La douleur nociceptive viscérale: son origine pathophysiologique

La douleur nociceptive viscérale est déclenchée par l'activation des nocicepteurs siégeant à l'intérieur ou au pourtour des viscères ou dans les parois des vaisseaux sanguins et qui parfois ont été préalablement sensibilisés. Malgré une définition paraissant ressembler à la douleur nociceptive somatique, la douleur nociceptive viscérale diffère considérablement de la douleur "somatique".

Le mot-clé, dans le cas de cette douleur, devient "étirement" avec ses nombreux synonymes: distension, spasme, traction, compression, torsion. Cet étirement cependant doit revêtir un des deux caractères suivants: étirement "soudain" ou étirement "extrêmement marqué". Un étirement prolongé et plus ou moins marqué ne provoquera pas de douleurs. Quelques-uns des stimuli mécaniques viscéraux les plus classiques incluent:

  • une traction soudaine sur le mésentère,
  • l'étirement marqué d'une séreuse,
  • la compression d'un viscère causant secondairement une rapide distension,
  • la distension marquée d'un organe creux.

Il apparaît donc que les nocicepteurs sensibles à l'étirement jouent un rôle particulièrement important dans ce type de douleur, parmi ceux-ci figurent les:

  • mécanorécepteurs
    et
  • les récepteurs polymodaux.

D'autres stimuli jouent un rôle moins important. Des douleurs viscérales peuvent aussi être provoquées par des stimuli chimiques résultant d'une ischémie (infarctus du myocarde, colite ischémique) ou inflammation (diverticulite). Par contre, certains types de nocicepteurs paraissent être totalement absents des viscères, il est ainsi bien connu, depuis des décennies, que l'incision d'un viscère ou qu'une brûlure appliquée sur un viscère ne provoquent pas de douleur.

Certains viscères, tels le système biliaire, le colon et les uretères, possèdent des nocicepteurs à haut seuil d'activation qui ne répondent qu'aux stimuli douloureux intenses. La plupart des autres viscères possèdent des nocicepteurs qui réagissent à tous les degrés d'intensité de stimulations, à partir des stimulations non-douloureuses jusqu'aux stimulations franchement douloureuses.

Ainsi donc, dans le cas des douleurs viscérales, ce sont particulièrement des stimuli "d'étirement" qui produiront les signaux douloureux transmis vers le cerveau. Cependant, la présence d'un phénomène inflammatoire ou ischémique, au préalable, aura pour effet d'avoir "sensibilisé" les différents nocicepteurs viscéraux qui alors signaleront la douleur plus rapidement et de façon plus marquée. La réponse à ces stimulations se trouve alors augmentée de beaucoup. C'est le cas des douleurs urétérales causées par la présence d'un calcul qui, par phénomène irritatif, déclenchera une importante réaction inflammatoire dans la paroi. Des substances algogènes apparaîtront alors pour sensibiliser les nocicepteurs présents. Bien que les uretères soient surtout pourvus de nocicepteurs à haut seuil d'activation, la présence des substances algogènes fera en sorte que de la douleur sera rapidement ressentie à des distensions moindres que celles habituellement nécessaires pour provoquer des douleurs coliques.

En comparaison avec les afférences somatiques, les afférences viscérales nociceptives représentent moins de 10 % de toutes les afférences arrivant dans la corne postérieure. Cependant, une fois arrivée dans la corne postérieure, elles "s'éparpillent" de façon beaucoup plus étagée de sorte qu'ils finissent par rejoindre un nombre très élevé de neurones centraux. La douleur viscérale est donc non seulement différente de la douleur somatique sur le plan pathophysiololgique mais elle le sera tout autant sur le plan clinique comme il nous sera permis de le voir ultérieurement. Ainsi, le réseau viscéral nociceptif, quant à lui, n'est pas muni du raffinement proprioceptif que le réseau somatique possède, de plus, il "transmet" surtout par les fibres "C". Il contribue donc peu au faisceau néo-spinothalamique mais contribue beaucoup au faisceau paléo-spinothalamique. La douleur viscérale est donc fort mal localisable en bonne partie pour cette raison mais aussi à cause de l'éparpillement multi-étagé qui fait en sorte que des neurones nociceptifs centraux sur plusieurs étages sont soumis à une stimulation nociceptive viscérale. Finalement, l'homonculus est peu représentatif des structures viscérales et les raisons sont alors plus faciles à comprendre.

Les nocicepteurs viscéraux peuvent subir un étirement, voire un surétirement, de deux façons différentes. Ils peuvent être étirés:

  • de façon continue et persistante, comme dans le cas de métastases hépatiques présentes en abondance et responsables d'une hépatomégalie tellement volumineuse qu'elle devient une hépatalgie
    ou encore
  • de façon soudaine et intense, comme dans le cas d'une colique néphrétique ou d'une occlusion intestinale.
Vous n'êtes pas connecté.