La douleur nociceptive: les substances inflammatoires et la sensibilisation

Peu importe le processus sous-jacent, l'aboutissement final est toujours le même. Il peut être compris comme le déclenchement de mécanismes inflammatoires entraînant la production de nombreuses substances chimiques ayant en commun la capacité de stimuler les nocicepteurs, on les dit substances algogènes. Parmi ces subtances on retrouve

  • les prostaglandines

de même que les substances suivante:

  • bradykinine,
  • sérotonine,
  • acétylcholine,
  • ATP,
  • substance P,
  • histamine,
  • leukotriène B4 (LKT-B4),
  • interleukine 1-alpha et 1-bêta (IL-1a et 1b),
  • "tumor necrosis factor"-alpha (TNF-alpha))

(Voir: L'ACTIVATION "PRIMAIRE").

Ces substances inflammatoires exercent leur action sur les milliers voire les millions de nocicepteurs siégeant dans la région touchée en les sensibilisant ou en les activant.

Le phénomène de sensibilisation des nocicepteurs correspond en fait à un abaissement du seuil d'activation des nocicepteurs, i.e. à une plus grande facilité à produire un influx mais sans créer d'influx cependant. Plus le seuil s'abaisse, plus la fréquence d'activation augmente parce qu'il est plus facile à ce moment de produire un influx et donc plus s'accroît le nombre de messages douloureux atteignant le cerveau. On pourrait comparer l'effet des nombreuses substances algogènes responsables d'une sensibilisation accrue des récepteurs de la douleur à la fatigue qui a pour effet de nous rendre, nous les humains, plus sensibles à tout irritant, aussi minime soit-il. En fait, la fatigue pourrait être comprise comme un élément "sensibilisateur" de notre patience! Le phénomène d'activation des nocicepteurs correspond à la production d'un influx.

Plus la production et le déversement des nombreuses substances algogènes vont prendre d'importance, plus les douleurs d'origine périphérique vont s'amplifier. Cette amplification de la stimulation des nocicepteurs va finir par se manifester en périphérie et cette manifestation se fait sous la forme d'une hyperalgésie.

Lorsque l'accumulation des substances "algogènes" prend de large proportion, les récepteurs non nociceptifs commencent alors à subir les mêmes effets que les nocicepteurs à savoir une sensibilisation et une activation, ils commencent donc à participer à la production de messages douloureux. Ainsi les fibres A bêta branchées à des récepteurs liés aux stimulations cutanées complexe telles

  • le sens de la vibration,
  • la discrimination tactile,
  • le sens de la position,
  • le sens de vibration,
  • le degré de pression,

commencent alors à émettre des fréquences de décharges (firing rate) comparables aux fibres nociceptives. La deuxième portion de l'amplification de la douleur d'origine périphérique se révèle cliniquement alors avec l'allodynie. Les seuils d'activation des récepteurs non nociceptifs sont à ce point altérés et ces mêmes récepteurs sont à ce point soumis à des stimulations par la soupe de substances algogènes que leur activation provoque maintenant de la douleur. Ainsi le moindre effleurement, le moindre contact avec une région cutanée dans l'environnement douloureux, le moindre courant d'air provoque des douleurs affreuses. On parle alors de ces transformations en terme de "conversion phénotypique" des récepteurs non nociceptifs et des fibres non-nociceptives A delta et A bêta "branchées" à ces récepteurs.

En fait, cette conversion se manifeste par des transformations telles au niveau de la biochimie des fibres A bêta qu'elles se mettent alors à produire et libérer des neurotransmetteurs excitateurs tels de la substance P. C'est alors la substance P cette fois en provenance des boutons pré-synaptiques des fibres A bêta qui vient alors activer les fibres centrales convergentes (WDR). Ainsi apparaît l'allodynie dans son sens le plus pur! Cette particiaption des fibres A bêta à l'allodynie est indéniable puisque le blocage des fibres A bêta (en laboratoire) réduit de façon considérable l'allodynie. Dès lors que les substances algogènes ont exercé de tels effets autant sur les nocicepteurs que sur les récepteurs non-nociceptifs se produit un autre événement électrique avec ses répercussions cliniques. Toute stimulation autant douloureuse que non douloureuse provoque alors une longue persistance des décharges électriques qui fait en sorte que de la douleur continue à être ressentie plusieurs minutes après l'arrêt de toute stimulation.

Le phénomène de "conversion phénotypique" des fibres A bêta peut tout aussi bien s'observer dans les cas d'agression neurogène causée par un processus néoplasique, le point de départ de l'hyperactivation se trouvant alors sur les fibres nociceptives et sur les fibres non-nociceptives A bêta. Il n'est pas rare en effet d'observer de l'allodynie dans les cas de neuropathies, plexopathies ou radiculopathies découlant d'un envahissement tumoral.

Par ailleurs, à la suite des agressions intenses causées

  • soit directement sur les nocicepteurs et les autres récepteurs non-nociceptifs par une importante accumulation de substances algogènes,
  • soit directement sur les fibres nociceptives et non-nociceptives A delta et A bêta par un environnement tumoral,

apparaissent des ramifications ou des projections "poussant" à partir des boutons présynaptiques de ces fibres. Ces projections s'observent particulièrement dans les couches I et II de la corne postérieure où elles peuvent alors se "brancher" directement sur les neurones "nociceptif-spécifiques" auxquels elles n'ont pas accès dans l'ordre normal physiologique des choses puisqu'elles utilisent préférablement différents interneurones comme intermédiaires de branchement. Ce faisant, elles peuvent activer directement ces neurones centraux nociceptifs. En même temps elles échappent aux mécanismes de contrôles inhibiteurs pré-synaptiques,

  • puisqu'ils les terminaisons "présynaptiques" de ces projections nouvelles ne sont pas munis d'interneurones inhibiteurs branchés
  • que les terminaisons présynaptiques de ces projections ne développent pas de récepteurs "inhibiteurs" à leur surface.

La résultante finale est toujours la même soit de produire une allodynie qui échappent de plus en plus à toute intervention modulatrice inhibitrice qu'elle soit physiologique par les faisceaux inhibiteurs descendants ou purement pharmacologique.

A cette amplification périphérique vient s'ajouter de façon synchrone la participation des NMDA qui ajoute encore un autre facteur d'amplification mais cette fois-ci au niveau central.

Etrange adaptation s'il en est une puisque ... plus de douleur provoque encore plus de douleur!

Ces changements nous permettent d'imaginer qu'il pourrait rester de la place pour des interventions à visée analgésique dans la portion post-synaptique du réseau nociceptif aux étages des cornes postérieures, interventions qu'il reste pour le moment à découvrir en bonne partie.

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