Tous les opioïdes ont leur place. Ils sont tous aussi bons ou aussi mauvais. C’est leur utilisation qui peut faire que telle molécule dans telle situation est meilleure que l’autre.
Ex. : patients âgés qui ont besoin de peu d’analgésie seront mieux avec M.O.S. 1-2 mg q.4-6h.
Si on peut monter à 2 mg q.4-6h., on peut aller vers Kadian 10mg et attention à l’insuffisance rénale.
Si on peut se rendre à 30 mg/24 h, on peut donner le patch de fentanyl 12 µg/72 h.
On peut employer fentanyl transmuqueux pour un effet très rapide et de courte durée ou encore méthadone transmuqueuse si le patient est inconscient.
Les objectifs dans le contrôle de la douleur
Un soulagement la nuit pour un sommeil plus ou moins normal en qualité et en temps est le premier but du traitement.
Un soulagement pour les activités de la vie domestique et quotidienne devient un second but.
Dans la douleur chronique cancéreuse, on vise une diminution de 50 % de la douleur initiale, ce qui nous place à 3-5/10 comme intensité.
Dans la douleur non chronique et irrégulière on vise à ramener l’intensité de la douleur autour de 0-2/10.
Trop de zèle est la porte ouverte à l’escalade des opioïdes et à des problèmes de tolérance, d’hyperalgésie et autres effets secondaires non banals.
Chez nos malades âgés, la clearance rénale est diminuée du seul fait de l’âge; il est de bonne pratique de penser donner les opioïdes q.6h. au lieu de q.4h. en courte action.
Quelques notions qui sont importantes durant l’emploi des opioïdes
Dépendance physique: c’est une réaction physiologique de l'organisme à l'absence du médicament opioïde. C’est un état de manque qui s’accompagne de symptômes physiques incommodants appelés le sevrage
Tolérance: c’est une adaptation physiologique conduisant à une diminution de l’effet analgésique du médicament à la suite de la prise à long terme
Dépendance psychologique: peut durer beaucoup plus longtemps que la dépendance physique, des années, voire toute la vie. Elle repose davantage sur les caractéristiques de l'individu (habitudes, états affectifs, styles de vie) que sur la substance elle-même. C'est une maladie bio-psycho-sociale qui se manifeste par un comportement particulier:
les 4 C
- Contrôle impossible
- Compulsivité dans l’utilisation des opioïdes
- Conséquences expliquées mais non compliance de la part du patient malgré tout
- Craving ou état de besoin
Pseudo-dépendance : mais attention, il existe des patients qui auront un comportement de dépendance aux opioïdes; ces patients sont sous-dosés et c’est le reflet d’un non soulagement de leur douleur. Lorsqu’on réussit à les soulager avec la bonne dose, ils cessent d’avoir un comportement demandant.
Précautions pour le médecin
Bien qu’en soins palliatifs les risques de mésusage, de détournement et de dépendance psychologique soient très minimes, il faut quand même en être conscients. Si nos patients sont dans l’unité de soins ou à domicile avec une espérance de vie courte et moyenne, ce n’est pas un enjeu très important.
Par contre, en clinique externe, avec une survie allongée, la consommation d’opioïdes risque de durer plus longtemps en terme de mois, voire d’années.
Dans un souci de bonne pratique vis-à-vis le Collège des médecins et pour réassurance personnelle, il peut être avantageux de calculer un risque potentiel pour une prise d’opioïdes et de le laisser au dossier.
Plusieurs outils validés en clinique de douleur chronique cancéreuse peuvent servir dans notre pratique palliative.
Actuellement l’outil, à la fois validé et complet, est le Webster ci-contre. Il questionne sur les consommations d’alcool, de drogues licites et illicites, tient compte des antécédents familiaux, des antécédents personnels psychiatriques et d’abus sexuels à la préadolescence. À noter aussi que ce questionnaire tient compte pour chaque item du facteur Femme-Homme.
Une quantification du risque est possible avec les chiffres accumulés et les médecins agiront en conséquence.