La multi-convergence et ses répercussions:le déclenchement d'une réponse sympathique réflexe hyperactive

La douleur peut déclencher une réponse sympathique "réflexe" hyperactive puisque les terminaisons médullaires de fibres nociceptives périphériques peuvent aussi faire synapse, au niveau de la corne postérieure, avec des fibres sympathiques préganglionnaires, soit directement soit indirectement par le biais d'interneurones.

Ce transfert synaptique entre des "afférences nociceptives" et des "efférences sympathiques" produit une accentuation de l'activité du système sympathique qui peut même conduire à une hyperactivité adrénergique en périphérie puisqu'alors les influx sympathiques sont augmentés.

Or, il existe des nocicepteurs non seulement au niveau du derme mais il en existe aussi au niveau de la paroi des vaisseaux et ces nocicepteurs sont munis de récepteurs adrénergiques de type alpha-1. Ces récepteurs adrénergiques de type alpha-1 sont du même type que ceux faisant partie de la paroi des vaisseaux sanguins pour le contrôle de la tonicité des muscles lisses (vasoconstriction / vasodilatation). L'hyperactivité sympathique est donc susceptible de produire plusieurs effets néfastes en périphérie puisqu'elle stimulera à la fois les nocicepteurs cutanés et capillaires et à la fois la vasoconstriction des vaisseaux concernés.

Il est donc possible de retrouver des douleurs compliquées d'une participation du système nerveux autonome sympathique ou "sympathetically maintained pain". C'est ce qui s'observe dans le cas de la dystrophie réflexe sympathique.

L'hyperactivité adrénergique avec ses effets sur les récepteurs "alpha-1" est susceptible d'entraîner de lourdes conséquences à plusieurs niveaux:

  • AU NIVEAU DU DERME, l'hyperactivité sympathique peut se répercuter
    • sur les nocicepteurs cutanés qui peuvent alors subir une sensibilisation en raison de la présence accrue de norépinéphrine. Cette sensibilisation a pour effet d'abaisser le seuil d'activation et donc d'accentuer la sensibilité des nocicepteurs aux stimulations douloureuses et aux substances chimiques algogènes présentes. (Voir plus haut "LE SYSTEME "SYMPATHIQUE" QU'IL NE FALLAIT PAS OUBLIER ..."),
       
    • sur les nocicepteurs des vaisseaux sanguins qui sont reconnus pour réagir particulièrement à la présence accrue de norépinéphrine, de bradykinine et de 5-hydroxy-tryptamine (sérotonine). Cette importante sensibilisation a pour effet d'accentuer la sensibilité des nocicepteurs aux stimulations douloureuses et aux substances chimiques algogènes présentes. (Voir plus haut "LE SYSTEME "SYMPATHIQUE" QU'IL NE FALLAIT PAS OUBLIER ..."),
       
    • sur la paroi des vaisseaux qui connaissent alors une vasoconstriction entraînant de l'hypoxie responsable à son tour de production de prostaglandines, histamine, bradykinine, sérotonine en plus des substances découlant directement du métabolisme anaérobique tel l'acide lactique. Ces substances exercent finalement un effet sensibilisateur sur les nocicepteurs sensibles aux stimuli "chimiques" et la cascade sensibilisation - activation entre en jeu

Il n'est donc pas surprenant d'assister alors aux phénomènes

    • d'hyperalgésie, définie comme "une réponse augmentée à un stimulus douloureux" car la sensibilisation des nocicepteurs sur une zone élargie fait en sorte qu'une douleur extrêmement sévère peut résulter d'une stimulation nociceptive de faible intensité,
       
    • aux phénomènes d'allodynie définie comme "une douleur résultant d'un stimulus qui ne provoque habituellement pas de douleur" car la présence de nombreuses substances algogènes amène non seulement les nocicepteurs mais aussi les autres types de récepteurs à réagir et même à hyperréagir à tout type de stimulus autre que douloureux. Or les neurones centraux particulièrement de la couche V, les WDR, ont comme particularité de recevoir toutes les sortes d'afférences possibles (ils sont multiconvergents). C'est donc dire combien ils sont activés dans ces circonstances par des stimulations aussi simples que le fait de toucher superficiellement une région cutanée et cette stimulation provoque alors de la douleur.
  • AU NIVEAU VISCERAL, l'hyperactivité sympathique peut se répercuter
    • sur les sphincters pour entraîner des dystonies sphinctériennes pouvant aller jusqu'à des spasmes francs. Ces dysfonctions sphinctériennes peuvent alors être ressenties comme des inconforts surajoutés aux douleurs viscérales déjà présentes,
       
    • sur la paroi des vaisseaux qui connaissent alors une vasoconstriction entraînant de l'hypoxie viscérale responsable à son tour de la production de prostaglandines, histamine, bradykinine, sérotonine en plus des substances découlant directement du métabolisme anaérobique tel l'acide lactique. Ces substances exercent finalement un effet sensibilisateur sur les nocicepteurs sensibles aux stimuli "chimiques" (les viscères sont composés presque exclusivement de nocicepteurs polymodaux) et la cascade sensibilisation - activation entre en jeu avec d'autres substances ischémiques et inflammatoires qui s'ajoutent. En même temps, le phénomène d'activation secondaire prend de l'ampleur avec l'élargissement de la zone où "la soupe inflammatoire" est déversée ce qui a pour effet de provoquer de la douleur "surajoutée" soit en intensité ou en surface. Il est important de noter que les douleurs viscérales sont toujours mal définies surtout en terme de localisation et de surface. (Voir: L'ACTIVATION SECONDAIRE" / LA DOULEUR NOCICEPTIVE VISCERALE: SON ORIGINE PATHOPHYSIOLOGIQUaE / LA DOULEUR NOCICEPTIVE VISCERALE: SON CARACTERE CLINIQUE),
       
    • sur les nocicepteurs qui peuvent alors subir une sensibilisation en raison de la présence accrue de norépinéphrine sans compter l'ajout d'autres substances ischémiques et inflammatoires qui s'ajoutent tel que discuté dans les lignes précédentes. Cette sensibilisation a pour effet d'accentuer encore plus la sensibilité des nocicepteurs aux stimulations douloureuses et aux substances chimiques algogènes déjà présentes. (Voir plus haut "LE SYSTEME "SYMPATHIQUE" QU'IL NE FALLAIT PAS OUBLIER ...").
       

Le déclenchement d'une réponse sympathique réflexe hyperactive par des influx nociceptifs est donc susceptible d'entraîner, dans certaines conditions, la création d'un circuit s'autogénérant. L'hyperactivation des nocicepteurs de tous les types engendrant une augmentation des afférences nociceptives au niveau de la corne postérieure, cette augmentation des afférences nociceptives amplifiant les échanges synaptiques au niveau de la corne postérieure avec des fibres sympathiques préganglionnaires. Plus il se trouve de fibres sympathiques activées, plus les conséquences périphériques sont grandes au niveau des différents récepteurs. Plus les récepteurs de tous types sont activés, plus il arrive d'afférences nociceptives au niveau de la corne postérieure et ainsi de suite.

Le cercle vicieux ainsi créé offre de fait une partie des explications pour des douleurs que l'on qualifiait autrefois de "dystrophie sympathique réflexe / algodystrophie / causalgie et encore bien d'autres" et qui selon la nomenclature de l'IASP sont de nos jours qualifiées de "Sympathetically Maintained Pain" i.e. des douleurs dont la présence soutenue est sous la gouverne du système nerveux autonome sympathique.

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