Les douleurs ténesmoïdes: deux types

Compte tenu des différents phénomènes décrits précédemment, on peut alors comprendre que des douleurs décrites comme ténesmoïdes puissent être en fait des douleurs neurogènes paroxystiques. Il est en effet possible de considérer les douleurs "ténesmoïdes" selon deux mécanismes pathophysiologiques fondamentalement différents.

En premier lieu, la définition de base consiste à considérer ces douleurs comme résultant d'une suite de contractions plus ou moins importantes des muscles lisses d'un viscère donné. Ainsi, en présence d'une infection aiguë de la vessie ou en présence d'une infiltration de la paroi vésicale par une masse néoplasique, des douleurs profondes, au niveau du bas ventre, résultant de contractions vésicales, pourraient être ressenties. Ces douleurs seraient qualifiées d'authentique ténesme vésical, puisqu'en fait, elles résultent véritablement de contractions musculaires vésicales.

En deuxième lieu, il est cependant possible qu'une personne puisse ressentir ce même type de douleur profonde au bas ventre, ressemblant en tout point à du ténesme vésical, alors que la vessie a pu être enlevée comme traitement d'un cancer de la vessie. Comment alors expliquer ces douleurs ténesmoïdes alors qu'il n'existe plus de muscle vésical? L'explication en est fort simple. Lors de la cystectomie, les fibres sensitives innervant la vessie ont été sectionnées. La suite de ces sectionnements est maintenant bien connue ... tentative de régénération par des excroissances neuronales, zones de dépolarisations spontanées erratiques imbriquées dans des accumulations plus ou moins importantes de dépôts fibrotiques, apparition de flambées de décharges dans certains bourgeons de régénérescence et finalement, arrivée d'influx douloureux au cerveau. Ces informations "nociceptives", provenant de l'extrémité des fibres nociceptives qui "autrefois" innervaient la vessie offrent véritablement un caractère "ténesmoïde" aux douleurs ressenties. Un tel caractère pourrait être ressenti "dans le rectum" si les fibres lésées se retrouvaient dans la région rectale ou péri-rectale.

On se doit donc de distinguer la douleur ténesmoïde "musculaire" de la douleur ténesmoïde "neurogène" avant de choisir un traitement. Encore une fois, une meilleure compréhension des mécanismes douloureux augmente les chances d'obtenir une meilleure gestion analgésique.

Voilà donc encore un autre exemple de la nécessité

  • de comprendre les mécanismes pathophysiologiques avant d'évaluer les douleurs,
  • de s'adresser, par le traitement, aux mécanismes pathophysiologiques plutôt qu'à la douleur elle-même.

Tout choix thérapeutique éclairé repose d'abord et avant tout sur la reconnaissance des mécanismes pathophysiologiques en cause.

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