Le principe des principes

La douleur est toujours subjective. Il n'existe aucune méthode ni aucun instrument qui permette d'en quantifier l'intensité de façon objective. Il existe bien sûr des moyens indirects comme la mesure des variations de la respiration ou des battements cardiaques applicables uniquement dans les premiers jours des douleurs aigues, mais ces méthodes ne livrent que des valeurs approximatives.

Dans une monographie publiée en 1984 par Santé et Bien-Etre social Canada, on peut lire l'énoncé suivant qui constitue le premier de tous les principes, le principe des principes, en ce qui concerne la gestion de la douleur:

"La douleur est toujours subjective; elle est ce que le malade affirme et non ce que les autres croient qu'elle devrait être."

La douleur est toujours subjective; elle est ce que le malade affirme et non ce que les autres croient qu'elle devrait être

Dans les mots de tous les jours, cet énoncé peut se comprendre ainsi:

La douleur est telle que les gens la décrivent et non pas telle que "MOI" je pense qu'elle est.

La douleur est telle que les gens la décrivent et non pas telle que "MOI" je pense qu'elle est

Cet énoncé constitue le principe fondamental de toute intervention dans le domaine de la douleur. Dans ce champ d'intervention, il n'y a pas de place pour celui/celle qui refuse d'adhérer entièrement à ce principe. Si jamais un/une intervenant(e) quelconque du domaine de la santé se refusait d'adhérer entièrement à ce principe, il serait nettement préférable qu'il/elle laisse sa place à quelqu'un d'autre et cela autant pour ce qui est de l'évaluation des douleurs que pour la gestion de ces mêmes douleurs.

En face d'une personne atteinte de cancer, de SIDA ou en phase palliative d'une autre maladie organique débilitante, il n'y a malheureusement pas de place pour le doute dans le processus d'évaluation des douleurs car aucune personne ou méthode ne peut se substituer à celui ou a celle qui souffre pour décrire sa douleur. Il y a bien assez que la douleur soit "subjective", il n'y a pas de place pour que l'évaluateur (trice) n'ajoute son propre doute comme second niveau de subjectivité dans l'évaluation des douleurs et dans l'élaboration du diagnostic. Il n'est pas souhaitable que la douleur soit alors soumise à la subjectivité d'un "tous et chacun" procédant à l'évaluation. L'adhérence au principe des principes est tout à fait primordiale.

Il y a une autre conséquence au doute car lorsque celui-ci survient, risque d'apparaître en même temps un peu le mépris. On peut alors imaginer combien il devient malheureux pour une "personne qui a mal" de devoir subir, en plus des impacts de sa maladie et de ses douleurs, "le mépris" de certains des intervenants de la santé dont elle est pourtant tributaire pour ses médicaments.

Cette double subjectivité, risque finalement de pénaliser considérablement la personne qui a mal puisque celui/celle qui procède à l'évaluation est souvent celui/celle qui prescrit l'analgésie. Le médecin, qui par la force des choses est toujours "juge et partie" dans tout le processus d'évaluation et de gestion des douleurs, n'est particulièrement pas à l'abri de cette double subjectivité et de ses effets. En devenant mauvais juge, il risque de corrompre "les autres parties", c'est-à-dire les autres soignants et cela, au plus grand détriment de "la personne qui a mal". Rôle délicat, donc, que celui de travailler dans le domaine de la douleur. Rôle qui commande beaucoup d'attention et de délicatesse et même ... beaucoup ... "d'amour" comme nous le verrons dans le chapitre V portant sur les approches non-pharmacologiques.

La personne qui a mal ne devrait jamais se retrouver à la merci des humeurs et des états d'âme des soignants dont elle dépend.

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