centrale
      • région dorsale franche: noyau réticulaire dorsal (dorsal reticularis nucleus).

 

A partir de ces différentes structures appartenant à la formation réticulée répartent alors d'autres fibres descendantes vers les cornes postérieures de tous les étages médullaires.

Les fibres originant des noyaux de la formation réticulée vont jouer un rôle majeur dans la genèse des influx inhibiteurs descendants.

La Substance grise périaqueducale (SGPA) envoit une multitude de projections descendantes et ces projections se font principalement vers le complexe locus coeruleus / subcoeruleus (noyau A7) et vers les structures du Complexe bulbaire rostro-ventral médial (Rostral Ventro-medial Medulla) composé du raphé magnus (raphe médian et para-médian), du noyau giganto-cellulaire "nucleus reticularis gigantocellularis", du noyau giganto-cellulaire portion alpha "nucleus reticularis gigantocellularis pars alpha [NGCpa]" et du noyau para-giganto-cellulaire ou giganto-cellulaire réticulaire latéral.

De façon moindre, des projections sont aussi envoyées directement vers la corne postérieure à tous les étages médullaires. Pour ses projections vers le noyau raphé magnus, la SGPA utilise probablement de la neurotensine comme neurotransmetteur. La majorité des cellules de la SGPA possède une abondance de récepteurs opiacés et de tous les types à leur surface et cela autant au niveau du corps et de ses dendrites qu'au niveau des terminaisons pré-synaptiques. L'activation de la SGPA par des stimulations électriques ou par des stimulations pharmacologiques, particulièrement avec des opiacés injectés directement, produit un blocage important de la neurotransmission nociceptive au niveau de la corne postérieure, réduisant de ce fait la douleur, on parle alors d'antinociception. On peut donc en déduire que les opiacés utilisés de façon systémique vont avoir pour effet d'activer les cellules de la SGPA qui vont alors émettre des influx inhibiteurs à profusion vers la corne postérieure. Une partie de l'antinociception (du soulagement de la douleur) se joue donc aux étages supérieures où sont créés les influx inhibiteurs descendants.

Le noyau ceruleus (nucleus ou locus ceruleus) et le noyau subcoeruleus (A7), jouent aussi un rôle important dans la modulation inhibitrice du transfert des influx douloureux au niveau de la corne postérieure en participant à la création des contrôles inhibiteurs descendants par l'émission de sous-faisceaux descendants noradrénergiques arrivant au niveau du raphe magnus (étage bulbaire) ou arrivant directement dans plusieurs couches de la corne postérieure, soit les couches I, II, IV, V et X. Cette participation découle pour une part d'une stimulation directe par des influx nociceptifs provenant de sous-faisceaux nociceptifs ascendants et d'autre part de stimulations provenant de structures supérieures principalement de la SGPA mais aussi de l'hypothalamus. L'effet inhibiteur des faisceaux descendants originant des noyaux coeruleus et subcoeruleus semble plus important en post-synaptique qu'en pré-synaptique selon de nombreuses études.

Le noyau raphé magnus, le noyau giganto-cellulaire, le noyau giganto-cellulaire-alpha [NGCpa] et le noyau giganto-cellulaire réticulaire latéral jouent un rôle de relais particulièrement important à partir de la substance grise périaqueducale (SGPA) et des autres centres supérieurs dans la génèse des influx inhibiteurs descendants puisqu'une lésion au niveau du noyau raphé magnus peut interrompre l'effet inhibiteur descendant observé aux étages médullaires de la corne postérieure lorsqu'une activation de la SGPA est produite. En fait, lorsque la SGPA perd ses relais bulbaires (raphé magnus, noyau giganto-cellulaire, noyau giganto-cellulaire-alpha [NGCpa], noyau giganto-cellulaire réticulaire latéral, elle ne peut plus jouer sa fonction "antinociceptive" de façon aussi importante. Ces structures bulbaires jouent donc un rôle modulateur extrêmement important en regard de la neurotransmission nociceptive à l'étage médullaire.

Bien que ces structures jouent principalement un rôle de relais, elles peuvent aussi assumer un certain degré de modulation "antinociceptive" aux étages médullaires de la corne postérieure sans dépendance de structures supérieures telles la SGPA.

Les projections de ces noyaux utilisent principalement de la sérotonine comme neurotransmetteur. Ils envoient de préférence leurs efférences inhibitrices vers de courts interneurones pédiculés situés dans les couches I, II, III, IV, V, VI et VII de la corne postérieure qui utilisent pour leur part de l'enképhaline comme neurotransmetteur.

On constate ainsi que le tronc cérébral, de par le mésencéphale, la protubérance (pons) et le bulbe rachidien (medulla oblongata) est particulièrement impliqué dans la production d'informations modulatrices "inhibitrices".

D'autres fibres descendantes partent encore des structures suivantes:

  • noyau caudé antérieur, portion du corps strié situé au dessus du thalamus (nucleus caudate anterior) -
  • du noyau arqué ou arciforme (arcuate nucleus) situé dans l'hypothalamus -
  • noyau réticulaire latéral, noyau du faisceau solitaire, l'hypothalamus latéral, noyau rouge, la substance noire. Toutes ces structures participent également à l'élaboration de projections inhibitrices descendantes et sont donc capables de produire une inhibition des transferts nociceptifs au niveau des étages médullaires. Cela est particulièrement vrai pour le noyau Subnucleus Reticularis Dorsalis situé dans la formation réticulée bulbaire qui répond à tout type de stimulus nociceptif, peu importe son origine.
     

L'ensemble des fibres descendantes inhibitrices, originant de structures multiples (corticales, sous-corticales, mésencéphaliques, protubérantielles, bulbaires), se regroupent finalement en sous-ensembles de faisceaux descendants parmi lesquels figurent les faisceaux:

  • raphé-spinal (sérotoninergique)
  • réticulo-spinal (catécholaminergique)
  • céruléo-spinal (catécholaminergique)
  • cortico-spinal.

Ces différents faisceaux inhibiteurs descendants vont se reunir finalement dans la région dorso-latérale de la corne postérieure, où ils descendent à travers le faisceau descendant dorso-latéral (Dorso-lateral Funiculus).

La fonction de ces différents sous-faisceaux regroupés dans le faisceau descendant dorso-latéral est de moduler le transfert de l'information nociceptive particulièrement dans les régions synaptiques de la corne postérieure en faisant parfois "de l'obstruction systématique", c'est-à-dire en fermant la porte au transfert des influx "douloureux" en provenance de la périphérie, d'où le nom de Théorie du portillon (Gate Control) proposé par Melzack et Wall. Ces faisceaux inhibiteurs descendants utilisent, durant leur descente, préférentiellement deux types de neurotransmetteurs:

  • la sérotonine
    et
  • la norépinéphrine.
     

A leur arrivée dans la corne postérieure, ils vont utiliser d'autres types de NTs (Voir: LES DIFFERENTS SOUS-CIRCUITS INTERMEDIAIRES DE CONNEXION: LEURS NEUROTRANSMETTEURS).

De nombreuses circonstances permettent d'illustrer le "blocage systématique" exercé par ces faisceaux descendants, à titre d'exemple, l'absence de douleurs dans les premiers moments d'une blessure lors d'une activité sportive ou d'un accident de la route ou encore la présence bienfaisante d'une mère qui console son enfant et qui de ce fait entraine un arrêt de la douleur ...

Plusieurs des structures supraspinales énumérées ci-haut peuvent être activés dans différentes circonstances toutes autres que celles d'une stimulation nociceptive. Ainsi les activités cognitives comme tenir une conversation "agréable", les activités émotives "positives" comme écouter une musique "agréable" ont aussi pour effet par les relais du système limbique de produire des influx inhibiteurs descendants.

Vous n'êtes pas connecté.