Le phénomène de désafférentation

Le phénomène de désafférentation se produit lorsque l'agression neuronale a été suffisante pour provoquer l'équivalent d'un sectionnement d'un neurone afférent (nociceptif ou de tout autre neurone sensitif) créant de ce fait une dénervation neuronale c'est-à-dire une perte de communication entre la partie distale i.e. celle rattachée aux différents nocicepteurs et la partie proximale qui elle est rattachée à la portion synaptique et qui permet d'assurer la communication avec les neurones nociceptifs centraux. Cette dernière portion (la partie proximale) contient le corps cellulaire ainsi que le noyau logés au niveau du renflement radiculaire appelé "ganglion radiculaire". La désafférentation est un état de fait, elle est la résultante de processus agresseurs sur les neurones.

La désafférentation peut être due à:

  • une compression nerveuse sévère qui a entraîné de la nécrose neuronale
  • une infiltration du tissu nerveux par des cellules néoplasiques dont la progression aura causé le sectionnement de nombreux axones,
  • des changements morphologiques variables attribuables à divers facteurs (diabète, chimiothérapie, chirurgie, radiothérapie, post-infection, traumatisme etc.) dont l'importance aura été telle qu'ils auront entraîné à leur tour de la nécrose neuronale et un sectionnement.

Dans la compréhension conceptuelle du phénomène de désafférentation, il importe de différencier désafférentation au niveau neuronal et désafférentation au niveau d'un nerf, d'un plexus ou d'une racine.

Ainsi, lorsque considérée à l'échelle du neurone,

  • la désafférentation ne peut être qu'entière, le neurone étant sectionné ou non i.e. ayant totalement perdu la communication avec la portion distale.

Cependant, considérée à l'échelle d'un nerf, d'un plexus ou d'une racine,

  • le phénomène de désafférentation peut alors être partiel ou complet, selon le pourcentage d'axones sectionnées dans la structure concernée (Voir: DOULEUR NEUROGENE ET MASSE TUMORALE: LA SEQUENCE COMPRESSION - INFILTRATION - SECTIONNEMENT). La destruction partielle d'un nerf, plexus ou d'une racine mène à de la désafférentation "partielle" alors que la destruction complète, i.e. celle résultant du sectionnement de tous les neurones "nociceptifs" composant un nerf, un plexus ou une racine réfère à une désafférentation "complète"; dans ce cas, les autres axones sont habituellement sectionnés eux aussi. Ainsi, une amputation d'un membre mène à un sectionnement complet c'est-à-dire à une désafférentation complète pour les neurones sensitifs alors que l'envahissement d'un plexus par une masse tumorale mène d'abord à une désafférentation partielle qui peut ultimement évoluer vers une désafférentation complète.

Comme expliqué précédemment, ces agressions focalisées ou disséminées entraînent une importante réaction inflammatoire. Cette importante réaction inflammatoire accompagnera le processus de réparation neuronale dans toutes ses étapes. Il y aura donc toujours production et accumulation progressive de tissu fibreux cicatriciel dans le pourtour des zones de réparation et de regénération. Les zones ainsi touchées sont plus particulièrement les zones où se sont déroulées:

  • des fermetures des brèches

    et

    • des tentatives de régénération membranaire axonale ou dendritique. Dans ces régions apparaissent des repousses appelées projections ou ramifications ou excroissances ou repousses ou bourgeons de regénération dont le nombre variera selon les circonstances.

Le processus de régénération axonale menant à la production de projections multifocales vise au moins deux grands objectifs:

  • redonner une intégrité neuronale à chaque neurone lésé en réparant et en fermant les brèches,
     
  • rétablir la connexion, grâce aux projections ou aux repousses, avec les portions les plus distales des axones lésés afin de reprendre la communication avec la zone d'innervation périphérique "perdue", aussi distante soit elle. Cette zone périphérique "perdue" consiste en fait des champs récepteurs appartenant aux nocicepteurs qui ont été désafférentés. Ces processus de regénération donnent parfois, dans leur cheminement à travers le réseau nerveux lésé (nerf, plexus ou racine), de très longs prolongements "relativement ramifiés" et "passablement erratiques".

Sur le plan physiopathologique, les portions "réparées" des neurones (brèches réparées ou repousses nouvelles) sont des portions qui connaissent la plupart du temps beaucoup d'instabilité sur le plan électrique. Des influx nociceptifs de types autant continus que paroxystiques sont alors susceptibles de prendre naissance dans ces régions, influx qui deviendront des douleurs neurogènes dans la définition la plus pure de ce type de douleur. Par ailleurs, ces portions "réparées" finissent par baigner dans des amas de fibrose à travers lesquels la médication ne pénètre que très difficilement, les zones de fibrose étant en elles-même très peu perméables à tout type de substance. Certaines de ces régions conserveront cette "hyperexcitabilité électrique" en permanence lorsque tous les processus inflammatoires auront été terminés et qu'il ne restera que des "amas neuronaux désorganisés" intégrés dans des "paquets de fibrose" cicatricielle rigide. La gestion pharmacologique des douleurs neurogènes originant de ces conditions sera donc bien souvent malheureusement limitée.

C'est dans de tels contextes qu'on associe souvent "douleurs paroxystiques", "phénomène de désafférentation" et même "douleurs de désafférentation". Cependant, dans les faits, douleurs paroxystiques et phénomène de désafférentation ne sont pas synonymes, la désafférentation étant par définition un phénomène anatomique alors que les douleurs paroxystiques sont des phénomènes électrophysiologiques qui ont plus souvent tendance à se produire en présence de désafférentation.

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