Ces personnes qui ont mal - Chapitres 51 à 100

Notes personnelles dans une perspective de soins palliatifs "oncologiques" Par : Brizard, André, MD

 

51 - La transmission d'un influx dans l'espace synaptique: la membrane post-synaptique et les neurotransmetteurs "excitateurs"

Lorsqu'un NT "excitateur" se fixe sur un récepteur qui lui est spécifique au niveau de la membane post-synaptique, peu importe que ce récepteur soit situé directement à la surface des canaux ioniques ou de la membrane neuronale, il produit alors une ouverture des canaux "médiateurs dépendants":

  • les canaux sodiques (Na+)
    et/ou
  • les canaux calciques (Ca++).


Il va sans dire que les canaux ioniques "voltage-dépendants", qu'ils soient sodiques ou calciques ne sont pas impliqués dans ce processus d'activation, leur sort a été décrit antérieurement. (Voir: LA TRANSMISSION D'UN INFLUX DANS L'ESPACE SYNAPTIQUE: LE BOUTON PRE-SYNAPTIQUE ET LA LIBERATION D'UN NEUROTRANSMETTEUR).

Les canaux sodiques (Na+) sont les grands responsables de la dépolarisation progressive menant finalement à l'induction d'un influx en permettant le transfuge d'ions (Na+) à travers la membrane cellulaire (Voir: LE PHENOMENE DE DEPOLARISATION "MEMBRANAIRE"). Le potentiel transmembranaire passe alors de - 70 mV à - 50 mV par exemple et ainsi de suite. Au fur et à mesure que d'autres NTs arrivent au niveau de leurs récepteurs spécifiques sur la membrane post-synaptique, d'autres canaux sodiques s'ouvrent et le phénomène de dépolarisation s'accentue de plus en plus. Il finit par atteindre "le" seuil de voltage transmembranaire nécessaire pour faire ouvrir l'autre type de canaux ioniques, les canaux "voltage dépendants". Alors survient la migration massive d'ions (Na+) et d'ions (Ca++) en intra-cellulaire. Cette migration massive permet de générer le potentiel d'action nécessaire au déclenchement d'un influx nociceptif, bien plus, d'un train d'influx dans la fibre centrale. La montée des influx vers les centres supérieurs est ainsi assurée.

Les canaux calciques (Ca++) sont responsables pour leur part du soutien métabolique "excitateur" intra-cellulaire en permettant l'entrée d'abord modérée et ensuite "massive" de (Ca++) à l'intérieur de la cellule nécessaire aux différents processus métaboliques menant à la production et à la libération de NTs à l'autre extrémité de la fibre centrale dans les centres supérieurs où la neurotransmission se poursuit jusqu'à l'arrivée de l'influx dans le cortex pariétal à titre d'exemple.

C'est de cette façon que les principaux NTs nociceptifs agissent (glutamate et substance P) en regard des canaux sodiques et calciques. Le glutamate agit de façon relativement plus complexe, il sera discuté avec les récepteurs NMDA (Voir: LES RECEPTEURS NMDA ET ... LES RECEPTEURS NON-NMDA: LEURS ROLES EN SITUATION D'HYPERACTIVITE PERIPHERIQUE).

Les canaux calciques (Ca++) sont responsables pour leur part du soutien métabolique "excitateur" intra-cellulaire en permettant l'entrée modérée et en certaines occasions "massive" de (Ca++) à l'intérieur de la cellule nécessaire aux différents processus métaboliques menant à la production et à la libération de NTs.

C'est de cette façon que les principaux NTs nociceptifs agissent (glutamate et substance P) en regard des canaux sodiques et calciques. Le glutamate agit de façon relativement plus complexe, il sera discuté avec les récepteurs NMDA (Voir: LES RECEPTEURS NMDA ET ... LES RECEPTEURS NON-NMDA: LEURS ROLES EN SITUATION D'HYPERACTIVITE PERIPHERIQUE).

52 - La transmission d'un influx dans l'espace synaptique: la membrane post-synaptique et les neurotransmetteurs "inhibiteurs"

Lorsqu'un NT "inhibiteur" se fixe sur un récepteur qui lui est spécifique, peu importe que ce récepteur soit situé directement à la surface des canaux ioniques ou de la membrane neuronale, il produit alors, de façon concomitante, une ouverture des canaux "médiateurs dépendants"

  • les canaux chloriques (Cl-)
    et
  • les canaux potassiques (K+).

(Voir: LA TRANSMISSION D'UN INFLUX DANS L'ESPACE SYNAPTIQUE: LA MEMBRANE POST-SYNAPTIQUE ET SES DEUX GRANDES FAMILLES DE RECEPTEURS).

L'ouverture des canaux chloriques (Cl-) entraîne une migration des ions (Cl-) vers l'intérieur de la cellule, ce qui a pour effet d'accentuer la charge négative intracellulaire.

En même temps, l'ouverture des canaux potassiques (K+) permet au K+ de migrer vers l'extérieur ce qui vient encore accentuer encore plus la charge négative intracellulaire et donc l'hyperpolarisation. La contribution des canaux potassiques (K+) est plus importante que celle des canaux chloriques (Cl-). C'est particulièrement de cette façon que les opiacés agissent comme nous le verrons plus loin, i.e. en augmentant la migration vers le milieu neuronal des ions potassiques (K+).

On réfère à cette facilitation du passage d'un ion d'un milieu vers un autre comme à une conductance augmentée.

En présence d'un NT "inhibiteur", l'hyperpolarisation de la membrane post-synaptique sera "prolongée". Cette hyperpolarisation, qui est en fait une accentuation de la négativité intracellulaire, a pour effet d'empêcher la structure de réagir à un stimulus. Ainsi l'arrivée d'un influx nociceptif en provenance de la périphérie ou la présence d'un NT "excitateur" nociceptif ne seront plus en mesure de provoquer les effets qu'ils auraient dû provoquer.

53 - La transmission d'un influx dans l'espace synaptique: les neurotransmetteurs "inhibiteurs", l'hyperpolarisation et les effets sur le bouton pré-synaptique et le neurone central

Les membranes des boutons pré-synaptiques de même que les membranes des neurones centraux possèdent des récepteurs "biochimiques" sur lesquels les NTs "inhibiteurs" peuvent agir.

Au niveau de la membrane des boutons pré-synaptiques,

  • l'hyperpolarisation aura comme conséquence de provoquer une certaine inhibition des canaux calciques "voltage dépendants" puisque l'arrivée d'un influx au niveau du bouton pré-synaptique ne permettra plus d'atteindre le voltage transmembranaire nécessaire à l'ouverture de ces mêmes canaux calciques. Ainsi, à titre d'exemple, le potentiel transmembranaire nécessaire à l'ouverture des canaux calciques pourrait dans un cas donné se situer autour de -30 mV pour un potentiel de repos de -70 mV, soit une différentielle de 40 mV. Ce potentiel n'atteindra que -45 mV avec l'arrivée de l'influx en provenance de la périphérie lorsque le potentiel transmembranaire de dépolarisation se trouve à -85 mV.

Ainsi, l'absence d'arrivée de Ca++ intracellulaire nécessaire à toute activation de la cascade biochimique empêchera la production et à la libération subséquente de neurotransmetteurs "nociceptifs" (glutamate, substance P et autres) à partir de la membrane pré-synaptique du bouton pré-synaptique même en présence d'influx nociceptifs. Beaucoup moins de NTs nociceptifs se retrouvent alors dans l'espace synaptique. Moins de NTs nociceptifs, moins de douleur.

Nous verrons plus tard que les opiacés agissent en partie de cette façon sur les boutons pré-synaptiques pour exercer leur effet analgésique.

Au niveau de la membrane des neurones centraux,

  • l'hyperpolarisation aura pour effet d'empêcher la membrane post-synaptique du neurone central d'atteindre le voltage transmembranaire nécessaire au déclenchement d'un potentiel d'action. Ainsi, à titre d'exemple, le potentiel transmembranaire nécessaire au déclenchement d'un potentiel d'action qui pourrait se situer autour de +10 mV pour un potentiel de repos de -70 mV, soit une différentielle de 80 mV, n'atteindra que -5 mV lorsque le potentiel transmembranaire de départ se trouve à -85 mV.

Il ne semble pas que l'activation des récepteurs opioïdes (enképhalinergiques, dynorphinergiques) à ce niveau puisse provoquer, comme dans le cas des boutons pré-synaptiques, une hyperpolarisation suffisante pour provoquer une inhibition "valable" des canaux calciques "voltage dépendants". Cette ajout d'inhibition aurait pu avoir comme conséquence "heureuse" de réduire encore plus les influx nociceptifs ascendants mais tel n'est pas le cas.

C'est par l'un ou l'autre de ces deux mécanismes que les substances "inhibitrices" (enképhaline, dynorphine, norépinéphrine et GABA) exercent leur effet "analgésique". Il existe des récepteurs enképhalinergiques, dynorphinergiques, alpha2-adrénergiques et GABAergiques tant au niveau du bouton pré-synaptique que du neurone central des fibres nociceptives.

Par ailleurs, les récepteurs GABAergiques se retrouvent en beaucoup plus grand nombre sur les boutons pré-synaptiques de terminaisons motrices au niveau des jonctions neuro-musculaires que sur les boutons pré-synaptiques des fibres nociceptives c'est pourquoi le baclofen est beaucoup plus efficace pour réduire la spasticité que pour réduire la douleur même lorsqu'administré en épidural.

Dans l'ensemble, le nombre de récepteurs "inhibiteurs" prédomine nettement au niveau des boutons pré-synaptiques des fibres nociceptives en comparaison avec les neurones centraux. Ce qui fait qu'une bonne partie du blocage nociceptif se fait en pré-synaptique, environ 75% du blocage nociceptif se fait à ce niveau, il ne reste que 25% pour la contribution de la membrane post-synaptique du neurone central.

L'effet des neurotransmetteurs inhibiteurs semble donc ne reposer que sur l'hyperpolarisation résultant de l'ouverture des canaux potassiques et chloriques. Ces NTs "inhibiteurs" réussissent quand même, par cet effet unique, à exercer une large contribution "analgésique".

On verra quand il sera question des récepteurs NMDA que leur activation provoquera entre autre la production de NO (monoxyde d'azote) dans les neurones centraux. Le NO ainsi produit diffusera partout dans le corps cellulaire des neurones centraux, il diffusera aussi à l'extéreure des neurones centraux pour se rendre dans les boutons pré-synaptiques et dans les cellules gliales. Au niveau des boutons pré-synaptiques, un des effets du NO sera d'entrainer la fermeture des canaux potassiques responsables de l'hyperpolarisation observable suite à une stimulation des récepteurs opiacés. La fermeture des canaux potassiques empêchera ainsi l'hyperpolarisation de se produire et réduira en conséquence considérablement l'effet analgésique des opiacés.

54 - La corne postérieure: une "cour de triage" complexe

La schématisation du mode de communication entre deux neurones montre habituellement un neurone dont le bouton pré-synaptique fait son transfert d'influx avec un neurone central tout comme si la communication dans le réseau nerveaux se faisait toujours "de un à un". Il en est pourtant tout autrement. Chaque dendrite de chacun des neurones centraux nociceptifs peut être branché à une afférence nociceptive différente. Plusieurs afférences nociceptives arrivent donc en même temps sur un même neurone nociceptif central, ces afférences étant en provenance:

  • de divers nocicepteurs
    • mécanorécepteurs
    • thermorécepteurs
    • récepteurs mécanothermiques
    • récepteurs polymodaux.

Mais il y a pire encore puisque chaque fibre nociceptive centrale peut recevoir en même temps des afférences nociceptives en provenance:

- de diverses structures anatomiques
 somatiques
 viscérales
- de divers sites anatomiques
 dermatome
 myotome
 sclérotome

Cette convergence d'arrivée entre des influx nociceptifs qui sont d'origines variées, de zones et de structures anatomiques diverses amène donc des interconnexions synaptiques de variétés multiples. Le phénomène des douleurs référées trouve probablement dans ces multi-convergences une partie de son explication (Voir: EPARPILLEMENT MULTI-ETAGE, MULTI-CONVERGENCE ET DOULEUR REFEREE).

La situation se trouve encore plus complexe puisque ces dendrites sont aussi soumis aux connexions synaptiques en provenances

  • des faisceaux inhibiteurs descendants dont il sera fait mention un peu plus loin (Voir: LA CONTREPARTIE DES FAISCEAUX ASCENDANTS: LES FAISCEAUX DESCENDANTS INHIBITEURS)
  • des fibres sensitives non-nociceptives qui elles sont branchées à de nombreux récepteurs "non-nociceptifs". (Voir: LES AUTRES INFORMATIONS SENSITIVES ET LEURS RECEPTEURS)

Ces deux derniers groupes d'influx font référence à l'effet "portillon" (Gate Control) proposé par Melzack et Wall au début des années soixante. L'effet "portillon" sera discuté ultérieurement dans le présent document. (Voir: L'EFFET "PORTILLON" (GATE CONTROL) SELON MELZACK ET WALL ET UNE PLUS NOUVELLE THEORIE: LE CONTROLE INHIBITEUR DIFFUS INDUIT PAR LA NOCICEPTION (CIDN))

55 - La transmission d'un influx dans l'espace synaptique: les neurotransmetteurs

Cette multi-convergence impose en même temps la nécessité d'assurer le relais de l'influx électrique dans les multiples connexions synaptiques. Ce transfert des influx électriques nociceptifs entre deux neurones se fait par l'intermédiaire de substances chimiques qu'on appelle des neurotransmetteurs (NTs). Il existe plusieurs substances chimiques jouant le rôle de neurotransmetteurs. La convergence qui se fait sur les dendrites des neurones nociceptifs centraux, à partir de sites et de structures multiples, impliquera plusieurs neurotransmetteurs différents afin de communiquer ces différentes informations.

Les principaux neurotransmetteurs "nociceptifs" identifiés jusqu'à maintenant, i.e. ceux qui transfèrent l'information "nociceptive" de la fibre périphérique à la fibre centrale, sont:

  • le glutamate
    et
  • la substance P

mais il en existe plusieurs autres

  • le peptide lié au gène de la calcitonie (Calcitonine Gene Related Peptide - CGRP)
  • la somatostatine
  • le polypeptide intestinal vaso-actif (Vaso-active Intestinal Peptide - VIP)
  • et encore bien d'autres.
Un certain nombre de fibres nociceptives libèrent à la fois du glutamate et de la substance P qui coexistent au niveau de leur bouton pré-synaptique mais une bonne majorité des fibres nociceptives ne possèdent que le glutamate ou que la substance P comme neurotransmetteur nociceptif.
 
Le glutamate représente le plus important neurotransmetteur "excitateur" de tout le système nerveux central. Le GABA est pour sa part le plus important neurotransmetteur "dépresseur".

56 - La "cour de triage" complexe: le premier relais central avec ses différents circuits et sous-circuits de connexion

Le relais de l'influx électrique nociceptif entre deux neurones est assuré par l'intermédiaire des neurotransmetteurs (NTs). Cependant, les deuxièmes neurones nociceptifs ne sont souvent que de très courts neurones "centraux" qui font le pont avec les vrais neurones centraux qui sont ceux qui vont acheminer les influx nociceptifs vers les régions supérieures, c'est-à-dire le tronc cérébral et le cerveau.

Au niveau de la corne postérieure, les connexions synaptiques à partir des différentes provenances périphériques énumérées plus haut peuvent donc se faire:

  • DIRECTEMENT sur un neurone central
    ou
  • INDIRECTEMENT c'est -à-dire par l'intermédiaire de petits neurones (2 types) avant d'atteindre le neurone central.

DIRECTEMENT sur un neurone central

Il existe, au niveau de la corne postérieure, trois types de neurones nociceptifs centraux vers lesquels le transfert d'influx nociceptifs se fait:

  • les neurones spécifiquement nociceptifs (Nociceptive Specific - NS) aussi appelés "neurones marginaux larges" (Large Marginal Neurons (LMN). Les LMN/NS sont surtout situées dans la couche I, i.e. dans la zone marginale de la corne postérieure. Ils sont présents en faible nombre dans les couches II et III. Ils reçoivent de façon préférentielle les afférences nociceptives des fibres A delta.
  • les neurones nociceptifs non-spécifiques (Wide Dynamic Range - WDR) qui pourraient être qualifiées de "pluri-réceptifs", de poly-convergents ou de convergents puisqu'ils reçoivent à la fois des influx sensitifs non-nociceptifs de tout type et des influx nociceptifs.

Ces WDR sont situés presqu'exclusivement dans la couche V de la corne postérieure et un peu dans la couche IV. Ils envoient cependant de longs prolongements dendritiques dans les couches III et IV (nucleus proprius) de la corne postérieure où ils "recueillent" les transferts synaptiques en provenance:

    • des grosses fibres afférentes A alpha, A bêta (sensations tactiles et proprioceptives),
    • des fibres A delta et C,
    • des cellules pédonculées qui envoient d'abondants transferts synaptiques et dont il est fait mention plus loin.
  • les neurones des mécanorécepteurs à faible seuil (Low-Threshold Mecano-Receptor - LTM).

INDIRECTEMENT c'est -à-dire par l'intermédiaire de petits neurones (2 types) avant d'atteindre le neurone central.

Les courts neurones servant d'interface ou de sous-circuits de connexions entre les neurones nociceptifs périphériques et les neurones centraux existent sous deux formes:

  • de très courts neurones, des interneurones aussi appelés neurones intercalaires, qui eux, font synapse directement avec les dendrites d'un ou de plusieurs neurones nociceptifs centraux LMN et WDR. (Schéma de Véro - Gyn refait)

Ces interneurones sont situés presqu'exclusivement dans la couche I et II, i.e. dans la zone marginale et dans la substance gélatineuse de la corne postérieure.

  • des neurones pédonculés (Stalk Cells (SC)) qui eux aussi font synapse directement avec les dendrites d'un ou de plusieurs neurones nociceptifs centraux LMN et WDR. (Schéma de Véro - Gyn refait)

Ces neurones pédonculés sont surtout situés dans la couche II et III, i.e. dans la substance gélatineuse (II) et dans la portion III du nucleus proprius (III-IV) de la corne postérieure.

57 - La "cour de triage" complexe: la spécificité des différents neurones centraux

Chaque type de neurones centraux a comme fonction de transporter certains types d'influx, ainsi:

  • les neurones "LMN/NS" transportent les influx nociceptifs
    • thermiques
    • mécaniques
       
  • les neurones "WDR" transportent les influx sensitifs et nociceptifs de tout type et de toutes les structures
    • toucher superficiel (light touch) et autres
    • douloureux quelconques
       
  • les neurones "LTM" transportent les influx tactiles
    • toucher superficiel (light touch)
    • pression
    • mobilisation des poils des surfaces cutanées pileuses (hair movement)
       

Chaque type de fibres peut ainsi recevoir à la fois des informations sensitives "non-nociceptives" et "nociceptives". Cette notion élargit encore le concept des douleurs référées puisque des influx "douloureux" provenant de structures viscérales et ostéo-articulaires peuvent alors converger vers le même type de fibre centrale et faire leur ascension vers les centres de relais et d'interprétation du tronc cérébral et du cerveau dans le même neurone central nociceptif.

58 - La "cour de triage" complexe:la fonction des interneurones et des neurones pédonculés

La fonction des interneurones et des neurones pédonculés est d'agir sur le transfert des influx nociceptifs de deux manières:

  • certains interneurones exercent un rôle d'inhibition sur le transfert des influx nociceptifs vers les neurones centraux dans la corne postérieure
     
  • d'autres, malheureusement!, viennent "faciliter" le transfert des influx nociceptifs dans la corne postérieure, on les qualifie de neurones "excitateurs".
     

La fonction d'inhibition est particulièrement importante. Elle se joue par l'intermédiaire des deux sous-circuits de connexion que sont les interneurones et les neurones pédonculés:

  • les interneurones ou neurones intercalaires reçoivent leurs connexions synaptiques presqu'exclusivement en provenance des faisceaux dorso-latéraux qui sont des faisceaux inhibiteurs descendants. Ces faisceaux inhibiteurs descendants sont des faisceaux principalement sérotoninergiques et noradrénergiques qui proviennent de certaines régions corticales et sous-corticales du cerveau et de certaines structures du tronc cérébral i.e. dans l'ensemble des centres supra-spinaux (Voir: LA CONTREPARTIE DES FAISCEAUX ASCENDANTS: LES FAISCEAUX DESCENDANTS INHIBITEURS)

 

  • Les interneurones utilisent des NTs "inhibiteurs" (enképhaline, dynorphine, norépinéphrine et GABA) et exercent leur inhibition de deux manières complémentaires, c'est-à-dire en faisant une inhibition:
 
  • pré-synaptique (sur le bouton pré-synaptique)
    et
  • post-synaptique (sur la membrane du neurone central afférent suivant).

Ils font donc synapse avec

    • les boutons pré-synaptiques des fibres A delta et C
    • les membranes post-synaptiques des dendrites des neurones LMN
    • les membranes post-synaptiques des dendrites des neurones WDR.

Comme il existe une très nette prépondérance de fibres C puisque celles-ci composent probablement autour de 60-90 % des afférences cutanées et presque la quasi totalité des afférences viscérales, on peut alors comprendre toute l'importance des faisceaux inhibiteurs descendants dans la réduction du transfert des influx nociceptifs en provenance de la périphérie.

  • les neurones pédonculés reçoivent leurs connexions synaptiques à la fois des fibres A alpha, A bêta et des fibres C.


Ils utilisent des NTs "inhibiteurs" mais produisent aussi des NTs "excitateurs". Ils n'exercent leur inhibition que d'une seule manière soit en faisant une inhibition:

    • post-synaptique exclusivement.

Ils font synapse avec

    • les membranes post-synaptiques des dendrites des neurones LMN
    • les membranes post-synaptiques des dendrites des neurones WDR.
       

Ces interactions sur la transmission des influx nociceptifs réfèrent au concept de "modulation". Le concept de modulation a été développé par Melzack et Wall sous le nom de "Théorie du portillon" (Gate Control Theory). et a été publié en 1965. Cette publication demeure un extraordinaire classique dans toute la littérature portant sur la douleur (Melzack R, Wall PD. Pain mechanism: a new theory. Science 1965; 150:971-9). Les opérations de modulation dans "la cour de triage" qu'est la corne postérieure sont complexes comme on pourra le constater.

59 - Les différents sous-circuits intermédiaires inhibiteurs de connexion: leurs neurotransmetteurs

Les interneurones dans leur fonction d'inhibition pré et post-synaptique font usage de cinq principaux NTs "inhibiteurs"

  • l'enképhaline,
  • la dynorphine,
  • la norépinéphrine
  • la sérotonine
  • le GABA, l'acide gamma-amino-butyrique (GABA - gamma-amino-butyric acid)

alors que les cellules pédonculées (Stalk Cells) qui n'exercent leur inhibition qu'en post-synaptique font usage préférentiellement de trois

  • l'enképhaline,
  • la dynorphine,
  • le GABA.

L'activation de ces neurones intermédiaires vient réduire de façon marqante le transfert d'influx douloureux dans la corne postérieure de sorte qu'il en résulte une moins grande abondance pouvant faire ascension vers le tronc cérébral et le cerveau.

60 - Les neurotransmetteurs inhibiteurs des différents sous-circuits intermédiaires de connexion: leurs modes d'action

Selon le mécanisme plusieurs fois proposé, les NTs "inhibiteurs" ainsi libérés (principalement: enképhaline, dynorphine, GABA) viennent activer les récepteurs "biochimiques" (enképhalinergiques, dynorphinergiques, GABAergiques) situés

  • soit sur les boutons pré-synaptiques des fibres nociceptives
  • soit sur les membranes post-synaptiques des neurones centraux.

Que cette activation se produise sur le bouton pré-synaptique ou directement sur la membrane du neurone central, l'effet est toujours le même soit une "HYPERPOLARISATION PROLONGÉE".

Cette "HYPERPOLARISATION PROLONGÉE" (Voir: LA TRANSMISSION D'UN INFLUX DANS L'ESPACE SYNAPTIQUE: LES NTs "INHIBITEURS", L'HYPERPOLARISATION ET LES EFFETS SUR LE BOUTON PRE-SYNAPTIQUE ET LE NEURONE CENTRAL) a pour effet d'empêcher le bouton pré-synaptique de réagir à l'arrivée d'un influx nociceptif. L'augmentation de l'activité métabolique intrinsèque entrainant la production et la libération de NT(s) nociceptifs ne peuvent donc pas avoir lieu et la neurotransmission nociceptive se trouve donc réduite considérablement.

Par ailleurs cette "HYPERPOLARISATION PROLONGÉE" aura pour effet d'empêcher la membrane du neurone central de réagir à l'arrivée des NTs qui ont pu encore être produits et libérés.

Par un mécanisme ou l'autre, l'activation des récepteurs "biochimiques" (enképhalinergiques, dynorphinergiques, GABAergiques) résulte finalement en une très nette réduction du nombre d'influx nociceptifs prenant la direction des centres supérieurs.

L'architecture "modulatrice" des influx nociceptifs retrouvée au niveau de la corne postérieure existe en fait d'une façon semblable au niveau du noyau spinal du trijumeau, l'équivalent de la corne postérieure pour les influx nociceptfs en provenance de la face.

Il existe aussi des mécanismes de modulation au niveau des zones de relais dans le tronc cérébral et dans le cerveau.

C'est donc dire la puissance que pourront jouer tant les influx physiques que psychiques dans la modulation des perceptions nociceptives et dans le rendu final qu'est alors "la douleur globale" ou "souffrance".

Les multiples synapses présentes au niveau de la corne postérieure utilisent une grande variété de neurotransmetteurs, c'est donc dire qu'il existe, au niveau des surfaces synaptiques des nombreuses structures impliquées (les boutons pré-synaptiques, les interneurones, les cellules pédonculés (Stalk Cells), les dendrites centraux et les surfaces membranaires des neurones centraux) des récepteurs "biochimiques" spécifiques pour chacun de ces différents neurotransmetteurs.

Parmi cette multitude de récepteurs "biochimiques" spécifiques, deux récepteurs à eux seuls occupent une très large place dans le chapitre de la nociception/douleur, ce sont

  • les récepteurs "opiacés"
    et
  • les récepteurs NMDA.

61 - Les récepteurs nociceptifs-clé: les récepteurs opiacés

L'opium est connu depuis des siècles pour ses effets analgésiques. Depuis 1852, la morphine est connue et utilisée pour ces mêmes effets. Ce n'est pourtant qu'en 1960 qu'il a été possible de commencer à identifier certains sites d'action des substances opiacés au niveau du cerveau.

Quelques substances opiacés endogènes sont aujourd'hui connues:

  • les -endorphines qui sont des substances "hormonales" circulantes et qu'on retrouve donc en circulation dans le liquide céphalo-rachidien, elles sont sécrétées par le complexe hypothalamo-hypophysaire,
     
  • les enképhalines qui sont en fait des neurotransmetteurs synaptiques et qui n'existent pas dans la circulation sanguine

    et

  • la dynorphine qui est aussi un neurotransmetteur synaptique, donc absente de la circulation sanguine.

62 - Les récepteurs opiacés: leurs localisations centrales

Les techniques de micro-injections ont permis d'identifier trois sites particulièrement actifs dans le blocage des influx nociceptifs i.e. de la douleur, ce sont:

  • la substance grise périaqueducale (SGPA) (Periaquaductal Gray Matter-PAGM)
     
  • les noyaux bulbaires centraux (Midline Medullary Nuclei) comprenant
    • le noyau locus coeruleus
      et
    • les noyaux médullaires du raphé "Nucleus Raphe Magnus
  • la corne postérieure et son équivalent pour l'innervation crânienne, le noyau spinal du trijumeau. La corne postérieure comme site d'inhibition de la transmission des influx nociceptifs n'a été identifié qu'au milieu des années 1970.

Il existe de nombreuses autres localisations dans le système nerveux central où des récepteurs opiacés se retrouvent, mais leur stimulation ne provoque généralement pas d'effet analgésique. D'autres effets sont alors produits lors de leur stimulation. On retrouve ainsi des récepteurs opiacés au niveau

  • du thalamus
     
  • dans divers noyaux du tronc cérébral
    • le centre du vomissement
    • la zone gâchette (ZG) (chemotactic trigger zone - CTZ)
    • le centre de la respiration.

Des récepteurs opiacés sont aussi présents en grand nombre au niveau

  • du système limbique (gestionnaire de nos émotions)
    et
  • de l'hypothalamus (origine et gestionnaire du système nerveux autonome).

Enfin, il existe aussi des récepteurs opiacés au niveau des noyaux gris centraux (caudé, putamen et claustrum), des couches I et III du cortex cérébral et des zones périventriculaires.

Bien que la stimulation des récepteurs opiacés dans ces différentes régions ne provoquent pas d'analgésie, leur participation touche alors de nombreuses autres modalités parmi lesquelles se retrouvent:

  • les changements de comportement,
  • les changements d'humeur,
  • l'éveil, la vigilance, le sommeil,
  • les nausées et vomissements,
  • la dépression respiratoire,
  • la suppression de la toux.

63 - Les récepteurs opiacés: leurs localisations centrales "structurelles"

En fait, ces sites "particulièrement actifs dans le blocage des influx nociceptifs" sont les endroits où se trouvent des récepteurs "biochimiques" de type opiacé en très grande concentration. On retrouve ces récepteurs "OPIACES" à deux niveaux structurels:

  • au niveau de la paroi latérale des boutons pré-synaptiques

    et
     

  • au niveau de la membrane post-synaptique des neurones nociceptifs centraux de même qu'au niveau de la paroi latérale de ces mêmes neurones centraux i.e. au niveau de surfaces non-impliquées dans les échanges synaptiques.

Le marquage radioactif de ligands opiacés (agonistes) montre qu'il existe une répartition inégale des récepteurs opiacés au niveau de la corne postérieure. Ainsi, il est estimé que les récepteurs opiacés prédominent très nettement dans les couches I et II de la corne postérieure. De même, leur distribution domine très nettement au niveau des boutons pré-synaptiques avec une prévalence d'environ 70% alors que l'autre 30% se retrouve au niveau des membranes post-synaptiques.

On pourra alors déduire que les transferts nociceptifs impliquant les autres couches que les couches I et II ne répondront que très peu aux opiacés.

Par ailleurs, les récepteurs opiacés sont presqu'exclusivement situés sur les boutons pré-synaptiques des fibres C. Les fibres A delta ne possèdent que très peu de récepteurs opiacés sur leur bouton présynaptique. Ainsi lorsque les fibres A delta participeront à l'allodynie, sera-t-il vain d'espérer un blocage quelconque du transfert nociceptif provenant de la participation des fibres A delta par les opiacés.

64 - Les récepteurs opiacés: leurs localisations périphériques

Des récepteurs opiacés sont aussi présents en périphérie dans plusieurs sites. On en retrouve particulièrement au niveau

  • des plexus myentériques de l'intestin, c'est d'ailleurs ce qui explique la constipation TOUJOURS présente chez tout utilisateur d'opiacé,
     
  • des muscles lisses des sphincters, (iris, Oddi, pylore, sphincter interne de la vessie, sphincter interne de l'anus) ce qui explique à titre d'exemple la rétention urinaire chez les hommes avec une hypertrophie prostatique, le sphincter interne devenant alors hypertonique alors que l'hypertrophie causait déjà une obstruction partielle à la vidange de la vessie,
     
  • des mastocytes. Pratiquement tous les opiacés sont reconnus pour entraîner la libération d'histamine mais à des degrés variables. Seul le FENTANYL semble exempté de cet effet. La manifestation clinique la plus fréquente en rapport avec cet effet est le prurit qui se rencontre à l'occasion lorsque les opiacés courants sont prescrits. Les réactions allergiques plus sévères pouvant aller jusqu'au choc anaphylactique sont possibles mais extrêmement rares,
     
  • des nocicepteurs, d'où la possibilité d'utiliser des opiacés en vaporisation sur certaines plaies "ouvertes".

A une exception près, soit en vaporisation sur des plaies "ouvertes", les opiacés n'exercent pas d'action ANALGESIQUE en périphérie. Cependant, la stimulation de ces récepteurs produit d'autres types d'effets, comme par exemple la constipation lorsque les récepteurs opiacés du système digestif sont stimulés. Lors de la prise d'opiacés PerOs, tous les récepteurs opiacés périphériques se trouvent alors stimulés avec les conséquences que l'on verra dans le document IV portant sur la gestion analgésique avec les opiacés.

65 - Les récepteurs opiacés: différents types

Il existe une variété de récepteurs opiacés avec des spécificités particulières. On connaît actuellement 5 grandes classes de récepteurs opiacés: les récepteurs MU, DELTA, SIGMA, KAPPA et EPSILON, les récepteurs mu se divisent en deux sous-classes mu-1 et mu-2. Chaque type de récepteur est responsable de provoquer des effets différents et spécifiques lorsqu'il est stimulé.

Les opiacés endogènes (enképhalines, bêta-endorphines, dynorphines) n'ont pas de sélectivité (ou de spécificité) pour aucun type de récepteur opiacés cependant ils possèdent une affinité différente pour chacun des types de récepteurs.

Ce sont les récepteurs mu-1 qui entraînent les effets analgésiques s'apparentant à l'analgésie provoquée par la morphine. La stimulation des autres types de récepteurs provoque différents effets, la plupart du temps indésirables, l'effet sur les différentes récepteurs opiacés peut ainsi être résumé:

1

- analgésie de type morphinique

 

2

- dépression respiratoire

    (les récepteurs dans le centre de la respiration     perdent leur sensibilité au CO2)

- euphorie

- dépendance physique

- ralentissement du transit digestif = constipation   (récepteurs périphériques)

 
 
 
 

- analgésie par des substances non commercialisées   (recherche)

 

- stimulation du système nerveux autonome

- dysphorie

- agitation

- délire

- hallucinations

 
 
 
 

- analgésie de type pentazocine

- sédation

- miose

 
 
- analgésie
 

D'autres subdivisions pour presque chacun des différents récepteurs opioïdes sont maintenant connues, leur application clinique est loin d'être encore évidente.

Trois récepteurs opiacés sont donc liés à une réduction de la douleur lorsqu'ils sont stimulés. Ce sont les récepteurs auxquels il est le plus souvent fait mention, ce sont les récepteurs:

  • •   1
    •   
    •   

Les récepteurs opiacés sont distribués en de multiples régions, autant au niveau du système nerveux central qu'en périphérie dans diverses structures et viscères.

On ne connaît pas la distribution relative des principaux récepteurs MU, KAPPA et DELTA chez l'homme mais il est certain que les récepteurs MU dominent très largement.

66 - Les récepteurs opiacés centraux: les effets produits par leur stimulation au niveau médullaire

Lorsque les récepteurs opiacés centraux du réseau nociceptif sont stimulés, il se produit alors des effets grandement bénéfiques sur le plan analgésique.

Au niveau médullaire ainsi qu'au niveau de son équivalent "tronculaire", le noyau spinal du trijumeau, la stimulation des récepteurs opiacés peut se faire à deux niveaux: les boutons pré-synaptiques et les membranes post-synaptiques.

  • • Sur les boutons pré-synaptiques des fibres nociceptives périphériques, la stimulation des récepteurs opiacés MU et DELTA produit (Voir: LA TRANSMISSION D'UN INFLUX DANS L'ESPACE SYNAPTIQUE: LES NTs "INHIBITEURS", L'HYPERPOLARISATION ET LES EFFETS SUR LE BOUTON PRE-SYNAPTIQUE ET LE NEURONE CENTRAL)

    • un blocage partiel du transfert des influx nociceptifs au niveau des multiples synapses en réduisant la production et la libération de la substance P, du glutamate et des autres neurotransmetteurs nociceptifs.
    En fait, l'activation des récepteurs opiacés (enképhalinergiques et dynorphinergiques) entraîne alors

    • une ouverture d'un certain nombre de canaux "ioniques" parmi les canaux chloriques (Cl-) et potassiques (K+) ce qui amène une migration des ions (Cl-) en intra-cellulaire et des ions (K+) en extra-cellulaire.

    Ces migrations ont pour effet d'entraîner à leur tour

    • une accentuation de la charge négative intracellulaire ce qui se traduit par une augmentation du potentiel transmembranaire i.e. une hyperpolarisation

    Cette hyperpolarisation a pour effet à son tour

    • d'inhiber la réponse des canaux calciques "voltage dépendants" lors de l'arrivée d'un influx électrique. En situation d'activation normale, l'arrivée d'un influx électrique au niveau du bouton pré-synaptique provoque l'ouverture d'un certain nombre de canaux calciques (Ca++) situés sur la membrane du bouton pré-synaptique. L'arrivée massive de (Ca++) à l'intérieur du bouton active de façon intensive l'usine métabolique intrinsèque à ce niveau ce qui a pour effet de faciliter la production massive de neurotransmetteurs qui sont alors libérés en quantité "déterminée", cette quantité déterminée ayant pour nom: "quantum".

    En fait, les événements ainsi décrits pourraient se résumer de la façon suivante: moins de production de neurotransmetteurs "nociceptifs" (subtstance P et autres), moins de libération, moins de libération, moins de transmission "nociceptive" dans l'espace synaptique.

    • Sur les membranes post-synaptiques, la stimulation des récepteurs opiacés MU et DELTA produit (Voir: LA TRANSMISSION D'UN INFLUX DANS L'ESPACE SYNAPTIQUE: LES NTs "INHIBITEURS", L'HYPERPOLARISATION ET LES EFFETS SUR LE BOUTON PRE-SYNAPTIQUE ET LE NEURONE CENTRAL)

    • une très nette réduction du nombre d'influx nociceptifs prenant la direction des centres supérieurs.
    En fait, l'activation des récepteurs opiacés (enképhalinergiques et dynorphinergiques) sur les membranes post-synaptiques des neurones centraux entraîne alors (tout comme dans le cas de l'activation des récepteurs opiacés présents sur les boutons pré-synaptiques)

    • une ouverture d'un certain nombre de canaux "ioniques" parmi les canaux chloriques (Cl-) et potassiques (K+) ce qui amène une migration des ions (Cl-) en intra-cellulaire et des ions (K+) en extra-cellulaire.

    Ces migrations ont pour effet d'entraîner à leur tour

    • une accentuation de la charge négative intracellulaire ce qui se traduit par une augmentation du potentiel transmembranaire i.e. une hyperpolarisation "prolongée" d'une région de la membrane post-synaptique des dendrites "nociceptifs" centraux. Comme il existe une abondance de récepteurs opiacés à ce niveau, c'est finalement une large surface de la membrane post-synaptique qui se trouve ainsi "hyperpolarisée".
    Cette hyperpolarisation a pour effet à son tour

    • de réduire la réponse de la membrane neuronale lorsque des neurotransmetteurs "excitateurs" se fixent à sa surface puisque le potentiel transmembranaire constituant le point de départ de cette nouvelle dépolarisation est maintenant beaucoup plus NÉGATIF qu'auparavant c'est-à-dire encore plus négatif que le potentiel de repos appartenant à ces neurones (Voir: LE PHENOMENE DE DEPOLARISATION "MEMBRANAIRE" et LE PHENOMENE DE L'HYPERPOLARISATION "MEMBRANAIRE").
    La membrane post-synaptique devient donc "moins répondante" aux NTs nociceptifs libérés puisqu'il devient plus difficile d'atteindre le seuil d'activation suffisant pour déclencher un influx nociceptif.

    Cependant, contrairement à la région pré-synaptique, l'activation des récepteurs opiacés sur les membranes post-synaptiques des neurones centraux n'a pas d'effets sur les canaux calciques "voltage dépendant". L'activation des récepteurs opiacés des membranes post-synaptiques n'entraîne donc pas d'inhibition de la réponse de ces canaux.

La stimulation des récepteurs opiacés KAPPA produit pour sa part elle aussi

 

  • • un blocage partiel du transfert des influx nociceptifs au niveau des multiples synapses en réduisant la production et la libération de la substance P, du glutamate et des autres neurotransmetteurs nociceptifs.

    Cet effet est aussi produit par

    • une ouverture d'un certain nombre de canaux "ioniques" parmi les canaux chloriques (Cl-) et potassiques (K+) ce qui amène une migration des ions (Cl-) en intra-cellulaire et des ions (K+) en extra-cellulaire qui se traduit par une augmentation du potentiel transmembranaire i.e. une hyperpolarisation qui a pour effet à son tour d'inhiber la réponse des canaux calciques "voltage dépendants" lors de l'arrivée d'un influx électrique.

    Mais, en fait, l'activation des récepteurs opiacés KAPPA a principalement pour effet d'entraîner une fermeture des canaux Ca++.

Les principales substances opiacées "inhibitrices", c'est-à-dire celles qui ont pour effet de diminuer le transfert d'influx nociceptifs sont principalement de trois types: enképhalines, dynorphines et bêta-endorphines.

On constate donc que les opiacés "commercialement disponibles" agissent tel les NTs "inhibiteurs" opioïdes naturels (enképhalines, dynorphines et bêta-endorphines) (Voir: LA CORNE POSTERIEURE: UNE "COUR DE TRIAGE" COMPLEXE). Ils activent les récepteurs opiacés situés en diverses régions anatomiques du SNC.

A titre d'exemple, la morphine exerce préférentiellement ses effets sur les récepteurs MU. Cette substance est considérée comme un agoniste relativement sélectif des récepteurs MU puisque son affinité pour les récepteurs DELTA est 50X moindre et que son affinité pour les récepteurs KAPPA est négligeable. C'est donc dire que la morphine exerce son effet de préférence en produisant une ouverture des canaux potassiques (K+) qu'en provoquant directement la fermeture des canaux calciques (Ca++). Le fentanyl pour sa part possède une affinité presqu'exclusive pour les récepteurs MU et n'a donc que très peu d'effet direct sur les canaux calciques.

67 - Les récepteurs opiacés centraux: les effets produits par leur stimulation au niveau du mésencéphale et du tronc cérébral

Au niveau du tronc cérébral et du mésencéphale, i.e. au niveau de certains noyaux

  • noyau ceruleus (nucleus ceruleus) de la protubérance (pons)
  • noyau raphé magnus (nucleus raphe magnus) du bulbe (medulla)
  • noyau réticulaire latéral (nucleus reticularis lateralis) dans la portion latérale de la formation réticulée,
     

la stimulation des récepteurs opiacés présents génère

  • la production d'influx inhibiteurs descendants qui viennent alors accentuer l'effet "portillon". Ces influx inhibiteurs sont véhiculés par les faisceaux descendants inhibiteurs qui seront décrits plus loin. (Voir: LA CONTREPARTIE DES FAISCEAUX ASCENDANTS: LES FAISCEAUX DESCENDANTS INHIBITEURS).
     

On constate donc que la stimulation des récepteurs opiacés, où qu'ils se trouvent au niveau du tronc cérébral, entraînent des effets qui sont toujours convergeants en regard de l'analgésie. Là où ils se trouvent, naissent des influx inhibiteurs descendants qui vont être véhiculés par des sous-faisceaux vers les étages médullaires inférieurs.

C'est au niveau de la corne postérieure, décrite comme une cour de triage fort complexe, que l'effet des opiacés est donc particulièrement "dirigé" et "aiguillonné". Le blocage des douleurs par les opiacés n'est donc pas un effet cérébral en soi, mais bien un effet médullaire. En fait, une très large part de l'analgésie semble se jouer au niveau de la corne postérieure.

Tout concourt donc, dans l'aiguillonnage à l'étage médullaire, à ce que moins de douleur soit ressentie! C'est l'effet portillon dont il sera discuté plus loin.

68 - Le blocage des influx nociceptifs: les récepteurs non-opioïdes

Tel que décrit précédemment, le blocage d'une large portion des influx nociceptifs i.e. l'effet analgésique, se fait par une action des opiacés sur les récepteurs opiacés situés sur les boutons pré-synaptiques et sur les membranes post-synaptiques des fibres nociceptives.

Ce transferts des influx nociceptifs est donc particulièrement sensible aux opiacés pour une large portion des influx nociceptifs tel que la clinique nous l'enseigne jour après jour. Cependant, certains transferts nociceptifs ne présentent pas ou présentent peu de sensibilité aux opiacés alors qu'ils sont sensibles à d'autres substances. Il faut comprendre qu'il existe au niveau de la biochimie des neurones périphériques et des neurones centraux d'autres réseaux de blocage des transferts nociceptifs situés eux aussi sur les boutons pré-synaptiques et sur les membranes post-synaptiques mais différents des récepteurs opiacés. Ces réseaux sont qualifiés de non-opioïdes. Plusieurs "NTs" autres que les opioïdes sont actuellement identifiés comme bloquant les influx nociceptifs:

  • sérotonine
  • norépinéphrine
  • acide gamma-amino-butyrique (GABA - gamma-amino-butyric acid)
  • neurotensine
  • acétylcholine.

Cet effet analgésique "final" se fait sensiblement par les mêmes mécanismes que celui des opiacés:

  • différents récepteurs "biochimiques" autres que les récepteurs opiacés sont présents sur les boutons pré-synaptiques et sur les membranes post-synaptiques des fibres nociceptives et sont comme "en attente de leur substance ou ligand spécifique",
  • l'arrivée de "la substance spécifique" qui se fixe alors sur les récepteurs dédiés à cette substance et activation des récepteurs,
  • au niveau des boutons pré-synaptiques, hyperpolarisation d'une partie de la membrane, non atteinte du potentiel transmembranaire permettant l'ouverture des canaux sodiques et calciques "voltage-dépendants", non déclenchement de la cascade de réactions biochimiques à l'intérieur des boutons pré-synaptiques et donc inhibition de la production et de la libération des NTs nociceptifs spécifiques
  • au niveau de la membrane post-synaptique, hyperpolarisation de cette membrane la rendant "non réceptive" aux NTs nociceptifs libérés.
 
Résultat final:
  • absence ou réduction très nette de transmission d'influx nociceptifs à partir du neurone périphérique vers le neurone central.

Les voies pour arriver à l'effet final peuvent découler de différents mécanismes, ainsi les antidépresseurs bloquent d'abord la recaptation de sérotonine ou de norépinéphrine pour ensuite entrainer les effets décrits plus haut. D'autres substances bloquent directement certains canaux ioniques, toujours en agissant sur un récepteur spécifique, réduisant de ce fait la dépolarisation voire l'arrivée massive de Ca++ dans les neurones nociceptifs.

Une meilleure connaissance des NTs modulant de façon inhibitrice la douleur de même que des substances exerçant un effet coanalgésique devrait permettre d'ouvrir la voie à des applications cliniques "rationnelles" de gestion analgésique. Des substances parfois encore au stade de la recherche sont actuellement disponibles en regard de presque tous les NTs inhibiteurs décrits ci-haut. L'avenir nous dira lesquels seront les plus efficaces.

A titre d'exemple,

 


 

 

  • les récepteurs opioïdes 1 sont sensibles à la morphine
  • les récepteurs opioïdes sont sensibles à une substance codée DADL
  • les récepteurs opioïdes sont sensibles à une substance codée U50488H
  • les récepteurs adrénergiques -1 (NE) sont sensibles à la méthoxamine
  • les récepteurs adrénergiques -2 (NE) sont sensibles à la clonidine
  • les récepteurs adrénergiques (E) sont sensibles à l'isoprotérénol
  • les récepteurs sérotoninergiques 5-HT sont sensibles à la sérotonine
  • les récepteurs gabaergiques GABA1 ou GABAA sont sensibles au muscimol
  • les récepteurs gabaergiques GABA2 ou GABAB sont sensibles au baclofen
  • les récepteurs NEUROTENSIN sont sensibles au neurotensin
  • les récepteurs CHOLINERGIQUE (AC) sont sensibles à l'oxotremorine.

Plusieurs utilisations "cliniques" sont donc susceptibles de voir le jour dans les années qui viennent en se basant sur l'espoir que des molécules utilisables chez l'humain et dévolues d'effets secondaires soient développées.

Il faut rappeler enfin un autre élément de complexité en rapport avec chaque type de substances à savoir qu'il peut exister:

  • un ou plusieurs sous-types de récepteurs pour chaque substance
  • une ou plusieurs substances endogènes peuvent se fixer sur ces récepteurs
  • une ou plusieurs substances exogènes aussi se fixer sur ces récepteurs pour entrainer parfois des effets indésirables.

Pour le moment, en regard d'un effet recherché sur un des récepteurs énumérés plus haut, ce sont les opiacés qui sont utilisés le plus couramment en pharmacothérapie clinique pour la visée analgésique. En deuxième lieu, ce sont les antidépresseurs. D'autres substances apparaîtront ultérieurement sur le marché parce que plus d'une voie inhibitrice est maintenant connue. Cependant, une des limites au développement de ces nouvelles substances dotées d'effets analgésiques concerne l'absence d'effet analgésique lorsqu'administrées oralement ou la trop grande importance des effets secondaires. La plupart des substances nouvellement utilisées pour leur effet analgésique nécessitent en effet une administration épidurale ou intra-thécale pour obtenir leur vraie puissance analgésique (baclofen, clonidine), ce qui vient limiter leur usage considérablement pour le moment.

69 - Les récepteurs nociceptifs-clé: les récepteurs NMDA et ...les récepteurs non-NMDA

La transmission de la douleur se fait de façon préférentielle par les synapses utilisant la substance P et le glutamate comme neurotransmetteurs. La substance P est un peptide qui agit comme neurotransmetteur "excitateur". Les récepteurs pour la "substance P" au niveau de la membrane post-synaptique des dendrites centraux sont les récepteurs NK-1, trois sous-types de récepteurs NK-1 sont connus au niveau de la membrane post-synaptique des neurones nociceptifs centraux.

L'autre réseau bien connu de communication nociceptive utilise le glutamate. Le réseau "glutamate" est dotés de récepteurs glutamate de type NMDA (N-methyl-D-aspartate) et de type NON-NMDA.

Les récepteurs NMDA sont des récepteurs situés à la surface des canaux ioniques calciques.

Les récepteurs NON-NMDA sont de trois types selon les substances auxquels ils réagissent en plus de réagir au glutamate et à l'aspartate:

  • les récepteurs quisnalate-kainate (Q/K) sont des récepteurs situés à la surface des canaux ioniques,
  • les AMPA (alpha-methyl-propionic acid) sont aussi des récepteurs situés à la surface des canaux ioniques,
  • les métabotropiques sont des récepteurs membranaires utilisant une protéine G comme intermédiaire.

70 - Les récepteurs NMDA et ...les récepteurs non-NMDA: leurs rôles en situation normale

Les récepteurs NMDA et deux récepteurs NON-NMDA (Q/K et AMPA) sur trois figurent parmi les récepteurs "biochimiques" situés à la surface des canaux ioniques (Ca++, Na+ et K+) des membranes post-synaptiques des neurones et des dendrites centraux nociceptifs. Les canaux ioniques munis de récepteurs NMDA possèdent une grande perméabilité pour les trois ions (Ca++, Na+ et K+). Seul un des récepteurs NON-NMDA parmi les trois connus est membranaire, on y réfère comme le récepteur NON-NMDA métabotropique. Les récepteurs NON-NMDA et NMDA font partie des réseaux de transferts utilisant des substances autres que la substance P comme NT nociceptif. Les récepteurs NMDA et NON-NMDA sont tous activés par le glutamate, un des NTs nociceptifs excitateurs. Ils se comportent cependant de façon différente; les récepteurs NMDA pour leur part, ne sont activés qu'en situations particulières comme il en sera fait mention dans ce qui suit.

Il faut d'abord préciser, pour commencer, que les récepteurs NMDA ne participent pas aux échanges synaptiques nociceptifs en temps normal. Ils ne participent donc pas à la dépolarisation de la membrane post-synaptique des neurones centraux. Ils y participent uniquement lorsque le flot d'influx nociceptifs arrivant à la corne postérieure devient très très important et soutenu. Ces deux conditions sont essentielles. Par ailleurs, cette très nette accentuation du flot d'influx nociceptifs provient presqu'exclusivement des fibres C.

Les récepteurs NON-NMDA sont plus nombreux que les NMDA à la surface de la membrane post-synaptique des neurones et des dendrites centraux nociceptifs. Ils sont habituellement localisés proche à proche un de l'autre, comme "de mauvais complices". En situation de transmission nociceptive "normale", du glutamate et de la sP sont libérés par la membrane synaptique des boutons pré-synaptiques des fibres nociceptives périphériques. Ce glutamate se fixe sur les récepteurs NMDA et NON-NMDA. Il active normalement les récepteurs NON-NMDA et les canaux ioniques s'ouvrent alors pour contribuer à la dépolarisation progressive de la membrane environnante. Les récepteurs NMDA pour leur part résistent à l'activation par le glutamate, en situation normale, en raison du fait que ce type de récepteur nécessite une certaine valeur de dépolarisation dans l'environnement immédiat avant de s'ouvrir, cela étant dû à la présence de l'ion Mg++ présent dans le canal ionique et qui fait obstruction à l'ouverture de ce même canal avant qu'une certaine valeur de dépolarisation ne soit atteinte. Lorsque cette valeur de dépolarisation est atteinte, cela a pour effet de faire "sauter" l'ion Mg++, un peu à l'exemple d'un bouchon d'une bouteille de champagne qu'on fait "sauter".

71 - Les récepteurs NMDA et ...les récepteurs non-NMDA: leurs rôles en situation d'hyperactivité périphérique

Les récepteurs NMDA jouent un rôle particulier lors des phénomènes d'hyperstimulation (ou hyperexcitation) nociceptive "d'origine périphérique". Cette hyperstimulation d'origine périphérique provient le plus souvent de contexte

  • inflammatoire,
  • ischémique
  • neurogène.

L'hyperstimulation d'origine périphérique mène alors à une situation d'hyperactivité dans la neurotransmission nociceptive au niveau des synapses de la corne postérieure. En fait, lorsque les neurones nociceptifs centraux de la corne postérieure reçoivent un surplus d'influx nociceptifs en provenance de la périphérie, les membranes post-synaptiques deviennent alors hyperexcitables et cette "hyperexcitabilité" se prolonge parfois plusieurs heures sans qu'il ne soit nécessaire de maintenir aucune hyperstimulation nociceptive. Les récepteurs NMDA jouent un rôle particulier autant pour ce qui est de la portion "initiation" de ces phénomènes que de la portion "maintien".

En situation d'hyperexcitation d'origine périphérique, tous les neurones nociceptifs centraux deviennent même hypersensibles à tous les types d'influx "sensitifs" qu'ils reçoivent, il n'est donc plus nécessaire d'avoir une stimulation "véritablement" nociceptive pour que les neurones nociceptifs centraux signalent de la douleur vers les régions supérieures. C'est donc dire qu'ils se mettent à réagir à plusieurs types de NTs impliqués dans la neurotransmission des influx sensitifs "non-nociceptifs". Ces mêmes neurones centraux deviennent donc en fait extrêmement faciles à activer.

Que s'est-il donc produit alors ?

Dans les circonstances d'hyperstimulation nociceptive intense et soutenue, la membrane post-synaptique est soumise à un bombardement de NTs nociceptifs de plusieurs types. En fait, les terminaisons pré-synaptiques sont capables de produire plusieurs types de NTs en situation d'hyperstimulation. Le glutamate, devenu "hyperprésent" pour sa part, s'est alors mis à déclencher une intense dépolarisation des récepteurs NON-NMDA, qui sont situés "malheureusement" à proximité des récepteurs NMDA. Ce bombardement "à haute fréquence nociceptive" produit une accentuation très nette des phénomènes de dépolarisations dans la membrane post-synaptique au pourtour immédiat des récepteurs NMDA. Lorsque le voltage transmembranaire atteint une certaine valeur de dépolarisation "cible" au pourtour immédiat des récepteurs NMDA et qu'en même temps ce dernier est soumis à un intense bombardement au glutamate, l'ion Mg++, présent dans le canal ionique (des récepteurs NMDA) et qui faisait obstruction à l'ouverture de ces mêmes canaux ioniques, est délogé de sa position. Le bouchon "vient de sauter"! Ce n'est pourtant pas le début de la fête, c'est plutôt le début de la catastrophe!

Pour que les récepteurs NMDA s'ouvrent, il aura donc fallu plusieurs conditions en même temps:

  • un "excès" de glutamate,
  • une hyperactivation des récepteurs NON-NMDA
  • un débordement de dépolarisation au pourtour des NMDA,
  • l'atteinte d'un voltage transmembranaire "cible" au pourtour des NMDA.

Les canaux ioniques munis de récepteurs NMDA sont uniques sous cet aspect. Ils doivent donc subir une double "régulation" ou "activation" pour s'ouvrir.

Lorsque les canaux ioniques munis de récepteurs NMDA sont enfin ouverts i.e. lorsque le "bouchon Mg++" est supprimé, commence alors, à travers ces canaux ioniques un flot incessant de Na+ et de Ca++ migrant vers l'intérieur des neurones centraux, le tout s'accompagnant d'un flot incessant de K+ migrant à l'extérieur. Ce flot incessant produit une dépolarisation de plus en plus massive dans les zones membranaires concernées et donc une hyperexcitabilité de plus en plus marquée et de plus en plus étendue à ces mêmes niveaux. Une fois que les récepteurs NMDA ont commencé à être activés, le phénomène d'hyperexcitabilité est long à s'éteindre étant donné certains mécanismes d'autoentretien de l'hyperexcitabilité que les récepteurs NMDA induisent. En effet, les NMDA réussissent:

  • non seulement à réduire la charge négative intracellulaire, qui peut alors passer, à titre d'exemple, de - 70 mV à - 15 mV,
  • à maintenir ce potentiel transmembranaire à ces mêmes valeurs pendant longtemps.

A des valeurs de - 15 mV toujours à titre d'exemple, il ne faut que de très faibles stimuli pour déclencher des trains d'activations d'influx et les membranes post-synaptiques des neurones centraux nociceptifs et même que de leur portion dendritique répondent alors à la moindre arrivée d'influx nociceptifs par les fibres C dans la corne postérieure.

72 - Les récepteurs NMDA et ...les récepteurs non-NMDA: leurs rôles dans le "maintien" d'une hyperactivation des dendrites centraux

Comment peut donc se faire ce "maintien" d'une hyperactivation neuronale centrale ?

Sur le plan de la biochimie neuronale, cette irritabilité membranaire "facilitée" au point de devenir "spontanée ou autodéclenchable" provient de l'arrivée massive et continue d'ions Ca++ à l'intérieur des neurones centraux ce qui a comme conséquence d'entrainer un taux anormalement élevé de Ca++. Lorsque le Ca++ migre de façon massive à l'intérieur des boutons dendritiques et du corps cellulaire des neurones nociceptifs centraux, il active une cascade d'activités biochimiques qui concourent toutes à l'accentuation des douleurs.

De nombreuses structures et de nombreux processus intracellulaires sont reconnus comme dépendants du Ca++ intracellulaire, parmi ceux-ci figurent:

  • le réticulum endoplasmique, responsable entre autre d'assurer les réserves de Ca++ intracellulaires et qui sous l'influence d'une augmentation de Ca++ en provenance de l'ouverture des NMDA inonde l'espace intracellulaire d'une plus grande quantité de Ca++ encore ce qui a pour effet de contribuer à un effet de cercle vicieux en regard de l'activation des différentes cascades biochimiques dépendants du Ca++ déjà en cours,
     
  • l'augmentation de l'activité de la Phospholipase A qui se trouve nettement accentuée, ce qui entraîne une augmentation de production et de libération d'acide arachidonique. Cet acide arachidonique migre par la suite à partir du corps cellulaire de la cellule centrale vers le bouton présynaptique où il fait ensuite son entrée. Il deviendra le substrat de la cyclo-oxygénase activée à son tour par le NO ce qui entraînera l'augmentation de production de prostaglandine (PG),
     
  • l'augmentation de l'activité du complexe mGLU-R - ProtG ce qui augmente l'activation de la Phospholipase C qui augmente alors sa production de DAG (diacylglycérol) et IP3 (inositol triphosphate). L'augmentation d'IP3 active à son tour le Réticulum endoplasmique qui inonde encore plus l'espace intracellulaire d'une plus grande quantité de Ca++ encore et l'effet de cercle vicieux ne fait que s'accentuer,
     
  • l'augmentation de l'activité de la Protein kinase C, ce qui a pour effet d'augmenter la phosphorylation des canaux AMPA, Q/K, NMDA et donc l'activité de ces mêmes récepteurs ce qui aura pour effet d'amener encore plus de Ca++ dans le corps cellulaire du neurone central et donc d'augmenter encore plus l'activité de la NO synthétase,
     
  • l'augmentation de l'activité de la Protein kinase dépendant de l'enzyme Ca++/Ca-Modulin (CaM) ce qui aura pour effet d'augementer encore plus l'activité de la NO synthétase,
     
  • l'augmentation de l'activité de l'Ornithine decarboxylase (ODC) ce qui aura pour effet d'augmenter la production de bioamines (polyamines). Tout comme pour l'acide arachidonique, ces bioamines (polyamines) seront libérées en dehors du corps cellulaire du neurone central et migreront vers l'espace synaptique où ils se fixeront sur les canaux NMDA sur un site qui leur est spécifique,
     
  • l'activité de certaines Protéases et Endonucléases présentes dans le noyau. L'hyperactivation de ces différents enzymes aura pour effet d'accélérer la dégénérescence cellulaire et de mener à la mort cellulaire (apoptose) de certains neurones centraux et de certains interneurones,
     
  • l'augmentation de l'activité des mitochondries ce qui aura pour effet de mener à une accélération de la dégénérescence mitochondriale et donc à la mort cellulaire (apoptose) de certains neurones centraux et de certains interneurones,
     
  • l'augmentation de l'activité de la NO synthétase ce qui aura pour effet d'entraîner à l'intérieur du corps cellulaire des neurones centraux une importante production d'une substance gazeuse, le monoxyde d'azote (NO), qui agira comme substance "facilitatrice" ou "amplificatrice" pour de nombreuses réactions biochimiques.

 

Il ne sera donc pas étonnant que l'ensemble de ces réactions mènent à un épuisement cellulaire et à une mort cellulaire (apoptose) à plus ou moins court terme tellement l'hyperactivation est intense et continue. On assistera alors au dérèglement complet d'une partie de l'architecture des différentes structures nociceptives et cela touchera autant les neurones nociceptifs que leurs constituants intra-cellulaires, autant les neurones modulateurs que leurs constituants intra-cellulaires. Ces différentes transformations concoureront aux changements dits de plasticité dont il sera fait mention ultérieurement. (Voir: LES LESIONS NERVEUSES: LES DIFFERENTES ANOMALIES PATHOPHYSIOLOGIQUES A MOYEN ET LONG TERME / LESIONS NERVEUSES: PROCESSUS DE REGENERATION NEURONALE ET CONCEPT DE PLASTICITE NEURONALE)

A travers ces processus, il se trouve deux enzymes "kinase" qui sont particulièrement impliquées dans l'hyperactivation des différents métabolismes. Ces kinases ont pour effet d'augmenter la production de substances dites "seconds messagers" (NO, cGMP et autres) dont l'effet, "en excès" devient toxique pour la cellule. En fait, ces deux enzymes (Ca++/Calmodulin kinase et kinase C) viennent faciliter le travail des récepteurs NON-NMDA en aidant à la conservation d'un voltage transmembranaire permettant de garder les récepteurs NMDA ouverts. De cette façon, l'instabilité électrique des membranes des neurones centraux nociceptifs s'en trouve accentuée "de façon excessive" et l'hyperirritabilité est ainsi créée.

Mais il y a pire encore. Lorsque l'usine métabolique fonctionne à plein régime et que l'effet facilitateur est acquis au niveau post-synaptique, les neurones centraux se mettent à produire de façon effrénée du monoxyde d'azote (NO) ce qui aura pour conséquences d'augmenter des nombreuses réactions biochimiques. Le NO agit à l'intérieur même du corps cellulaire où il a été produit mais il est aussi libéré à l'extérieur du corps cellulaire des neurones nociceptifs centraux où il vient agir "à rebours" sur les terminaisons pré-synaptiques et les cellules gliales. Cette substance gazeuse agit alors un peu comme un NT mais "avec effet rétrograde". Lorsque le NO se trouve en présence des différentes substances et structures sur lesquels il agit, il active une intense cascade métabolique. Les substances et structures sur lesquels le NO exerce ses effets mobilisateurs sont nombreuses et témoignent de l'ubiquité de cette substance. Ainsi, le NO provoque

  • une activation accrue de la cyclo-oxygenase intra-neuronale autant au niveau du corps cellulaire de la cellule centrale qu'au niveau du bouton pré-synaptique ce qui a pour effet d'entraîner une augmentation de la production de PG intra-neuronale,
     
  • une modification de certains gènes dans le noyau de même que l'expression de ceux-ci,
     
  • une activation très marquée de l'activité de la Guanine cyclase-S,
     
  • une augmentation aussi très marquée de l'activité des Ez et des structures dépendant du c-GMP à la fois dans le corps cellulaire, le bouton pré-synaptique et à la fois dans la cellule gliale.

En fait, un des effets très importants du NO dans les trois structures soient le corps cellulaire des neurones centraux, les boutons pré-synaptiques et les cellules gliales s'exerce par une augmentation marquée de l'activité de la Guanylyl cyclase-S menant à un accroissement proportionnel de formation de c-GMP. La cascade biochimique se poursuivant, ce seront les Ez et les structures dépendant du c-GMP qui seront ensuite activés dans les trois structures soient le corps cellulaire des neurones centraux, les boutons pré-synaptiques et les cellules gliales. Dans le bouton pré-synaptique, cette activation mènera à l'augmentation de la production et de la libération de GLU, sP et d'au moins un autre NT nociceptif soit le CGRP et donc à une plus grande accentuation de la neurotransmission nociceptive donc à plus de douleur.

Les conséquences à l'intérieur du bouton pré-synaptique sont d'accentuer, de prolonger et pire encore de maintenir la libération accrue de glutamate. Or, l'hyperlibération de glutamate est responsable de l'hyperactivation des membranes post-synaptiques. En langage imagé, un processus infernal vient de prendre place. Le cercle vicieux est ainsi "bouclé" parce que l'hyperactivité du neurone central concourt à l'hyperactivité du bouton pré-synaptique qui est aussi "fouetté" dans ses fonctions par les cellules gliales présentes dans l'environnement immédiat des boutons pré-synaptiques et qui sont elles aussi soumises à une hyperactivation par le NO; le tout accentue encore plus l'hyperactivité du neurone central qui accentue encore plus l'hyperactivité du bouton pré-synaptique qui ... et la spirale inflationniste s'enfonce de plus en plus.

L'activation des récepteurs NMDA se fait surtout par les stimulations nociceptives en provenance des fibres C mais les récepteurs NMDA peuvent aussi répondre aux stimulations en provenance des autres fibres en autant bien sûr que celles-ci libèrent du glutamate comme NT. En fait, une large proportion des fibres sensitives périphériques A bêta et A delta possèdent la capacité d'émettre du "glutamate" et de "l'aspartate" comme NT en situation d'"hyperactivité". En situation d'hyperstimulation nociceptive les stimulations non-nociceptives, génératrices de glutamate, peuvent alors concourir au processus de neurotransmission nociceptive puisque leurs contributions deviennent alors suffisantes pour déclencher des douleurs.

Un grand nombre de neurones intermédiaires (interneurones et cellules pédonculées (Stalk Cells) au niveau de la corne postérieure peuvent aussi libérer du glutamate parmi leurs NTs. Leur contribution ne peut être commentée plus en détail actuellement.

73 - Le "maintien" d'une hyperactivation des dendrites centraux: le phénomène de "wind-up" et l'hyperalgésie "centrale"

L'activation progressive des neurones centraux à la suite de stimulations intenses et soutenues par les fibres C porte le nom de phénomène de "wind-up". Seules les fibres C peuvent provoquer le wind-up. Ce phénomène de "wind-up" des neurones nociceptifs centraux devenus de plus en plus "facilement irritables" est en fait un phénomène d'amplification de la réponse par rapport au stimuli. Ce phénomène peut prendre des proportions telles qu'une activité "spontanée" peut devenir observable dans ces neurones. On pourrait alors avancer que les NMDA, "d'amplificateur" des messages nociceptifs périphériques qu'ils étaient sont devenus des "pacemaker" des neurones nociceptifs centraux. (Voir LES LESIONS NERVEUSES: LES DIFFERENTES ANOMALIES PATHOPHYSIOLOGIQUES). En laboratoire, le phénomène de "wind-up" commence déjà à se produire à la suite de stimulations douloureuses répétées dans un même site avec une fréquence dépassant 2-3 stimuli par secondes pendant quelques heures. La définition "laboratoire" du wind-up Le wind-up se définit en laboratoire comme une augmentation progressive dans le nombre de décharges évoquées par un seul et unique stimulus en réponse à des stimulations répétées des fibres C.

En clinique, lorsque l'hypersensibilité post-synaptique aura pris toute sa dimension au point où les neurones centraux seront devenus comme des équivalents de "pacemakers nociceptifs", les douleurs seront souvent qualifiées de réfractaires et seront telles que les personnes qui les éprouveront exprimeront leur désarroi et leur souffrance par ce court énoncé trop souvent entendu.

"Ne me touchez pas, cela me fait trop mal, tout me fait mal!".

De douleurs intenses, les douleurs seront alors devenues des douleurs intenses "perpétuelles". Malheureux phénomène que ce "wind-up". Etrange adaptation que celle de provoquer une douleur hyperintense et hyperintolérable lorsque la douleur de base possède déjà tous ces caractères!

Cette étrange adaptation, c'est l'hyperalgésie "centrale" qui est ainsi créée.

On peut alors comprendre en partie pourquoi et comment l'intensité des douleurs ressenties ne semble pas toujours en concordance avec les mécanismes que l'on croit responsables de l'intensité du ou des stimuli douloureux. Les personnes "qui ont mal" depuis longtemps deviennent ainsi de moins en moins crédibles. Il faudrait peut-être encore rappeler ici que "La douleur est toujours subjective; elle est ce que le malade affirme et non ce que les autres croient qu'elle devrait être." (Voir LE PRINCIPE DES PRINCIPES).

Les explications actuelles ont porté sur les récepteurs NMDA au niveau de la corne postérieure, il convient de souligner que des récepteurs NMDA existent aux étages supérieures du cerveau. Il en existe par exemple dans certains noyaux du thalamus.

74 - Hyperexcitation et hyperexcitabilité des récepteurs NMDA: les changements anatomiques qui en résultent au niveau de la corne postérieure

L'hyperexcitation biochimique (glutamate) et électrique (voltage-dépendant) des récepteurs NMDA et l'hyperexcitabilité qui en découle vont entraîner des changements anatomiques au niveau des neurones où ces événements se produisent. Ces changements anatomiques découlent en bonne partie de l'intense activité biochimique qui se déroule à l'intérieur des neurones centraux.

Dans un premier temps, des changements sont observables au niveau des récepteurs opiacés. Ces changements se caractérisent par

  • une altération de la configuration tridimensionnelle des récepteurs opiacés,
  • une internalisation des récepteurs opiacés dans la membrane neuronale,
  • un découplage entre la protéine G et le récepteur opiacé membranaire.

Pas étonnant alors que les opiacés offrent moins de soulagement, leurs récepteurs sont devenus moins fonctionnels. Ils sont soumis au mutisme!!! L'activation des NMDA entraîne donc une réduction de la réponse des récepteurs opiacés.

Dans un deuxième temps, ces changements se caractérisent par

  • de l'oedème au niveau du corps cellulaire du neurone central,
  • des dépôts brunâtres dans les régions témoins de l'hyperactivité
    et
  • une réduction du volume de ces mêmes neurones subissant l'hyperactivité.

Ces changements du deuxième temps sont les reflets des dommages à long terme pour les neurones concernés, dommages qui vont souvent aboutir à une "mort neuronale".

Dans les deux cas, on réfère à ces changements en terme "d'excitotoxicité".

Ces changements s'observent à deux niveaux,

  • dans la portion spinale i.e. intra-médullaire des neurones périphériques
    et
  • chez les interneurones.

La présence de ces changements est lourde de conséquence, elle marque alors la réduction de la capacité d'inhiber le transfert des influx nociceptifs dans la corne postérieure. C'est à partir d'ici que "l'éveil" de ces récepteurs est porteur de conséquences majeures pour "les personnes qui ont mal".

Il semble qu'un point tournant ait été atteint à partir du moment où l'hyperexcitabilité a été initiée et maintenue pendant suffisamment longtemps. En effet, comme il a été proposé prédécemment, tout concourt à ce que cette hyperexcitabilité puisse se maintenir "en permanence" et "de façon autonome" par le simple apport de quelques influx nociceptifs "réguliers" sur une base relativement continue. Un autre drame découle de ce point tournant car à partir de ce moment, les approches pharmacologiques régulièrement utilisées pour le soulagement de la douleur ne peuvent apporter que très peu de résultats et cela est autant vrai pour ce qui est des co-analgésiques que des analgésiques opiacés

D'autres substances sont nécessaires et elles existent: les antagonistes NMDA.

75 - Les antagonistes NMDA comme thérapeutique possible

Plusieurs raisons militent actuellement, sur une base théorique, en faveur d'antagoniser les récepteurs NMDA pour le soulagement des douleurs neurogènes (et des douleurs chroniques):

  • le fait d'antagoniser les NMDA permet d'abolir le phénomène de "wind-up" alors que les opiacés à eux seuls ne réussissent qu'à le ralentir,
     
  • le fait d'antagoniser les récepteurs NMDA permet de rétablir une partie de l'effet analgésique des opiacés car en "ramenant au silence" une partie des récepteurs NMDA, les récepteurs opiacés peuvent recommencer à répondre à la médication administrée. Bloquer les NMDA élimine donc une partie des effets "anti-analgésiques" résultant de leur stimulation,
     
  • la combinaison d'antagonistes de NMDA et d'opiacés entraîne un effet analgésique synergique et permet d'administrer les deux substances à plus faible dose puisque des effets bénéfiques sont produits à la fois par la stimulation des récepteurs opioïdes (pré et post-synaptiques) et à la fois par le blocage des récepteurs NMDA au niveau des membranes post-synaptiques. (Voir: HYPEREXCITATION ET HYPEREXCITABILITE DES RECEPTEURS NMDA: LES CHANGEMENTS ANATOMIQUES QUI EN RESULTENT AU NIVEAU DE LA CORNE POSTERIEURE)

Pour le moment, trois substances commercialement disponibles sont reconnues pour contribuer à réduire les douleurs découlant de la chaîne d'événements produite par l'activation des NMDA (hyperactivation, hyperexcitabilité, hyperalgésie centrale):

  • la kétamine
  • le dextrométorphan
    et
  • la méthadone
La kétamine semble apporter d'assez bons résultats analgésiques et des résultats encore meilleurs lorsque combinée aux opiacés.
Il a été démontré que la kétamine, par voie épidurale, est efficace pour réduire les douleurs neurogènes. Logique en fait, puisque dans les douleurs neurogènes, les dendrites nociceptifs centraux au niveau de la corne postérieure continuent d'être bombardés sans cesse par des influx originant des régions lésées, ce qui entraîne l'activation et le maintien de l'activation des récepteurs NMDA.
La kétamine, bien qu'utilisées dans certains milieux, n'est pas encore passée à l'usage courant. Les nombreux effets secondaires, particulièrement les symptômes psychiques tels de la confusion, des cauchemars "éveillés", de l'agitation psychomotrice, des hallucinations désagréables, des distorsions de la réalité génératrices de réactions de panique en limitent particulièrement l'usage.
Quant au dextrométorphan, son usage apporte plus de déception que de bénéfice.
La méthadone est en voie de devenir la substance désirée pour le traitement des douleurs où l'activation NMDA est suspectée être en cause. Pour le moment, la méthadone est le seul médicament connu jouant le double rôle recherché soit d'être en même temps un opiacé et un bloqueur NMDA.
 
 
En laboratoire, la phencyclidine et le MK-101 sont aussi des bloqueurs des NMDA. Par ailleurs, toujours en laboratoire, l'administration d'AINS par voie épidurale ou intra-thécale empêche l'hyperalgésie "centrale" découlant du phénomène de wind-up de se produire, cet effet est dû à l'inhibition des cyclo-oxygénases intra-neuronales et non pas à l'inhibition des NMDA.Les AINS n'ont malheureusement pas cet effet lorsqu'administrés par voie systémique ou encore, si l'effet se produit, il est insuffisant pour entrainer une réduction de ces mécanismes et donc des douleurs qui en découlent.

76 - Hyperexcitation et hyperexcitabilité des récepteurs NMDA: les provenances possibles dans un contexte de soins palliatifs oncologiques

Mais d'où peut provenir cette accentuation continue d'influx nociceptifs ?

Dans un contexte de soins palliatifs oncologiques, elle peut provenir des sources multiples. Un surplus d'influx nociceptifs peut ainsi trouver origine à partir:

  • de certaines régions dans le tissu nerveux (nerf, plexus, racine) qui subissent ou ont subi des agressions découlant d'un processus tumoral ou d'un traitement relié au cancer et qui présentent alors une nette augmentation de l'instabilité électrique dans ces régions,
     
  • de certaines régions des réseaux cutanés, musculo-squelettiques ou viscéraux qui subissent des dommages tissulaires découlant d'un processus tumoral ou d'un traitement relié au cancer et qui deviennent alors le lieu d'une hyperstimulation des nocicepteurs,
     
  • d'une zone d'ischémie tissulaire provoquée directement par un processus tumoral faisant obstacle à la vascularisation ou indirectement par un état d'hypercoagulabilité (thrombophlébite et embolies artérielles).

Toutes ces situations peuvent concourir à activer les NMDA. Et comme si cette activation n'était pas suffisante en soi, une telle hyperstimulion nociceptive entraîne souvent une participation du système nerveux autonome sympathique qui entrant en jeu à son tour provoque une hypersensibilisation des nocicepteurs de la région où de la douleur est ressentie ce qui ouvre la porte à un cercle vicieux indésirable puisque le tout vient rehausser considérablement l'intensité des douleurs. (Voir: LE SYSTEME "SYMPATHIQUE" ... QU'IL NE FALLAIT PAS OUBLIER!).

77 - Éparpillement multi-étage, multi-convergence, douleur irradiée et douleur référée

Que le contexte clinique soit celui d'une douleur "sans" activation des récepteurs NMDA ou que le contexte clinique soit celui d'une douleur "avec" activation des récepteurs NMDA, les notions qui suivent et cela jusqu'à la fin du présent chapître s'appliquent toujours

Il a été fait mention, plus avant, de l'éparpillement multi-étagé des fibres nociceptives au niveau de la corne postérieure, éparpillement particulièrement marqué pour les fibres nociceptives d'origine viscérale, et de la multi-convergence. Il a été suggéré que l'éparpillement multi-étagé et la multi-convergence permettaient de mieux comprendre la douleur "référée".

Cependant en clinique, deux situations se rencontrent fréquemment: la douleur "référée" et la douleur "irradiée". Douleur "référée" et douleur "irradiée" sont deux réalités différentes.

La douleur "irradiée" décrit la zone d'un dermatome où est ressentie une douleur quand un nerf est soumis à un stimulus nociceptif quelconque, souvent une compression. Ainsi, la douleur ressentie au "gros orteil" en raison d'une hernie discale L5 en est un exemple. Il est bien entendu qu'à partir du moment où le multi-étagement de l'éparpillement augmente comme cela est susceptible de se rencontrer en situation d'ouverture des NMDA et de contribution du système nerveux autonome sympathique, la zone où est ressenti la douleur irradiée s'élargit tout autant.

La douleur "référée" pour sa part est celle qui est ressentie dans la zone d'un

  • dermatome
    ou
  • myotome
    ou
  • sclérotome
    ou
  • viscérotome

alors qu'il n'existe pas de stimulations nociceptives dans le dermatome ou myotome ou sclérotome ou viscérotome où la douleur est ressentie.

La nomenclature dermatome ou myotome ou sclérotome ou viscérotome provient de l'époque embryologique et se rattache au développement de l'embryon autour du 26e jour. L'origine embryologique des afférences et les liens de ces afférences avec leur segment médullaire aussi appelé métamère remonte à cette époque.

Chaque étage ou segment médullaire (pex.: C5, D11, L4) reçoit des afférences des 4 entités trouvant origine au niveau embryologique: la peau, les muscles, les structures osseuses / cartilagineuses et les viscères. Le segment médullaire innervant telle région ou structure s'appelle un métamère.

Les structures cutanées possèdent des métamères ou segments médullaires habituellement assez bien définis, ainsi il est assez facile d'attribuer un segment médullaire pour les surfaces cutanées et ce segment cutanée est généralement assez clairement délimité sans chevauchement avec une autre surface cutanée. Cette surface cutanée rattachée à un segment médullaire particulier correspond aux dermatomes auxquels on fait référence si souvent.

En regard de la surface cutanée, il est même possible d'explorer la notion de dermatome plus en détail. Ainsi chaque neurone nociceptif est connecté à une portion anatomique spécifique de la surface cutanée, cette portion s'appelle "le champ récepteur". Chaque champ récepteur constitue une toute petite portion d'un dermatome, un dermatome étant la surface cutanée dont l'innervation est associée de façon préférentielle à une racine particulière (ou nerf spinal). Chaque champ récepteur recouvre une partie d'un autre champ récepteur lui aussi nociceptif. Il existe ainsi une importante superposition de champs récepteurs pour toute surface donnée. Par ailleurs, à l'exemple des champs récepteurs nociceptifs, chaque type de perception sensorielle posséde ses propres champs récepteurs ce qui amène finalement un important chevauchement de différents champs récepteurs appartenant chacun à des afférences sensorielles différentes.

Par ailleurs, les structures autres que les surfaces cutanées possèdent elles-aussi des métamères ou segments médullaires mais qui sont habituellement un peu moins bien définis voire beaucoup moins bien définis. Les mieux définis après les dermatomes sont les myotomes et il demeure encore est assez facile de reconnaître un segment médullaire pour les différents groupes musculaires mais déjà l'étalement est plus grand et un peu moins précis que pour les dermatomes. A titre d'exemple, un problème à l'étage L5-S1 peut entraÎner une ténomyalgie au niveau des muscles fessiers, ischio-jambiers et des muscles du mollet (triceps sural: gastrocnemius et soleus). Cet exemple illustre le fait qu'un site rachidien puisse donner différentes zones de douleurs référées à la fois dans un dermatome et à la fois dans un myotome qui ne se chevauchent pas l'une et l'autre et qui pourtant originent du même métamère à l'étape embryologique.

Ensuite viennent les associations métamères - structures osseuses / cartilagineuses, ce qui correspond aux sclérotomes. Ici, les distances commencent à prendre plus d'importance et les associations entre les structures osseuses / cartilagineuses et les métamères dont ces structures originent sont parfois déroutantes de prime abord. L'exemple classique à cet égard concerne l'atteinte des articulations interapophysaires de la charnière dorso-lombaire soit D11-D12-L1 et la région fessière et/ou sacro-iliaque et/ou crête iliaque postérieure où la douleur peut être ressentie, parfois en surface, parfois en profondeur. Un autre exemple classique concerne le diaphragme et l'épaule dont l'innervation au stage embryologique origine pour chacune de ces structures des segments C3-C5. Dans le cas du diaphragme, les afférences pour mieux suivre le diaphragme ont empruntées le nerf phrénique pour faire leur migration vers le bas de sortes qu'elles se sont éloignées considérablement de leurs segments d'origine. Ainsi, une atteinte du diaphragme peut donner des douleurs référées dans le sclérotome C3-C5.

Enfin, les viscérotomes sont les plus éparpillés et ceux offrant les limites les moins précises en raison du fait que les viscères envoient leurs afférences non seulement vers plusieurs segments ou racines à la fois (étalement sur au moins quatre à six racines) mais vers des segments médullaires qui sont souvent très loin de leur localisation, ceci parce que durant l'embryogénèse, la migration de certaines structures s'est faite sur de longues distances. Ainsi, des structures aussi diverses que le tiers distal de l'oesophage, l'estomac, le grêle, le caecum, l'appendice, le colon ascendant et transverse, le foie, la vésicule biliaire, les canaux biliaires, le pancréas et les surrénales peuvent envoyer des afférences nociceptives qui transitent, sans faire de synapses (car il s'agit des fibres périphériques!) par le plexus coeliaque et ensuite le grand nerf splanchnique avant d'atteindre les métamères D6-D9 et possiblement jusqu'à D5-D10. Un exemple classique de douleur référée impliquant deux viscérotomes concerne l'appendice et l'ombilic. Il arrive souvent qu'une douleur d'appendicite soit d'abord ressentie dans la région de l'ombilic, cela parce que le segment métamérique recevant les afférences de ces deux structures est le même, soit D10. Ce n'est qu'au momemt où les nocicepteurs du péritoine pariétal qui appartiennent pour leur part au réseau somatique que la douleur commence à être véritablement perçue comme provenant de l'appendice.

En regard des douleurs référées, il peut arriver que la douleur soit ressentie en deux régions, celle où la stimulation nociceptive s'exerce véritablement et dans le dermatome ou myotome ou sclérotome ou viscérotome concerné comme il peut arriver que la douleur ne soit ressentie que dans le dermatome ou myotome ou sclérotome ou viscérotome concerné alors que la stimulation nociceptive se déroule ailleurs.

L'erreur d'interprétation par le cerveau se fait sur le site où les mécanismes nociceptifs se produisent car le cerveau avise alors qu'il se produit une stimulation nociceptive mais dans une "fausse région", la zone "référée". Le cerveau confond alors site douloureux et siège des mécanismes nociceptifs qui dans la cas des douleurs référées sont deux sites différents. Ainsi, la douleur ressentie dans le bras gauche lors d'une crise d'angine ou lors d'un infarctus en est un exemple puisqu'à ce moment, ni les nocicepteurs du bras gauche, ni les nerfs périphériques ni les racines contenant les afférences du bras gauche ne sont soumis à une stimulation nociceptive.

Deux hypothèses ont cours actuellement pour tenter d'expliquer les douleurs référées:

  • une convergence entre les afférences nociceptives vraies et les nociceptives nociceptives "non stimulées" sur les mêmes neurones centraux qui fait en sorte que la région où la douleur "référée" est ressentie correspond alors à la zone médullaire où se font les plus importantes "arrivées simultanées" entre
    • les fibres afférentes nociceptives provenant de la structure viscérale, ostéoarticulaire ou nerveuse lésée i.e. là où la stimulation douloureuse se produit
    • les afférences nociceptives de la région "donnée" i.e. de la zone où la douleur est ressentie

L'influx nociceptif provenant de la structure lésée est intégré au niveau du cerveau comme provenant du territoire non lésé: il y a erreur sur la localisation de la lésion. Le cerveau n'est pas capable de faire la différence entre les deux sites en raison de la convergence des informations au niveau de la moelle.

  • une double direction de l'influx nociceptif arrivant au neurone central soumis à la multi-convergence de sorte qu'une portion des influx subirait un revers de direction et pourrait être véhiculée de façon antidromique dans les afférences nociceptives non stimulée. Un tel influx antidromique pourrait favoriser la libération antidromique de substance P qui entraînerait à son tour la libération d'autres substances algogènes au niveau de la zone référées i.e. au niveau de la zone non stimulée.

Dans un cas comme dans l'autre, le cerveau à tendance à préférablement projeter la douleur référée sur une structure somatique. Mais l'inverse peut très bien se rencontrer à savoir une origine somatique alors que la douleur est ressentie au niveau viscéral.

Comprise de cette façon, la douleur référée peut alors s'étendre sur des zones plus ou moins larges. En référence aux éparpillements "céphalad" et "caudad" que peuvent prendre les fibres nociceptives du faisceau de Lissauer à leur entrée dans la moelle, il est possible d'en déduire certains éléments "cliniques". A cet effet, moins les afférences nociceptives en provenance d'un dermatome, d'un myotome ou d'un sclérotome sont éparpillées, plus la zone de douleur référée sera réduite et précise. Le contraire est aussi vrai. Il faut dire par ailleurs que cet éparpillement connaît des différences anatomiques individuelles d'une personne à l'autre.

Par ailleurs, il faut rappeler que "l'arrivée simultanée" des afférences de la région lésée et celles de la région référée ne concerne pas uniquement que deux fibres telle qu'on pourrait l'imaginer dans une vision simplifiée de la convergence. En fait cette "arrivée simultanée" touche

  • l'arrivée d'une fibre nociceptive périphérique sur plusieurs dendrites appartenant à plusieurs neurones nociceptifs ascendants, cette fibre transportant déjà plusieurs champs récepteur,
     
  • l'arrivée de plusieurs fibres nociceptives périphériques sur plusieurs dendrites appartenant à plusieurs neurones nociceptifs ascendants, chaque fibre transportant donc une multitude de champs récepteur d'où l'élargissement de la zone où est ressentie la douleur référée, enfin en présence d'une activation des NMDA et d'une participation du système sympathique, cette arrivée simultanée touche aussi
     
  • l'arrivée de plusieurs fibres périphériques non-nociceptives sur un même neurone nociceptif central ascendant et transportant encore chacune leurs propres champs récepteurs mais venant ajouter dans les circonstances un net rehaussement du transfert nociceptif. (Voir LE SYSTEME DE TRANSPORT DES INFLUX NOCICEPTIFS: LA PORTION CENTRALE)

Il est bien entendu que les événements décrits ci-haut s'appliquent tout autant au niveau du tronc cérébral où le noyau spinal du trijumeau se trouve l'équivalent de la corne postérieure pour recevoir les afférences nociceptives de la face (Voir: LE SYSTEME DE TRANSPORT DES INFLUX NOCICEPTIFS: LA PORTION CENTRALE).

En somme, face à ces phénomènes de multi-étagement et de multi-convergence, une conclusion s'impose de toute évidence:

  • à chaque fois qu'un neurone nociceptif est suffisamment lésé, il risque de se produire un élargissement des champs récepteurs. Plus cet élargissement s'étend, plus les zones où la douleur référée se manifeste se trouvent "déformées" par rapport à l'anatomie courante des dermatomes.
 
Ces transformations sont susceptibles d'ajouter encore d'autres difficultés à la personne qui a mal car en raison de l'élargissement des champs récepteurs et du dépassement des champs récepteurs habituels, l'anatomie normale de la douleur risque de ne plus se retrouver entraînant souvent un doute dans l'esprit des soignants.
 
Enfin, il faut aussi souligner que "l'arrivée simultanée" des afférences nociceptives de la région lésée ne concerne pas uniquement que les neurones centraux nociceptifs. En fait cette "arrivée simultanée" concerne aussi les neurones moteurs et donc
 
  • l'arrivée de fibres nociceptives périphériques sur plusieurs dendrites appartenant à plusieurs neurones moteurs, ce qui amène de fait un certain tonus contractil chez plusieurs fibres musculaires en même temps.
 
Pour la musculature du tronc et des membres, les neurones moteurs impliqués dans ces interconnexions sont localisés dans la corne antérieure de la moelle, pour la musculature du cou et de la tête ils sont situés dans les noyaux moteurs des nerfs crâniens. Il est donc possible d'observer des contractions musculaires réflexes suite à des stimulations nociceptives soutenues.

78 - Un exemple clinique de la multi-convergence

De nombreuses situations cliniques pourraient venir illustrer ces changements. L'envahissement du plexus brachial par une néoplasie au sommet pulmonaire ou par des adénopathies axillaires d'une néoplasie du sein servira d'exemple. Ces deux situations cliniques peuvent entraîner des douleurs intenses, de divers types et en divers endroits du membre supérieur.

La mise en situation suivante en offre différents aspects:

  • en certains endroits du membre supérieur atteint, des douleurs peuvent être présentes de façon constante sans provocation quelconque
    • les zones douloureuses de ces douleurs peuvent respecter certains dermatomes, mais rapidement dans l'évolution, les douleurs "déborderont" des limites anatomiques habituelles
       
  • en d'autres endroits, le moindre stimulus externe provoque la survenue de douleurs intenses parfois descriptibles, mais bien souvent indescriptibles
    • les douleurs ainsi déclenchées peuvent demeurer limitées aux régions "géographiquement logiques" où le stimulus a été appliqué mais bien souvent c'est tout l'ensemble du membre supérieur qui subit des secousses douloureuses violentes, encore ici, les douleurs "débordent" des limites anatomiques habituelles.
       

Aucune des situations cliniques ainsi décrites n'est une vue de l'esprit. "L'architecture ordonnée" des ces différentes présentations, en apparence "illogiques", se trouve pourtant bien présente au niveau de la corne postérieure où existe l'équivalent de l'homonculus cortical avec toutes les représentations anatomiques disposées dans une logique parfaite. (Voir: LE TERMINUS PERIPHERIQUE ET LE PREMIER RELAIS CENTRAL: LA CORNE POSTERIEURE ET SA CONSTITUTION EN COUCHES)

Comment comprendre que de telles présentations cliniques puisse se produire?

En fait, la multi-convergence avec ses arrivées simultanées d'influx nociceptifs provenant autant de fibres nociceptives que non-nociceptives offre la base architecturale pour une partie de la compréhension applicable à de telles situations cliniques. L'hyperexcitabilité dispersée sur plusieurs étages, au niveau de la corne postérieure, devient tellement importante que le moindre stimulus provoque alors une dépolarisation massive d'un grand nombre de dendrites centraux nociceptifs, tellement importante même que des douleurs paroxystiques originant des neurones centraux peuvent apparaître au grand déplaisir de la personne qui les ressent. La multi-convergence amène un bombardement massif des neurones centraux, il ne faut pas l'oublier.

Mais il peut finalement arriver que le moindre type de stimulus provoque, de façon stéréotypée, des douleurs souvent indescriptibles dans une toute autre région du membre supérieur que la région stimulée. C'est alors le phénomène d'allodynie qui n'est absolument pas l'équivalent d'une douleur référée.

Et à ce moment, il demeure difficile, avec la seule notion de multi-convergence, de comprendre qu'un stimulus appliqué dans une région donnée du membre supérieur puisse déclencher des douleurs dans d'autres régions du même membre, aussi bien adjacentes qu'éloignées. Cette notion semble insuffisante pour expliquer une telle situation. Les conséquences ou les répercussions de la multi-convergence dans un contexte d'hyperactivité nociceptive y sont pour beaucoup dans la génèse de telles situations cliniques. Mais il y a plus. Une autre partie des explications peut provenir des échanges "éphaptiques".

D'autres conséquences tels des connexions "erronées" entre divers types de fibres sensorielles dans les régions où se déroulent les agressions neuronales fournissent une autre part d'explications. A cet effet, il faut rappeler que les neurones dans un nerf sont organisés en faisceaux. En présence d'agression tumorale (ou autre agression suffisamment sévère), certains neurones "échangent" des influx avec d'autres types de neurones. Il devient alors possible que l'influx produit par un simple effleurement dans une région donnée soit "échangé" avec une fibre nociceptive dans la région où se produit l'agression nerveuse. Cet échange "non-synaptique" entre deux axones s'appelle une communication éphaptique. On peut facilement imaginer que plus l'agression est importante dans une région donnée, plus les phénomènes "éphaptiques" puissent être nombreux et plus l'allodynie devienne incommodante.

79 - La multi-convergence anarchique et les échanges éphaptiques

La multi-convergence ne peut expliquer à elle-seule les phénomènes d'allodynie. Les échanges éphaptiques pourraient en expliquer une partie.

Les régions soumises à des agressions neuronales tumorales ou tout autre type suffisamment sévère peuvent présenter des situations s'apparentant à des "court-circuits" entre des fibres axonales voisines. De telles connexions "erronées" entre divers types de fibres sensorielles dans les régions où se déroulent les agressions neuronales peuvent alors fournir une autre part d'explications.

A cet effet, il faut rappeler que les neurones dans un nerf sont organisés en faisceaux. En présence d'agression tumorale (ou autre agression suffisamment sévère), certains neurones "échangent" des influx avec d'autres types de neurones. Il devient alors possible que l'influx produit par un simple effleurement dans une région donnée soit "échangé" avec une fibre nociceptive dans la région où se produit l'agression nerveuse. Cet échange "non-synaptique" entre deux axones s'appelle une communication éphaptique. On peut facilement imaginer que plus l'agression est importante dans une région donnée, plus les phénomènes "éphaptiques" puissent être nombreux et plus l'allodynie devienne incommodante.

80 - La multi-convergence et ses répercussions: la douleur référée dans un dermatome

La multi-convergence peut se répercuter de différentes manières en clinique. Ainsi, la douleur

  • peut être référée dans une portion ou dans la totalité d'un dermatome
  • peut déclencher une réponse motrice réflexe "efférente"
  • peut en même temps déclencher une réponse sympathique "réflexe".

Lorsque la douleur est référée dans un dermatome, elle peut être ressentie

  • dans la totalité d'un dermatome. C'est la situation où tout se présente "comme cela devrait être", i.e. que l'anatomie "normale" est respectée.

Cependant, cette douleur peut aussi être ressentie

  • uniquement dans une portion d'un dermatome,

et plus confondant encore,

  • sur une surface recoupant plus d'un dermatome.

Chacune de ces deux situations confondantes viennent ajouter une difficulté dans l'évaluation de la douleur parce que la présentation usuelle des douleurs "irradiées" nous a habitué, le plus souvent, à retrouver l'entièreté d'un dermatome impliqué. Or dans le cas des douleurs "référées", ce n'est souvent pas la situation.

81 - La multi-convergence et ses répercussions: le déclenchement d'une réponse motrice réflexe "efferente"

La douleur peut déclencher une réponse motrice réflexe "efférente" dans un ou plusieurs muscles squelettiques en raison de l'arrivée de fibres nociceptives périphériques sur plusieurs dendrites appartenant à plusieurs neurones moteurs. Cette réponse motrice réflexe "efférente" se manifeste par une augmentation du tonus musculaire pouvant aller jusqu'à des contractions spastiques qui peuvent à leur tour devenir douloureuses.

La douleur "aiguë" peut déclencher une réponse motrice réflexe de deux ordres:

  • une réponse reflexe tellement vive qu'elle se manifeste par un geste de retrait,
  • une contraction musculaire soutenue comme on observe souvent dans les présentations de cervicalgie ou de lombalgie alors que les douleurs aigues s'accompagnent d'une contraction de certains groupes musculaires paravertébraux.

La douleur "chronique" entraîne pour sa part des réponses motrices réflexes d'un autre ordre dont les conséquences deviennent parfois "harassantes". C'est le cas, par exemple, des douleurs cervicales musculo-squelettiques qui apparaissent suite aux laryngectomies.

Quand la structure musculaire où se produisent des réponses motrices réflexes est accolé à des structures scléreuses

  • plèvre pariétale,
  • péritoine pariétal,
  • gaine synoviale,

il peut arriver que l'hypertonicité musculaire soutenue puisse aller jusqu'à entraîner une certaine irritation de la scléreuse avoisinante et produire ainsi l'équivalent d'une activation inflammatoire par effet loco-régional. Les zones où sont alors ressenties les douleurs deviennent plus étendues et souvent encore plus vagues. L'évaluation s'en trouve de nouveau plus complexe.

82 - La multi-convergence et ses répercussions:le déclenchement d'une réponse sympathique réflexe hyperactive

La douleur peut déclencher une réponse sympathique "réflexe" hyperactive puisque les terminaisons médullaires de fibres nociceptives périphériques peuvent aussi faire synapse, au niveau de la corne postérieure, avec des fibres sympathiques préganglionnaires, soit directement soit indirectement par le biais d'interneurones.

Ce transfert synaptique entre des "afférences nociceptives" et des "efférences sympathiques" produit une accentuation de l'activité du système sympathique qui peut même conduire à une hyperactivité adrénergique en périphérie puisqu'alors les influx sympathiques sont augmentés.

Or, il existe des nocicepteurs non seulement au niveau du derme mais il en existe aussi au niveau de la paroi des vaisseaux et ces nocicepteurs sont munis de récepteurs adrénergiques de type alpha-1. Ces récepteurs adrénergiques de type alpha-1 sont du même type que ceux faisant partie de la paroi des vaisseaux sanguins pour le contrôle de la tonicité des muscles lisses (vasoconstriction / vasodilatation). L'hyperactivité sympathique est donc susceptible de produire plusieurs effets néfastes en périphérie puisqu'elle stimulera à la fois les nocicepteurs cutanés et capillaires et à la fois la vasoconstriction des vaisseaux concernés.

Il est donc possible de retrouver des douleurs compliquées d'une participation du système nerveux autonome sympathique ou "sympathetically maintained pain". C'est ce qui s'observe dans le cas de la dystrophie réflexe sympathique.

L'hyperactivité adrénergique avec ses effets sur les récepteurs "alpha-1" est susceptible d'entraîner de lourdes conséquences à plusieurs niveaux:

  • AU NIVEAU DU DERME, l'hyperactivité sympathique peut se répercuter
    • sur les nocicepteurs cutanés qui peuvent alors subir une sensibilisation en raison de la présence accrue de norépinéphrine. Cette sensibilisation a pour effet d'abaisser le seuil d'activation et donc d'accentuer la sensibilité des nocicepteurs aux stimulations douloureuses et aux substances chimiques algogènes présentes. (Voir plus haut "LE SYSTEME "SYMPATHIQUE" QU'IL NE FALLAIT PAS OUBLIER ..."),
       
    • sur les nocicepteurs des vaisseaux sanguins qui sont reconnus pour réagir particulièrement à la présence accrue de norépinéphrine, de bradykinine et de 5-hydroxy-tryptamine (sérotonine). Cette importante sensibilisation a pour effet d'accentuer la sensibilité des nocicepteurs aux stimulations douloureuses et aux substances chimiques algogènes présentes. (Voir plus haut "LE SYSTEME "SYMPATHIQUE" QU'IL NE FALLAIT PAS OUBLIER ..."),
       
    • sur la paroi des vaisseaux qui connaissent alors une vasoconstriction entraînant de l'hypoxie responsable à son tour de production de prostaglandines, histamine, bradykinine, sérotonine en plus des substances découlant directement du métabolisme anaérobique tel l'acide lactique. Ces substances exercent finalement un effet sensibilisateur sur les nocicepteurs sensibles aux stimuli "chimiques" et la cascade sensibilisation - activation entre en jeu

Il n'est donc pas surprenant d'assister alors aux phénomènes

    • d'hyperalgésie, définie comme "une réponse augmentée à un stimulus douloureux" car la sensibilisation des nocicepteurs sur une zone élargie fait en sorte qu'une douleur extrêmement sévère peut résulter d'une stimulation nociceptive de faible intensité,
       
    • aux phénomènes d'allodynie définie comme "une douleur résultant d'un stimulus qui ne provoque habituellement pas de douleur" car la présence de nombreuses substances algogènes amène non seulement les nocicepteurs mais aussi les autres types de récepteurs à réagir et même à hyperréagir à tout type de stimulus autre que douloureux. Or les neurones centraux particulièrement de la couche V, les WDR, ont comme particularité de recevoir toutes les sortes d'afférences possibles (ils sont multiconvergents). C'est donc dire combien ils sont activés dans ces circonstances par des stimulations aussi simples que le fait de toucher superficiellement une région cutanée et cette stimulation provoque alors de la douleur.
  • AU NIVEAU VISCERAL, l'hyperactivité sympathique peut se répercuter
    • sur les sphincters pour entraîner des dystonies sphinctériennes pouvant aller jusqu'à des spasmes francs. Ces dysfonctions sphinctériennes peuvent alors être ressenties comme des inconforts surajoutés aux douleurs viscérales déjà présentes,
       
    • sur la paroi des vaisseaux qui connaissent alors une vasoconstriction entraînant de l'hypoxie viscérale responsable à son tour de la production de prostaglandines, histamine, bradykinine, sérotonine en plus des substances découlant directement du métabolisme anaérobique tel l'acide lactique. Ces substances exercent finalement un effet sensibilisateur sur les nocicepteurs sensibles aux stimuli "chimiques" (les viscères sont composés presque exclusivement de nocicepteurs polymodaux) et la cascade sensibilisation - activation entre en jeu avec d'autres substances ischémiques et inflammatoires qui s'ajoutent. En même temps, le phénomène d'activation secondaire prend de l'ampleur avec l'élargissement de la zone où "la soupe inflammatoire" est déversée ce qui a pour effet de provoquer de la douleur "surajoutée" soit en intensité ou en surface. Il est important de noter que les douleurs viscérales sont toujours mal définies surtout en terme de localisation et de surface. (Voir: L'ACTIVATION SECONDAIRE" / LA DOULEUR NOCICEPTIVE VISCERALE: SON ORIGINE PATHOPHYSIOLOGIQUaE / LA DOULEUR NOCICEPTIVE VISCERALE: SON CARACTERE CLINIQUE),
       
    • sur les nocicepteurs qui peuvent alors subir une sensibilisation en raison de la présence accrue de norépinéphrine sans compter l'ajout d'autres substances ischémiques et inflammatoires qui s'ajoutent tel que discuté dans les lignes précédentes. Cette sensibilisation a pour effet d'accentuer encore plus la sensibilité des nocicepteurs aux stimulations douloureuses et aux substances chimiques algogènes déjà présentes. (Voir plus haut "LE SYSTEME "SYMPATHIQUE" QU'IL NE FALLAIT PAS OUBLIER ...").
       

Le déclenchement d'une réponse sympathique réflexe hyperactive par des influx nociceptifs est donc susceptible d'entraîner, dans certaines conditions, la création d'un circuit s'autogénérant. L'hyperactivation des nocicepteurs de tous les types engendrant une augmentation des afférences nociceptives au niveau de la corne postérieure, cette augmentation des afférences nociceptives amplifiant les échanges synaptiques au niveau de la corne postérieure avec des fibres sympathiques préganglionnaires. Plus il se trouve de fibres sympathiques activées, plus les conséquences périphériques sont grandes au niveau des différents récepteurs. Plus les récepteurs de tous types sont activés, plus il arrive d'afférences nociceptives au niveau de la corne postérieure et ainsi de suite.

Le cercle vicieux ainsi créé offre de fait une partie des explications pour des douleurs que l'on qualifiait autrefois de "dystrophie sympathique réflexe / algodystrophie / causalgie et encore bien d'autres" et qui selon la nomenclature de l'IASP sont de nos jours qualifiées de "Sympathetically Maintained Pain" i.e. des douleurs dont la présence soutenue est sous la gouverne du système nerveux autonome sympathique.

83 - Le blocage des réponses sympathiques réflexes et le possible bénéfice d'un tel blocage

Quand le cercle vicieux des douleurs entretenues par l'hyperactivité du système sympathique est ainsi "déclenché", il est souvent difficile de contrôler adéquatement ces douleurs. La panoplie d'approches suggérées dans le cas des douleurs avec participation du système sympathique en témoigne.

Ce qui pourrait apparaÎtre comme logique à savoir le blocage des récepteurs adrénergiques alpha-1 par des médicaments systémiques afin de réduire les stimulations nociceptives provoquées par l'hypersécrétion nonadrénergique sur les nocicepteurs périphériques et même un blocage de la chaîne ganglionnaire sympathique impliquée par une technique anesthésique ne parviennent souvent pas à offrir l'analgésie espérée.

Les douleurs avec participation du système nerveux sympathique offrent tout un défi à la thérapeutique analgésique.

84 - Le système de transport des influx nociceptifs: la portion centrale d'origine médullaire

A partir de la zone synaptique où des millions d'axones "périphériques nociceptifs" ont fait des synapses de toutes sortes avec le deuxième ensemble de neurones, les neurones nociceptifs "centraux" et donc les influx nociceptifs continuent alors leur ascension vers les régions supérieures, c'est-à-dire le tronc cérébral et le cerveau.

Avant de commencer vraiment cette ascension, la majorité des axones centraux traversent la moelle d'un bord à l'autre i.e. ils décussent. Après avoir ainsi "décussé", ces axones se positionnent alors dans la région antéro-latérale de la moelle où ils commencent vraiment leur ascension. Cependant, peut-être jusqu'à 25 % pourraient faire leur ascension du même côté que leur point d'entrée. En se dirigeant vers le côté opposé, ces axones centraux se regroupent proche à proche dans différents sous-ensembles formant chacun un faisceau ou tractus particulier dans lesquels ils vont faire leur ascension vers différents points d'arrivée dans le cerveau.

Il existe au moins quatre différents trajets ou tractus nociceptifs qui méritent d'être signalés et par lesquels l'information "douleur" fait son ascension, dans la moelle, vers le cerveau

 

  • le tractus spinothalamique, le plus important de tous les tractus nociceptifs et souvent le seul auquel on se réfère. Cet important tractus se subdivise en deux portions: une très vieille, la portion paléo-spinothalamique et une plus récente, la portion néo-spinothalamique.
  • Le néo-spinothalamique transporte les influx nociceptifs et les influx du toucher léger cependant il transporte en prédominance ( 80%) des influx nociceptifs. Il fait ascension directement vers le thalamus sans envoyer d'embranchements (collatérales) durant son ascension, on le dit monosynaptique. A partir de la région supérieure de la protubérance, le néo-spinothalamique s'associe au paléo-spino-thalamique et les deux font bon voisinage avec le lemniscus médian.
     
    A l'étage cervicale, le néo-spinothalamique connaît deux divisions, la classique monosynaptique controlatérale et une autre qui fait ascension vers le thalamus dans un faisceau ipsilatéral, le faisceau spino-cervico-thalamique. Les fibres de ce faisceau font une première synapse dans la corne postérieure au niveau des couches III, IV et V (Voir: LE TERMINUS PERIPHERIQUE ET LE PREMIER RELAIS CENTRAL: LA CORNE POSTERIEURE). Elles montent alors toujours du même côté où elles ont fait synapses dans la moelle et arrivent ainsi dans la partie supérieure de la moelle, à l'étage de C1 où elles font de nouveau synapses dans le noyau cervico-latéral (NCL). Après synapse dans le NCL, les fibres centrales décussent alors et font leur ascension vers le thalamus en joignant le néo-spinothalamique controlatéral d'où le dernier relais central se fera avant d'arriver dans le cortex pariétal. La fonction de ce faisceau est principalement de véhiculer les informations du toucher léger superficiel.
  • Le paléo-spinothalamique pour sa part transporte presqu'exclusivement des influx nociceptifs. Il émet de nombreux embranchements (collatérales) tout au long de son ascension dans le bulbe, la protubérance, le mésencéphale et dans le diencéphale, on le dit polysynaptique, si bien qu'à l'étage du mésencéphale, le paléo-spinothalamique a perdu beaucoup de sa taille. A partir de la région supérieure de la protubérance, le paléo-spinothalamique s'associe au néo-spino-thalamique et les deux font bon voisinage avec le lemniscus médian.
Ces trois derniers faisceaux sont souvent considérés comme des sous-faisceaux du faisceau paléo-spino-thalamique.

Les autres faisceaux comprennent les faisceaux
  • spino-réticulaires (portion médullaire antéro-latérale - arrivée à l'étage bulbaire dans la formation réticulée: noyau giganto-cellulaire et réticulaire latéral), qui est le deuxième plus important faisceau de transmission nociceptive chez les humains
  • spino-mésencéphaliques ou spino-ponto-mésencéphaliques (portion médullaire antéro-latérale - arrivée à l'étage mésencéphalique dans la région de la substance grise périaqueducale et l'aire para-brachiale)
  • spino-solitaires.

Une portion des fibres nociceptives fait aussi son ascension au travers

  • des cordons postérieurs (dorsal column) dont la fonction principale concerne le transport des sensations tactiles complexes (proprioception consciente i.e. la discrimination tactile [discrimination deux points], le sens de la position, le sens de vibration et la kinesthésie).

    Les influx nociceptifs qui font "transit" par les cordons postérieurs montent du même côté où ils sont entrés dans la moelle sans faire de synapse à la corne postérieure. Ils arrivent ainsi dans le tronc cérébral, au niveau bulbaire, et font alors synapses dans les noyaux gracilis et cuneatus ipsilatéraux. Les fibres centrales décussent alors et font leur ascension dans le faisceau lemniscus médian vers le thalamus d'où le dernier relais synaptique se fera avant d'arriver dans le cortex pariétal.
     

  • du faisceau spino-cervico-thalamique faisant partie du système cervical latéral et dont la fonction est principalement de véhiculer les informations de toucher léger superficiel.

    Les différents influx sensitifs et nociceptifs qui font "transit" par le faisceau spino-cervico-thalamique font synapses dans la corne postérieure au niveau des couches III, IV et V (Voir: LE TERMINUS PERIPHERIQUE ET LE PREMIER RELAIS CENTRAL: LA CORNE POSTERIEURE). Ils montent alors du même côté où ils sont entrés et ont fait synapses dans la moelle. Ils arrivent ainsi dans la partie supérieure de la moelle, à C1, et font de nouveau synapses dans le noyau cervical latéral. Les fibres centrales décussent alors et font leur ascension vers le thalamus en joignant le lemniscus médian d'où le dernier relais central se fera avant d'arriver dans le cortex pariétal.

De multiples régions du cerveau reçoivent ainsi des influx nociceptifs. À partir de ces différentes régions, l'information "nociceptive" est relayée vers des ensembles structuraux complexes impliqués dans l'intégration, l'interprétation, la gestion et la mémoire de l'information "douleur" avec les répercussions sur le plan moteur, affectif et comportemental que cela implique. Pour ce qui est des régions corticales et sous-corticales, cette circuiterie pourrait se résumer en quatre grandes fonctions: réception (cortex pariétal primaire (S1)), intégration et interprétation (cortex pariétal secondaire (S2) et aires gnosiques), émotion et mémorisation (système limbique), comportement (système limbique). (Voir: LES COMPOSANTES NON-PHYSIQUES: LEUR SUBSTRAT ANATOMO-PHYSIOLOGIQUE).

85 - Le système de transport des influx nociceptifs: la portion centrale originant du noyau spinal du trijumeau

Pour ce qui concerne les afférences nociceptives en provenance de la face (peau, structures osseuses, articulations temporo-mandibulaires), des muqueuses nasales, sinusales et buccales, de la partie antérieure de la langue, de la dentition, de la cornée et de la portion crânienne osseuse antérieure, elles font leur entrée dans le tronc cérébral par le nerf V à l'étage de la protubérance. Ces afférences périphériques forment un long faisceau descendant dans le tronc cérébral, c'est le "faisceau" spinal du trijumeau. Immédiatement accolé à ce faisceau descendant, se trouve, un peu plus en médial, le "noyau" spinal du trijumeau (l'équivalent de la substance grise de la corne postérieure) où les afférences nociceptives périphériques du V se terminent. Ce noyau s'étend lui aussi en longueur dans les trois étages mésencéphale-protubérance-bulbe du tronc et il s'étend même jusqu'à la partie supérieure de la moelle cervicale puisqu'il s'arrête au troisième ou quatrième segment cervical où il se confond avec la substance gélatineuse. C'est donc dire que les fibres du faisceau spinal du trijumeau descendent elles-même aussi bas que le segment cervical C4 où elles fusionnent avec les couches I-IV de la corne postérieure.Ce noyau reçoit aussi des afférences des VIIe, IXe et Xe nerf crânien. L'étendue de ce noyau est vaste, son multiétagement est parfois divisé en trois sections, la portion supérieure correspondant au noyau "oralis", la portion intermédiaire au noyau "interpolaris" et la portion la plus inférieure au noyau "caudalis ou subcaudalis". Le fibres du faisceau spinal provenant de la portion mandibulaire du V arrivent au noyau "oralis" alors que les fibres de la région ophtalmique arrivent au noyau "caudalis ou subcaudalis". Il arrive ainsi que des lésions cervicales supérieures puissent parfois déclencher de la douleur dans la branche ophtalmique du V ou parfois une absence de la perception douloureuse en raison de cette particularité anatomique. Enfin, ce noyau possède des interconnexions avec le noyau moteur du V situé au niveau de la protubérance, ce qui explique les contractions réflexes des mâchoires en présence de stimulations douloureuses intenses.

Tout comme au niveau de la corne postérieure, les fibres nociceptives se terminent donc du même côté où elles ont pénétré, c'est donc dire que la terminaison des fibres nociceptives du trijumeau est elle aussi ipsilatérale.

A partir de la zone synaptique les neurones centraux originant du noyau spinal du trijumeau décussent à leur tour, avant de commencer vraiment leur ascension. Après avoir ainsi "décussé", ces axones font leur ascension regroupés proche à proche dans le faisceau trigémino-thalamique ventral (équivalent du faisceau spino-thalamique) qui se confond à partir de l'étage supérieur du mésencéphale avec le lemniscus médian. Ce faisceau projette ses terminaisons vers la formation réticulée et vers la portion ventro-postérieure des noyaux thalamiques médians (noyau ventro-postéro-médians (VPM)) et vers les noyaux intra-laminaires tout comme les faisceaux paléo-spinothalamiques l'avaient fait. A leur tour ces noyaux envoient leurs projections vers le cortex pariétal somesthésique.

De multiples régions du cerveau reçoivent ainsi des influx nociceptifs en provenance de la face et de la partie antérieure du crâne. À partir de ces différentes régions, l'information "nociceptive" est relayée vers des ensembles structuraux complexes impliqués dans l'intégration, l'interprétation, la gestion et la mémoire de l'information "douleur" avec les répercussions sur le plan moteur, affectif, comportemental que cela implique. (Voir: LES COMPOSANTES NON-PHYSIQUES: LEUR SUBSTRAT ANATOMO-PHYSIOLOGIQUE).

86 - Le point d'arrivée des influx nociceptifs: les étages supérieurs "mode sensoriel" et "mode affectif"

Le nom que portent l'ensemble des faisceaux ascendants décrit leur point d'origine et leur point d'arrivée. Il n'y a pas de faisceaux qui font ascension directement vers le cortex. Tous les faisceaux font un ou des relais par une ou par plusieurs structures sous-corticales avant d'envoyer finalement leurs projections vers les régions corticales. Ainsi, des influx nociceptifs peuvent arriver au niveau des structures suivantes:

  • la formation réticulée particulièrement dans la région du noyau giganto-cellulaire "nucleus reticularis gigantocellularis", du noyau réticulaire latéral et du locus coeruleus,
  • la substance grise périaqueducale (SGPA) - dans le mésencéphale,
  • l'hypothalamus,
  • le thalamus - dans plusieurs noyaux différents,
  • le système limbique particulièrement l'amygdale et le cortex cingulaire.

Durant l'ascension des influx nociceptifs par les différents faisceaux ascendants, certaines structures reçoivent une large part d'afférences soit directement i.e. que les fibres se terminent dans ces structures, soit par des projections axonales (aussi appelées collatérales) pour les fibres qui continuent alors leur ascension vers d'autres structures.

Presque toutes les structures ayant reçu des afférences de la part des faisceaux ascendants envoient à leur tour des afférences vers d'autres structures situées à la fois aux étages plus haut (rostrales) et à la fois aux étages plus bas (caudales).

La formation réticulée est soumise en plusieurs de ses noyaux à une profusion d'informations nociceptives.

  • Le noyau réticulaire giganto-cellulaire (nucleus reticularis gigantocellularis) et le noyau réticulaire latéral reçoivent des afférences du faisceau spino-réticulaire (ou paléo-spino-réticulo-thalamique) d'origine à la fois ipsi et controlatérale. Après avoir reçu ces afférences, ils envoient à leur tour des projections vers la substance grise périaqueducale (SGPA) et le thalamus (particulièrement le noyau centro-médian (NCM)).
     
  • Le locus coeruleus est une structure nucléaire complexe à dominance noradrénergique mais aussi une portion cholinergique située à la jonction ponto-mésencéphalique du plancher du IVe ventricule. Il est impliqué dans les mécanismes de contrôle de l'éveil cortical, de vigilance, d'éveil et de sommeil. Le locus coeruleus joue aussi un rôle important dans les réponses à des stress (pex. une lésion du locus supprime la tachycardie lié à un stress menaçant), dans la régulation des hormones liées au stress de même que dans les comportements d'alerte et de fuite. Il est à l'origine du système limbique noradrénergique. Plus les stimulations nociceptives sont importantes, plus l'activité du locus augmente.

Une fois activés par la voie paléo-spino-réticulaire, les cellules du locus envoient des projections ascendantes vers les noyaux intralaminaires du thalamus puis le cortex cingulaire (système limbique), le cortex frontal et le cortex insulaire. Le locus envoie aussi des projections vers les noyaux paraventriculaires de l'hypothalamus (rôle dans le contrôle de la posthypophyse), vers l'amygdale (système limbique) et vers le néocortex cérébral (éveil cortical et attention accompagnant le processus d'alerte. Le faisceau paléo-spino-réticulo-thalamique ne renseigne donc pas sur la localisation, l'intensité en terme d'échelle de douleur, la surface et la durée comme le faisceau néo-spino-thalamique le fait mais il renseigne plutôt sur l'intensité du désagrément du stimulus douloureux, c'est-à-dire la composante émotionnelle "pure". Finalement, par ses projections hypothalamiques, le relais "locus coeruleus" est aussi responsable des réactions autonomiques (ou végétatives).

  • La SGPA et l'aire para-brachiale sont pour leur part de très importants terminaux du faisceau spino-mésencéphalique qui est une composante du faisceau paléo-spino-thalamique. La substance grise périaqueducale (SGPA) est un ensemble de cellules enveloppant l'aqueduc de Sylvius à la hauteur du mésencéphale. Un grand nombre de substances jouent un rôle au niveau de la biochimie de la SGPA (noradrénaline, sérotonine, glutamate ... ). Par ailleurs, la majorité des cellules de la SGPA sont stimulées par les opiacés. La SGPA envoie des projections descendantes vers la moelle et des projections tronculaires vers le locus cruleus et le noyau raphé magnus (dominance sérotoninergique) et joue de cette façon un rôle important dans le contrôle inhibiteur descendant lors de la neurotransmission nociceptive à l'étage médullaire.

Le thalamus représente probablement le plus important relais pour ce qui est des influx nociceptifs. Plusieurs de ses noyaux sont impliqués dans des activités de relais nociceptif. Ce n'est vraiment qu'à partir du thalamus que la douleur est perçue à un niveau conscient, avant elle n'est qu'un influx nociceptif qui parcoure différents circuits à l'insu de tout niveau perceptuel. Cependant, bien que la douleur commence à être perçue à un niveau conscient à l'étage thalamique cette perception demeure encore frustre. La douleur ne "révélera" tous ses états qu'après avoir passé par les différents cortex somato-sensoriels et limbiques.

Les faisceaux spinothalamiques et les nombreux sous-faisceaux originant des différents relais par lesquels les influx nociceptifs ont passé se terminent principalement dans 5 régions thalamiques:

  • noyau ventro-postéro-latéral (VPL)
  • noyau du complexe nucléaire postérieur (PO)
  • noyaux parafasciculaires
  • certains noyaux intra-laminaires
  • noyaux dorso-médians (DM) et centro-médians (CM).

Mais ce sont les noyaux ventro-latéraux et ventraux-médians qui sont les plus importants relais.

L'importance de certains de ces noyaux est illustrée par le syndrome thalamique. La zone la plus souvent impliquée dans les syndromes thalamiques est le Noyau Ventral-Postérieur (VP) également appelé Complexe Ventro-Basal (VB). Dans ce complexe, les sous-entités Noyau Ventro-Postéro-Latéral (VPL) et Ventro-Postéro-Médian (VPM) sont le plus souvent touchées par des lésions d'ACV ischémiques. La destruction des ces deux noyaux provoque une hémianesthésie et quelques temps plus tard des douleurs centrales hémicorporelles. Le travail de filtration des différentes afférences sensorielles ne se fait plus de sorte que des stimulations sensorielles des plus banales peuvent provoquer des douleurs d'une intensité absolument indescriptible.

  • le noyau ventro-latéral postérieur (VLP) et les noyaux du complexe nucléaire postérieur (PO) reçoivent les afférences du faisceau néo-spino-thalamique, donc des informations nociceptives précises telles:
    • la localisation des stimuli douloureux
    • l'intensité
    • la surface
    • la durée.

Ces noyaux envoient ces informations par un troisième ensemble de projections vers le cortex somesthésique pariétal primaire (SI) où se retrouve l'homonculus qui est en fait une représentation somatotopique précise des différentes parties du corps. Le cortex somesthésique pariétal primaire (SI) reçoit toujours des informations controlatérales. En contre-partie, ces noyaux thalamiques (VLP et PO) reçoivent des afférences des régions corticales S1, afférences cortico-thalamiques dont la fonction sera d'exercer un rôle modulateur inhibiteur afin de réduire la réception et la transmission des informations nociceptives arrivant au niveau thalamique. Il se fait donc une modulation des influx nociceptifs à des niveaux très élevé.

De plus, le cortex pariétal primaire (S1) envoit à son tour des projections vers le cortex pariétal somesthésique secondaire postérieur (S2), situé au niveau de l'opercule temporal, où se trouvent les aires associatives. Tout comme dans la relation thalamus-cortex pariétal primaire (S1), le cortex pariétal secondaire renvoit à son tour des projections vers le cortex paritétal primaire, donc des afférences cortico (S2)-corticales (S1).

Certaines portions des noyaux thalamiques latéraux envoient une abondance de projections vers le cortex préfrontal (moteur) et la cervelet ce qui suggère que ce noyau participe à des activités motrices consécutives aux stimulations nociceptives.

Enfin, les noyaux thalamiques latéraux envoient aussi une portion des informations directement au cortex pariétal somesthésique secondaire (S2) postérieur. A ce niveau cependant, la somatotopie est beaucoup moins bien organisée qu'en S1 et les afférences proviennent de projections ipsi et controlatérales.

  • les noyaux parafasciculaires, dorso-médians (NDM) et centro-médians (NCM) du complexe médian de même que certains noyaux intra-laminaires reçoivent les afférences du faisceau paléo-spino-thalamique. Dans la plupart des cas ces afférences ont d'abord fait relais dans différentes structures du tronc cérébral. Ces divers noyaux thalamiques envoient à leur tour des projections diffuses vers
    • les structures du système limbique (amygdale) responsable de la mémorisation des expériences douloureuses (stockage des informations) et des comportements d'alarme liés à la douleur (fuite, désinhibition ...)
       
    • l'hypothalamus responsable des composantes autonomiques liées à la douleur (réponse surrénalienne sécrétrice d'épinéphrine, tachycardie, respiration accélérée)
       
    • les structures corticales associatives (cortex cingulaire et autres) responsables de la composante affective désagréable de la douleur.

Pour ce qui est du système limbique et du cortex cingulaire, ces deux structures modulent, probablement de façon prépondérante, le caractère affectif ou émotionnel des douleurs ressenties, ces deux structures ajoutent en fait le caractère "désagrément" des douleurs. Durant les années 1950, des lobotomies frontales, pratiquée chez des personnes présentant des douleurs extrêmement sévères, ont démontré qu'il était possible, en coupant les circuits du système limbique, du cortex frontal et cingulaire, de réduire la composante "émotive" des douleurs i.e. le caractère "désagrément" bien que ces personnes aient pu continuer à ressentir la même intensité de douleur, sans le caractère désagréable cette fois-ci.

  • certains noyaux du thalamus reçoivent des affférences à la fois du néo et à la fois du paléo-spino-thalamique.

L'aboutissement final de nombreuses projections nociceptives corticales se fait au niveau de différents cortex ayant des fonctions diverses. Ainsi, des projections arrivent notamment vers:

  • le cortex pariétal somesthésique primaire (S1) (somatotopie précise représentée par l'homonculus et origine contro-latérale),
  • le cortex pariétal somesthésique secondaire (S2) situé au niveau de l'opercule temporal (somatotopie moins précise sans homonculus et origine bilatérale),
  • le cortex fronto-orbitaire (représentation bilatérale),
  • le cortex frontal (aire 9, 10, 46, 47 de BROADMAN recevant des informations paléo-spino-thalamiques),
  • le cortex cingulaire antérieur,
  • le cortex limbique (noyau central de l'amygale recevant des informations essentiellement d'origine mésencéphalique).

Dans leur ascension vers le cortex pariétal somesthésique primaire du gyrus post-central (S1) et vers l'operculum pariétal (cortex pariétal somesthésique secondaire) situé immédiatement postérieur au gyrus post-central (S2), les projections thalamiques nociceptives tout comme les autres projections sensorielles passent par la portion postérieure de la capsule interne et par la "corona radiata". D'autres projections font ascension vers le cortex frontal.

Les projections d'origine viscérale pour leur part sont dirigées vers le cortex insulaire, enfoui en profondeur dans la fissure latérale. Le cortex insulaire échange des projections avec le système nerveux autonome. Une activation du cortex insulaire produit des nausées et des vomissements ce qui s'observe souvent en présence de douleurs viscérales importantes.

L'arrivée des projections thalamiques nociceptives provenant des différents noyaux thalamiques impliqués se fait selon une distribution très spécifique dans certaines aires corticales et dans certaines couches corticales. Ainsi, les projections nociceptives thalamiques arrivent dans la quatrième couche des cellules corticales du gyrus post-central, du lobule paracentral et de l'operculum pariétal. A partir de cette couche, les influx nociceptifs sont alors relayés vers les couches plus superficielles pour permettre une plus grande intégration des messages nociceptifs. Enfin les influx sont dirigées vers les couches les plus superficielles pour l'intégration finale (caractère, localisation, intensité, durée). Or ce sont les couches les plus superficielles qui sont les plus vulnérables à certaines conditions (carcinomatose, atteinte vasculaire) et c'est ce qu'on observe dans le syndrome pariétal alors que les couches les plus superficielles ne peuvent plus accomplir leur rôle d'intégration finale en raison d'un ACV.

En plus d'avoir envoyé des projections cortico-thalamiques servant à moduler le transfert d'influx nociceptifs au niveau thalamique, les différentes régions du lobe pariétal impliquées dans la réception et l'intégration des informations nociceptives projettent aussi des faisceaux d'association vers le cortex frontal, les structures limbiques et les noyaux hypothalamiques impliqués dans les relais nociceptifs. Les faisceaux d'association les plus impliqués dans les relais nociceptifs sont le faisceau fronto-occipital supérieur et le faisceau longitudinal supérieur. Les faisceaux d'associations sont de longs faisceaux qui jouent un rôle très important dans l'élaboration d'activités uniformisées dans le système nerveux central ce qui explique en bonne partie l'ensemble des réactions observées autant en contexte de douleurs aiguës importantes qu'en contexte de douleurs chroniques handicapantes. Lorsque ces faisceaux sont lésés, le patient peut continuer de percevoir la douleur mais la composante émotive et comportementale est perdu. C'est ce qui était observé quand des lobotomies frontales étaient pratiquées dans les années 1950.

En résumé, les dimensions sensorielles et émotives sont toujours reçues et traitées de façon synchrone par les différentes structures centrales concernées par la douleur:

  • pour la composante sensorielle, le faisceau néo-spino-thalamique projette vers le thalamus latéral qui projette vers le cortex pariétal primaire qui à son tour projette vers le cortex paritéal secondaire et des faisceaux de rétroaction partent du secondaire vers le primaire et du primaire vers le thalamus latéral.
  • pour la composante émotive, le faisceau paléo-spino-thalamique avec ses sous faisceaux spino-réticulaire, spino-mésencéphalique et spino-solitaire projette vers le thalamus médian en même temps que vers les structures du système limbique.

87 - Hyperexcitation et hyperexcitabilité: les conséquences "électrophysiologiques" sur les structures centrales nociceptives

En présence d'hyperstimulation nociceptive en provenance de fibres périphériques (douleurs nociceptives intenses ou douleurs neurogènes intenses), il devient possible d'observer des changements "électrophysiologiques" de plusieurs ordres,

  • non seulement au niveau de la corne postérieure, mais aussi à plusieurs autres niveaux en direction ascendante notamment. Ces changements peuvent ainsi être observés dans: (MZ 214 D P3)
    • les faisceaux ascendants nociceptifs (spinothalamiques et autres) où des activités ectopiques "spontanées" avec fréquences anormalement élevées apparaissent
    • le thalamus où s'observent des décharges spontanées paroxystiques avec fréquences anormalement élevées
    • le cortex sensitif.

Ces changements "électrophysiologiques" peuvent s'exprimer de diverses manières:

  • des influx commencent à se propager dans les neurones centraux avec une fréquence anormalement élevée, souvent sous forme de longues traînées d'influx qui conservent la régularité
  • des salves de décharges paroxystiques spontanées de durée variable s'entremêlent à ces traînées d'influx anormalement élevée en fréquence.

Plus les lésions sont sévères et importantes, plus ces anomalies prennent de l'importance car les phénomènes "d'hyperexcitation et d'hyperexcitabilité" jouent un rôle de plus en plus marqué.

88 - Lésions périphériques: les "différents degrés" de désafférentation

Les lésions subies par les fibres nociceptives le sont sous différents degrés de sévérité. L'aboutissement ultime de ces lésions peut conduire à un sectionnement complet d'un certain nombre de neurones nociceptifs, ce qui mène à une désafférentation.

Chaque sectionnement neuronal mène à une désafférentation spécifique de ce neurone. Lorsque plusieurs neurones sont sectionnés dans un nerf, ce nerf devient alors "partiellement désafférenté". Ce n'est que lorsque tous les neurones nociceptifs composant un nerf en particulier ont été sectionnés qu'on peut alors parler de "désafférentation complète". La douleur devient sévère bien avant la désafférentation complète!!!

89 - La douleur neurogène ...sur tout le réseau ascendant!

Beaucoup d'attention a été jusqu'à maintenant portée au réseau nociceptif. Il a été proposé lors de l'introduction du résumé anatomo-physiologique "simplifié" et "vulgarisé" que l'activité électrique neuronale nociceptive transportant l'information "douleur" peut trouver son origine à partir de deux sources. La première source, soit l'activation des nocicepteurs a été abondamment décrite.

La deuxième source d'influx nociceptifs, cette fois responsable de la douleur neurogène, découle non pas d'une activation des nocicepteurs mais de la production d'influx électrique (potentiel d'action) découlant de dépolarisations focales de la membrane neuronale d'une fibre nociceptive dans une ou des région(s) où la fibre nociceptive subit ou a subi une agression.

La douleur neurogène peut trouver son origine autant

  • dans une fibre périphérique
    que
  • dans une fibre centrale.

Cette deuxième composante s'avère d'une importance considérable dans le contexte des soins palliatifs "oncologiques". Elle est aussi à la source de plusieurs douleurs chroniques. Les lésions produites sur les fibres nociceptives entraînent l'apparition de salves spontanées d'influx nociceptifs. Les études démontrent par ailleurs que plus les lésions sont proches du système nerveux central, plus la durée des décharges spontanées se prolonge dans le temps. Il n'y a alors qu'un pas à franchir pour concevoir qu'un certain nombre de douleurs post-traumatiques et/ou post-chirurgicales puissent trouver là une part de leur explication. A titre d'exemple, les douleurs post-extraction dentaires, post-thoracotomie, post-trauma du plexus brachial.

90 - La contrepartie des faisceaux ascendants: les faisceaux descendants inhibiteurs

Peu importe l'origine nociceptive ou neurogène des douleurs, les différents faisceaux ascendants autres que le faisceau néo-spinothalamique (qui lui est mono-synaptique jusqu'au thalamus) fournissent des informations "NOCICEPTIVES" dans de nombreuses zones tronculaires et sous-corticales impliquées dans la gestion et l'intégration des informations nociceptives. (Voir: LE POINT D'ARRIVEE DES INFLUX NOCICEPTIFS: LES ETAGES SUPERIEURS "MODE SENSORIEL" ET "MODE AFFECTIF")

Ces nombreuses zones de relais et de réception envoient à leur tour des projections descendantes vers différentes structures spécifiques situées toujours plus bas à partir desquelles partiront d'autres projections descendantes transportant des influx qui auront comme fonction d'inhiber la transmission des douleurs entre les fibres périphériques et centrales au niveau de la corne postérieure. Ces zones deviennent donc de fait des sources multicentriques d'influx inhibiteurs descendants. Ainsi, des projections inhibitrices descendantes prendront origine à partir des différentes structures suivantes:

  • cortex frontal et pariétal
  • système limbique - particulièrement l'amygdale, le cortex cingulaire, le cortex insulaire,
  • thalamus - plusieurs noyaux différents
  • hypothalamus - quelques noyaux,
  • formation réticulée
    • région mésencéphalique: la substance grise péri-aqueducale (SGPA) et l'aire para-brachiale,
    • région de la jonction ponto-mésencéphalique: le locus coeruleus, la partie supérieure de la substance grise péri-aqueducale (SGPA) et de l'aire para-brachiale,
    • région de la protubérance (pont): le noyau subcoeruleus (portion A7) à la portion supérieur de la protubérance et la continuation des noyaux du raphé bulbaire,
    • région bulbaire: le raphé magnus (raphe médian et para-médian), le noyau giganto-cellulaire "nucleus reticularis gigantocellularis", para-giganto-cellulaire et le noyau réticulaire latéral.
Ces différentes structures émettront à leur tour des fibres descendantes de deux ordres: On les qualifie de sérotoninergiques et de noradrénergiques.
  • de longues fibres qui descendent directement vers les cornes postérieures de tous les étages médullaires,
     
  • de courtes fibres d'interconnexions (projections) qui font relais dans leur descente vers d'autres structures un peu plus basses (caudales) situées au niveau
    • du mésencéphale
      • substance grise périaqueducale
    • de la protubérance (pons)
      • noyau coeruleus (nucleus coeruleus) (jonction mésencéphalo-protubérantielle) et noyau subcoeruleus (portion A7) à la partie supérieure de la protubérance
      • noyau raphé magnus (nucleus raphe magnus) (le noyau raphé magnus est un long noyau qui s'étend au niveau de la protubérance et du bulbe)
    • du bulbe (medulla)
      • région médiane: noyau raphé magnus composé du raphe médian et para-médian (nucleus raphe magnus), long noyau qui s'étend à l'étage de la protubérance et du bulbe,
      • région au pourtour immédiat du raphé magnus surtout dorsale et/ou latérale: le noyau giganto-cellulaire "nucleus reticularis gigantocellularis", le noyau giganto-cellulaire portion alpha "nucleus reticularis gigantocellularis pars alpha [NGCpa]", le noyau para-giganto-cellulaire ou giganto-cellulaire réticulaire latéral qui tel que son nom l'indique est situé dans la portion latérale de la formation réticulée alors que tous les autres noyaux impliqués dans les relais nociceptifs sont situés à la portion centrale
      • région dorsale franche: noyau réticulaire dorsal (dorsal reticularis nucleus).

 

A partir de ces différentes structures appartenant à la formation réticulée répartent alors d'autres fibres descendantes vers les cornes postérieures de tous les étages médullaires.

Les fibres originant des noyaux de la formation réticulée vont jouer un rôle majeur dans la genèse des influx inhibiteurs descendants.

La Substance grise périaqueducale (SGPA) envoit une multitude de projections descendantes et ces projections se font principalement vers le complexe locus coeruleus / subcoeruleus (noyau A7) et vers les structures du Complexe bulbaire rostro-ventral médial (Rostral Ventro-medial Medulla) composé du raphé magnus (raphe médian et para-médian), du noyau giganto-cellulaire "nucleus reticularis gigantocellularis", du noyau giganto-cellulaire portion alpha "nucleus reticularis gigantocellularis pars alpha [NGCpa]" et du noyau para-giganto-cellulaire ou giganto-cellulaire réticulaire latéral.

De façon moindre, des projections sont aussi envoyées directement vers la corne postérieure à tous les étages médullaires. Pour ses projections vers le noyau raphé magnus, la SGPA utilise probablement de la neurotensine comme neurotransmetteur. La majorité des cellules de la SGPA possède une abondance de récepteurs opiacés et de tous les types à leur surface et cela autant au niveau du corps et de ses dendrites qu'au niveau des terminaisons pré-synaptiques. L'activation de la SGPA par des stimulations électriques ou par des stimulations pharmacologiques, particulièrement avec des opiacés injectés directement, produit un blocage important de la neurotransmission nociceptive au niveau de la corne postérieure, réduisant de ce fait la douleur, on parle alors d'antinociception. On peut donc en déduire que les opiacés utilisés de façon systémique vont avoir pour effet d'activer les cellules de la SGPA qui vont alors émettre des influx inhibiteurs à profusion vers la corne postérieure. Une partie de l'antinociception (du soulagement de la douleur) se joue donc aux étages supérieures où sont créés les influx inhibiteurs descendants.

Le noyau ceruleus (nucleus ou locus ceruleus) et le noyau subcoeruleus (A7), jouent aussi un rôle important dans la modulation inhibitrice du transfert des influx douloureux au niveau de la corne postérieure en participant à la création des contrôles inhibiteurs descendants par l'émission de sous-faisceaux descendants noradrénergiques arrivant au niveau du raphe magnus (étage bulbaire) ou arrivant directement dans plusieurs couches de la corne postérieure, soit les couches I, II, IV, V et X. Cette participation découle pour une part d'une stimulation directe par des influx nociceptifs provenant de sous-faisceaux nociceptifs ascendants et d'autre part de stimulations provenant de structures supérieures principalement de la SGPA mais aussi de l'hypothalamus. L'effet inhibiteur des faisceaux descendants originant des noyaux coeruleus et subcoeruleus semble plus important en post-synaptique qu'en pré-synaptique selon de nombreuses études.

Le noyau raphé magnus, le noyau giganto-cellulaire, le noyau giganto-cellulaire-alpha [NGCpa] et le noyau giganto-cellulaire réticulaire latéral jouent un rôle de relais particulièrement important à partir de la substance grise périaqueducale (SGPA) et des autres centres supérieurs dans la génèse des influx inhibiteurs descendants puisqu'une lésion au niveau du noyau raphé magnus peut interrompre l'effet inhibiteur descendant observé aux étages médullaires de la corne postérieure lorsqu'une activation de la SGPA est produite. En fait, lorsque la SGPA perd ses relais bulbaires (raphé magnus, noyau giganto-cellulaire, noyau giganto-cellulaire-alpha [NGCpa], noyau giganto-cellulaire réticulaire latéral, elle ne peut plus jouer sa fonction "antinociceptive" de façon aussi importante. Ces structures bulbaires jouent donc un rôle modulateur extrêmement important en regard de la neurotransmission nociceptive à l'étage médullaire.

Bien que ces structures jouent principalement un rôle de relais, elles peuvent aussi assumer un certain degré de modulation "antinociceptive" aux étages médullaires de la corne postérieure sans dépendance de structures supérieures telles la SGPA.

Les projections de ces noyaux utilisent principalement de la sérotonine comme neurotransmetteur. Ils envoient de préférence leurs efférences inhibitrices vers de courts interneurones pédiculés situés dans les couches I, II, III, IV, V, VI et VII de la corne postérieure qui utilisent pour leur part de l'enképhaline comme neurotransmetteur.

On constate ainsi que le tronc cérébral, de par le mésencéphale, la protubérance (pons) et le bulbe rachidien (medulla oblongata) est particulièrement impliqué dans la production d'informations modulatrices "inhibitrices".

D'autres fibres descendantes partent encore des structures suivantes:

  • noyau caudé antérieur, portion du corps strié situé au dessus du thalamus (nucleus caudate anterior) -
  • du noyau arqué ou arciforme (arcuate nucleus) situé dans l'hypothalamus -
  • noyau réticulaire latéral, noyau du faisceau solitaire, l'hypothalamus latéral, noyau rouge, la substance noire. Toutes ces structures participent également à l'élaboration de projections inhibitrices descendantes et sont donc capables de produire une inhibition des transferts nociceptifs au niveau des étages médullaires. Cela est particulièrement vrai pour le noyau Subnucleus Reticularis Dorsalis situé dans la formation réticulée bulbaire qui répond à tout type de stimulus nociceptif, peu importe son origine.
     

L'ensemble des fibres descendantes inhibitrices, originant de structures multiples (corticales, sous-corticales, mésencéphaliques, protubérantielles, bulbaires), se regroupent finalement en sous-ensembles de faisceaux descendants parmi lesquels figurent les faisceaux:

  • raphé-spinal (sérotoninergique)
  • réticulo-spinal (catécholaminergique)
  • céruléo-spinal (catécholaminergique)
  • cortico-spinal.

Ces différents faisceaux inhibiteurs descendants vont se reunir finalement dans la région dorso-latérale de la corne postérieure, où ils descendent à travers le faisceau descendant dorso-latéral (Dorso-lateral Funiculus).

La fonction de ces différents sous-faisceaux regroupés dans le faisceau descendant dorso-latéral est de moduler le transfert de l'information nociceptive particulièrement dans les régions synaptiques de la corne postérieure en faisant parfois "de l'obstruction systématique", c'est-à-dire en fermant la porte au transfert des influx "douloureux" en provenance de la périphérie, d'où le nom de Théorie du portillon (Gate Control) proposé par Melzack et Wall. Ces faisceaux inhibiteurs descendants utilisent, durant leur descente, préférentiellement deux types de neurotransmetteurs:

  • la sérotonine
    et
  • la norépinéphrine.
     

A leur arrivée dans la corne postérieure, ils vont utiliser d'autres types de NTs (Voir: LES DIFFERENTS SOUS-CIRCUITS INTERMEDIAIRES DE CONNEXION: LEURS NEUROTRANSMETTEURS).

De nombreuses circonstances permettent d'illustrer le "blocage systématique" exercé par ces faisceaux descendants, à titre d'exemple, l'absence de douleurs dans les premiers moments d'une blessure lors d'une activité sportive ou d'un accident de la route ou encore la présence bienfaisante d'une mère qui console son enfant et qui de ce fait entraine un arrêt de la douleur ...

Plusieurs des structures supraspinales énumérées ci-haut peuvent être activés dans différentes circonstances toutes autres que celles d'une stimulation nociceptive. Ainsi les activités cognitives comme tenir une conversation "agréable", les activités émotives "positives" comme écouter une musique "agréable" ont aussi pour effet par les relais du système limbique de produire des influx inhibiteurs descendants.

91 - L'effet "portillon" (Gate Control) selon Melzack et Wall et une plus nouvelle théorie: le controle inhibiteur diffus induit par la nociception (CIDN)

Une fois l'ensemble du réseau nociceptif ainsi revu, il est plus facile de comprendre la théorie du portillon et l'effet portillon telle que formulée par Melzack et Wall.

La théorie du portillon et l'effet "portillon" reposent sur l'arrivée simultanée dans la corne postérieure d'influx de trois types:

  • • nociceptifs
    • sensitifs non-nociceptifs (toucher léger, proprioception, massage, TENS ...)
    et
    • inhibiteurs (à partir des faisceaux inhibiteurs descendants).

Grâce à la présence d'influx sensitifs non-nociceptifs et d'influx inhibiteurs descendants arrivant à la corne postérieure, il est possible de "mettre des embûches" aux transferts nociceptifs qui se font entre les fibres nociceptives périphériques et centrales au niveau de la corne postérieure. Ces "embûches" sont exercées par des mécanismes faisant inhibition à ces transferts et ces mécanismes ont été pensés et décrits par Melzack et Wall comme jouant le rôle d'un portillon qui ouvre ou ferme le passage au transfert d'influx.

Ainsi, lorsque des transferts nociceptifs se font entre les fibres nociceptives périphériques et centrales, l'effet "portillon" peut s'exercer de deux façons:

• par l'arrivée d'influx en provenance des fibres larges myélinisées (A alpha et A bêta).

Les influx originant des fibres de gros et moyen calibre A alpha et A bêta, qui transmettent à des vitesses variant de 30 - 120 m/s donc beaucoup plus rapidement que les fibres C et A delta, viennent activer une multitude d'interneurones dans certaines couches de la corne postérieure dont la fonction est de bloquer le transfert des influx nociceptifs provenant des petites fibres (A delta et C) vers les neurones centraux. Ce blocage par les interneurones se produit par une action pré-synaptique sur le bouton pré-synaptique ou par une action post-synaptique sur la membrane ou les dendrites du corps cellulaire de la cellule centrale (spino-thalamique et autres faisceaux ascendants). Cette activation d'interneurones apporte ainsi la contribution "modulatrice" des grosses fibres A alpha et A bêta. L'activation des grosses fibres par des approches non-pharmacologiques telles un massage ou du TENS (stimulation électrique à basse intensité et haute fréquence) vient supporter sur une base clinique l'idée de cette modulation.

• Les massages ont pour effet de manipuler, étirer, déformer les myofibrilles (fibres musculaires) provoquant de ce fait une activation des récepteurs situés à ces niveaux (fuseaux musculaires [muscle spindles], organes tendineux de Golgi [Golgi tendon organ], récepteurs spécialisés [tendons, ligaments et articulations]). Ces récepteurs sont connectés à des fibres A alpha qui apportent ainsi leur contribution au portillon.
• Le TENS intervient de façon plus superficielle et l'activité électrique exercée par la neurostimulation se limite habituellement au niveau cutané bien que les ajustements de voltage et d'ampérage puisse entraîner de fines contractions musculaires saccadées suivant la fréquence de décharge de l'appareil. La stimulation cutanée active les récepteurs qui sont connectés à des fibres A bêta qui apportent à leur tour leur contribution au portillon.

• par l'arrivée d'influx en provenance des faisceaux inhibiteurs descendants réunies dans le faisceau dorso-latéral (FDL) et qui ont pris origine dans les "zones modulatrices" supra-spinales principalement tronculaire (mésencéphale: substance grise périaqueducale, protubérance: noyau ceruleus (nucleus coeruleus), bulbe: noyau raphé magnus, noyau réticulaire gigantocellulaire latéral.

Les neurones des faisceaux inhibiteurs descendants arrivent principalement vers les couches (laminae) I, II et V de la corne postérieure (Voir: LE TERMINUS PERIPHERIQUE ET LE PREMIER RELAIS CENTRAL: LA CORNE POSTERIEURE). Les fibres des faisceaux dorso-latéraux vont produire leur effet de modulation (blocage des transferts nociceptifs) de deux façons: en faisant synapse directement en pré ou post-synaptique ou en activant, elles aussi, une multitude d'interneurones dont l'action sera aussi de bloquer le transfert des influx nociceptifs périphériques vers les neurones centraux de la même façon que les interneurones activés par les fibres Aa et Ab l'ont fait. La stimulation des faisceaux postérieurs (gracilis et cuneatus) par un neurostimulateur interne (à basse fréquence et haute intensité) tout comme les approches et techniques non-pharmacologiques "positives" telles une douce musique ou encore des exercices d'imagerie mentale supportent cette idée de modulation. Dans le cas des approches et techniques "positives", cette modulation se fait alors

• par l'activation des faisceaux descendants inhibiteurs par les centres limbiques qui font relais vers la SGPA qui fait ensuite relais vers les noyaux raphé du bulbe.

Alors que l'application de stimulation médullaire directe par un neurostimulateur interne produit une modulation par au moins trois mécanismes, soient par une activation

• directe des faisceaux descendants inhibiteurs (ils sont à proximité des faisceaux postérieurs)

• indirecte des faisceaux descendants inhibiteurs (l'activation des faisceaux postérieurs entraîne une activation des relais tronculaires qui activent à leur tour les faisceaux descendants principalement à partir de la substance grise périaqueducale (SGPA)

et

• rétrograde ou antidromique des faisceaux postérieurs qui avant de faire leur ascension vers les étages supérieures ont envoyé des projections aux étages médullaires où ils sont entrés. Les électrodes appliquées sur les cordons postérieurs provoquent des influx qui vont à la fois faire leur ascension vers les structures tronculaires pour activer des influx inhibiteurs descendants et à la fois "redescendre" (ce sont les influx antidromiques) pour se terminer aux extrémités des projections envoyées vers la corne postérieure dans les couches III et IV. Ces projections arrivent sur des interneurones qui vont moduler la neurotransmission nociceptive en pré-synaptique et/ou en post-synaptique.

  • L'effet final est toujours le même: c'est celui d'une modulation exercée au niveau de la corne postérieure.

Les fibres "modulatrices" proviennent donc de deux sources:

  • • de la périphérie (fibres A alphaet A bêta) ce qui donne le portillon segmentaire,
    • des régions centrales inhibitrices (principalement des structures du tronc cérébral) ce qui donne le portillon extra-segmentaire. Voir LA CONTREPARTIE DES FAISCEAUX ASCENDANTS: LES FAISCEAUX DESCENDANTS INHIBITEURS.

Les fibres des faisceaux inhibiteurs desdendants produisent leur modulation soit directement, soit par l'intermédiaire d'interneurones alors que les fibres A alpha et A bêta produisent leur modulation uniquement par l'intermédiaire d'interneurones.

Les interneurones, activés par ces différentes fibres "modulatrices" peuvent faire synapse

  • • avec les boutons pré-synaptiques des fibres périphériques,
    • avec les membranes post-synaptiques du corps cellulaire des fibres centrales,
    ou
    • avec les membranes post-synaptiques des dendrites des fibres centrales.

L'inhibition peut donc se faire à deux endroits:

  • • en pré-synaptique
    et
    • en post-synaptique.

En pré-synaptique, l'inhibition provient particulièrement des faisceaux descendants dorso-latéraux et cette inhibition se fait directement de préférence sur les boutons pré-synaptiques des fibres A delta et à un degré moindre sur les boutons pré-synaptiques des fibres C.

En post-synaptique, l'inhibition peut se faire

  • • directement par les fibres du faisceau dorso-latéral (2e fibre du FDL à droite) bien que ce mode de modulation soit moins important que le mode pré-synaptique pour les fibres du faisceau dorso-latéral

    • indirectement sur le corps cellulaire ou sur les dendrites du neurone central

    • par un interneurone ou neurone intercalaire qui lui, fait synapse directement avec le corps cellulaire du WDR (1-3-4e fibre du FDL à droite), c'est le mode utilisé par un certain nombre de fibres des faisceaux descendants
    • par une cellule pédonculée qui elle, fait synapse directement avec le corps cellulaire du WDR (1-3-4e fibre du FDL à droite) (5e fibre du FDL à droite), c'est le mode utilisé de façon préférentielle par les fibres A alpha et A bêta.

Les fibres des faisceaux inhibiteurs descendants exercent leur modulation par deux neurotransmetteurs,

  • • la sérotonine
    et
    • la norépinéphrine

alors que les interneurones "inhibiteurs" font usage préférentiellement de trois neurotransmetteurs (NT) :

  • • l'enképhaline
    • la dynorphine
    et
    • le GABA.

Des récepteurs "biochimiques" de type sérotoninergiques, adrénergiques, opiacés et de type GABA sont présents en pré et en post-synaptique. L'activation de ces récepteurs produit des effets biochimiques différents selon le type de récepteur et selon le contexte présynaptique ou postsynaptique mais l'effet final converge dans le même sens, celui de réduire la neurotransmission des influx nociceptifs.

  • • Au niveau du bouton pré-synaptique, l'activation des récepteurs de type sérotoninergiques, adrénergiques, opiacés et de type GABA entraîne une réduction de l'activité métabolique intrinsèque ce qui a pour effet de réduire la production et la libération des NTs nociceptifs habituellement observés lorsqu'un influx nociceptif arrive au niveau du bouton pré-synaptique (Voir: LA TRANSMISSION D'UN INFLUX DANS L'ESPACE SYNAPTIQUE: LES NTs "INHIBITEURS", L'HYPERPOLARISATION ET LES EFFETS SUR LE BOUTON PRE-SYNAPTIQUE ET LE NEURONE CENTRAL)

    • Au niveau de la membrane post-synaptique autant du corps cellulaire que de ses dendrites, l'activation des récepteurs de type sérotoninergiques, adrénergiques, opiacés et de type GABA entraîne une "hyperpolarisation "prolongée". Cette hyperpolarisation de la membrane post-synaptique entraîne un niveau de "voltage" transmembranaire encore plus négatif que le potentiel de repos appartenant à ces neurones. Cette hyperpolarisation, qui est en fait une accentuation de la négativité intracellulaire, a pour effet d'empêcher la membrane post-synaptique de réagir à l'arrivée d'un NT nociceptif provenant de la membrane pré-synaptique. La membrane post-synaptique devient donc "non réceptive" au NT nociceptif libéré puisque la dépolarisation provoquée par le NT nociceptif ne peut plus atteindre le seuil d'activation nécessaire à la production d'un influx nociceptif (i.e. un potentiel d'action). (Voir: LE PHENOMENE DE DEPOLARISATION "MEMBRANAIRE" et LA TRANSMISSION D'UN INFLUX DANS L'ESPACE SYNAPTIQUE: LES NTs "INHIBITEURS", L'HYPERPOLARISATION ET LES EFFETS SUR LE BOUTON PRE-SYNAPTIQUE ET LE NEURONE CENTRAL)

D'une façon comme d'une autre, il en résulte une très nette réduction du nombre d'influx nociceptifs prenant la direction des centres supérieurs soit parce que moins de NTs nociceptifs sont libérés, soit à cause de l'impossibilité pour les NTs nociceptifs qui restent de provoquer une dépolarisation suffisante de la membrane post-synaptique pour créer un influx nociceptif. Moins d'influx signifie moins de douleur!

L'effet portillon s'exerce en autant que la corne postérieure reçoive la profusion d'informations sensitives de toutes sortes, nociceptives et autres qu'elle devrait recevoir, or, cette profusion d'informations est en équilibre homéostatique et respecte une "chimie architecturale" merveilleusement bien orchestrée. Lorsque cette "chimie architecturale" est perdue, c'est-à-dire, lorsque des lésions sont causées au niveau des différentes fibres sensitives périphériques transportant des influx autres que nociceptifs, ce qui concerne les fibres A alpha, A bêta et certaines fibres A delta, il se produit alors un déséquilibre dans l'arrivée des informations sensitives de toutes sortes. Ce déséquilibre a pour effet de faciliter le transfert des influx nociceptifs au niveau de la corne postérieure en raison, pour une part, de la réduction des inhibitions homéostatiques normalement présentes par l'intermédiaire de l'activation des interneurones décrits plus haut.

La perte des influx en provenance des fibres larges (A alpha et A bêta) et des fibres A delta non-nociceptives i.e. la destruction de ces fibres conduit à l'ouverture du portillon i.e. conduit à la facilitation du transfert, sans aucune forme d'inhibition, de tous les influx nociceptifs en provenance des fibres nociceptives petites (A delta et C). L'effet portillon segmentaire est alors perdu.

La théorie du Contrôle Inhibiteur Diffus induit par la Nociception (CIDN) a été développée plus récemment. Cette théorie fait appel à un ensemble de structure débutant avec les neurones à convergence (WDR). Les WDR donnent origine principalement au faisceau paléo-spino-thalamique et à un de ses sous-faisceaux, le spino-réticulaire. Un sous-groupe de fibres de ces réseaux se projettent vers de nombreuses structures de la formation réticulée bulbaire dont particulièrement le noyau Subnucleus Reticularis Dorsalis dont les neurones ont comme particularité de répondre à tous les types de stimuli nociceptifs peu importe leur origine (peau, muscles/os/articulations, viscères).

Les WDR de la couche V de la corne postérieure sont soumis en permancence à tous les types d'afférences sensorielles et à tous les types d'afférences nociceptives ... si des afférences nociceptives sont présentes. Or, toute survenue d'une information nociceptive sur un certain nombre de neurones WDR est d'abord "fondue" avec les autres informations dans le bruit de fond somesthésique auquel est soumis le WDR.

Cependant, la survenue d'une stimulation nociceptive et le transfert de cette information sur un certain nombre de WDR a pour effet d'activer le sous-groupe de fibres paléo-spino-thalamiques et spino-réticulaires décrit plus haut ce qui a pour conséquence d'activer de façon particulière certaines structures des centres supérieurs dont le noyau Subnucleus Reticularis Dorsalis de la formation réticulée bulbaire. Ce noyau spécifique semble se comporter comme un "premier senseur" nociceptif et il agit immédiatement à la moindre réception de signaux nociceptifs. Il agit cependant d'une étrange manière car il effectue alors une inhibition non pas du transfert des influx nociceptifs aux étages concernés mais une inhibition de l'ensemble des signaux sensoriels de base arrivant à la fois sur les WDR concernés et à la fois sur les WDR des autres étages segmentaires non concernées par les transferts nociceptifs. Ce faisant, il réussit à isoler les transmissions pour ne conserver que "les fréquences nociceptives" qui se trouvent alors "mieux perçues" en raison de la réduction du bruit de fond multisensoriel habituel. Le noyau Subnucleus Reticularis Dorsalis augmente ainsi les contrastes entre les transmissions nociceptives et les transmissions sensorielles non-nociceptives.

Un tel mécanisme semble paradoxal à première vue puisque les Contrôles inhibiteurs induits par la stimulation nociceptive ont pour effet dans un premier temps "d'amplifier" ou de "faciliter" la neurotransmission des messages nociceptifs. Tout se déroule comme si ces CIDN réussissaient à réduire la fonction de poly-convergence des WDR qui pour une période donnée ne deviennent réceptifs qu'aux influx nociceptifs.

Une fois les influx nociceptifs bien isolés et bien interprétés, ces influx nociceptifs deviennent alors soumis à l'ensemble des influx inhibiteurs descendants qui reçoivent alors la permission de s'exprimere et de jouer alors leur plein rôle de réduire la neurotransmission nociceptive aux étages segmentaires concernés.

Comme autre particularité des CIDN, ceux-ci peuvent être inhibés par la morphine ce qui a pour effet de "rétablir" et peut-être même d'accentuer le bruit de fond somesthésique provenant de l'ensemble des afférences sensorielles et arrivant sur les neurones à large convergence (WDR). Ce faisant, le message nociceptif se trouve ainsi de nouveau "dilué" au sein des multiples messages sensoriels puisque les CIDN ne peuvent plus isoler le signal nociceptif pour un certain moment.

92 - Le faisceau spinothalamique: ses deux subdivisions (paleo et neo)

Le faisceau spinothalamique connaît deux subdivisions:

  • paléo-spinothalamique
    et
  • néo-spinothalamique.

Le FAISCEAU NEO-SPINOTHALAMIQUE se charge particulièrement de la fonction de transporter la NOCICEPTION à laquelle s'ajoute la composante "PROPRIOCEPTION NOCICEPTIVE", c'est donc dire une information "DOULEUR" à laquelle s'ajoute en même temps les informations portant sur la localisation, l'intensité en terme d'échelle de douleur, la surface et la durée pour la ou les douleurs concernées.

Ce faisceau reçoit des messages provenant en nette prédominance du réseau somatique et il est composé de fibres myélinisées "A delta".

Le réseau viscéral nociceptif, quant à lui, n'est pas muni du raffinement proprioceptif que le réseau somatique possède, de plus, il "transmet" surtout par les fibres "C". Il contribue donc peu au faisceau néo-spinothalamique mais contribue beaucoup au faisceau paléo-spinothalamique.

Le FAISCEAU PALEO-SPINOTHALAMIQUE quant à lui, transporte l'information NOCICEPTION à laquelle s'ajoute la composante "EMOTION NOCICEPTIVE", c'est donc dire une information "DOULEUR" à laquelle s'ajoute en même temps les informations portant sur les composantes affectives et comportementales pour la ou les douleurs concernées.

Ce faisceau est composé de fibres "C". Il transporte aussi les informations concernant le toucher léger superficiel.

93 - Le faisceau neo-spinothalamique

Après avoir fait synapse avec les fibres périphériques, le faisceau néo-spinothalamique fait son ascension directement vers le thalamus. Dans sa portion centrale, il ne fera synapse qu'une seule autre fois à partir de son entrée dans la moelle au niveau de la corne postérieure et ce jusqu'au thalamus, on le dit monosynaptique. Le fibres de ce faisceau sont dirigées vers le thalamus et vers certains noyaux préférentiels seulement. A partir du thalamus, une troisième longueur d'axones se rend spécifiquement dans le cortex pariétal sensitif où se font la réception (cortex pariétal primaire (S1) et l'intégration (cortex paritétal secondaire (S2) du message "DOULEUR" et "TOUCHER SUPERFICIEL". (Voir: LE POINT D'ARRIVEE DES INFLUX NOCICEPTIFS: LES ETAGES SUPERIEURS "MODE SENSORIEL" ET "MODE AFFECTIF")

Il importe de préciser qu'aucune composante affective ou émotionnelle n'est incluse dans la transmission par le faisceau néo-spinothalamique.

94 - Douleur = nociception: trop simpliste

Soutenir que la douleur ne puisse être que la simple perception de la nociception serait donc une affirmation beaucoup trop simpliste, immensément trop simpliste, parce que...

95 - Douleur = intégration

Quand on réfère à la douleur, on réfère bien sûr à la nociception, mais on réfère aussi à l'intégration d'une multitude d'autres influx physiques et non-physiques, le tout se déroulant dans une même et unique personne: celle qui a mal. Le faisceau paléo-spinothalamique n'est pas étranger à ce processus complexe d'intégration.

96 - Le faisceau paleo-spinothalamique et les autres

En fait, le vieux, très vieux faisceau paléo-spinothalamique avec les autres faisceaux, spino-réticulaires, spino-mésencéphaliques et spino-solitaires viennent se charger de nous rappeler que le phénomène de douleur globale ou totale n'est pas qu'une vue de l'esprit, il possède aussi son substrat anatomo-physiologique. (Voir: LE POINT D'ARRIVEE DES INFLUX NOCICEPTIFS: LES ETAGES SUPERIEURS "MODE SENSORIEL" ET "MODE AFFECTIF")

Le faisceau paléo-spinothalamique nous vient en héritage de la nuit des temps, du temps où dans l'évolution de la vie, nos "arrières-arrières-arrières" grands-parents étaient ... des poissons. Du temps où la nature était fort économe et ne pouvait se permettre de fabriquer autre chose que des fibres C, toutes petites et sans gaine protectrice de myéline.

C'est au moyen des fibres "C" que nos arrières-arrières-arrières grands-parents les poissons ont commencé à éprouver de la douleur.

Plus tard, beaucoup plus tard, avec le développement des espèces et jusqu'à l'aboutissement de l'homo sapiens sapiens d'aujourd'hui, se sont ajoutés des centres nerveux de plus en plus élaborés et complexes dans le cerveau. A travers ce lent processus d'évolution et d'adaptation, le système nerveux central s'est toujours "préoccupé" de faire parvenir vers des centres nerveux désignés, une portion de l'information douloureuse, en "branchant" un certain nombre de fibres C nociceptives à ces différents centres.

C'est ainsi qu'aujourd'hui, le cerveau humain reçoit, principalement

  • par l'intermédiaire du faisceau paléo-spinothalamique
     
mais aussi par les faisceaux
  • spino-réticulaires (portion médullaire antéro-latérale)
  • spino-mésencéphaliques (portion médullaire antéro-latérale)
    et
  • par quelques autres faisceaux (spino-solitaires et autres) encore plus ou moins bien connus,


des informations "NOCICEPTIVES" dans de nombreuses zones impliquées dans la gestion et l'intégration de la vie émotive et comportementale.

Parmi ces zones recevant des messages électriques "NOCICEPTIFS", il importe de retenir:

  • la formation réticulée dans la région du "nucleus reticularis gigantocellularis"
  • le système limbique
  • certains noyaux thalamiques différents de ceux impliqués dans le relais néo-spinothalamique
  • la substance grise périaqueducale (mésencéphale)
  • le cortex frontal.

Ces différentes zones sont à leur tour interconnectés pour ajouter encore plus d'effets modulateurs sur les influx reçus.

Il est bien connu par exemple que le système limbique est responsable de la gestion de nos humeurs, c'est-à-dire du monde complexe de toutes nos émotions.

Le cortex frontal quant à lui, est responsable en bonne partie de notre comportement social, pour ne citer que ces deux exemples.

Le FAISCEAU PALÉO-SPINOTHALAMIQUE ayant dû s'adapter, de même que les autres faisceaux "NOCICEPTIFS", à la complexification du cerveau des différentes espèces, est devenu, à travers l'évolution, un réseau multi-étagé, c'est-à-dire un réseau auquel se sont ajoutées de nombreuses "projections" axonales. Chaque "projection" permettait ainsi d'allonger le faisceau, de le prolonger vers de nouvelles zones et de nouvelles structures et donc d'entraîner une intégration de plus en plus élaborée des informations. C'est ainsi que l'on réfère au faisceau paléo-spinothalamique, dans le jargon, comme étant un réseau muni de nombreux relais synaptiques, on le qualifie de polysynaptique.

Il importe de préciser qu'aucune composante proprioceptive n'est incluse dans la transmission par le faisceau paléo-spinothalamique.

Le faisceau néo-spinothalamique pour sa part, datant d'une époque beaucoup plus récente, est demeuré monosynaptique à partir de son origine dans la moelle au niveau de la corne postérieure et ce jusqu'au thalamus.

Les influx nociceptifs ainsi transmis par l'intermédiaire de plusieurs structures (paléo-spinothalamique) arrivent enfin aux différentes composantes du système limbique où se fera l'intégration de la composante "EMOTIVE" des douleurs.

97 - La douleur: définition (Internal Association for the Study of Pain (IASP))

La douleur est donc beaucoup plus que la perception de la nociception, puisqu'elle englobe des informations gérées à la fois par les circuits

  • somato-sensoriels (faisceau néo-spino-thalamique - noyaux thalamiques ventro-latéral postérieur (VLP) et complexe nucléaire postérieur (PO) - cortex somesthésique pariétal primaire (SI) i.e. l'homonculus

et

  • affectivo-comportementaux (faisceau paléo-spinothalamique - noyaux thalamiques parafasciculaires, dorso-médians (NDM) et centro-médians (NCM) et certains noyaux intra-laminaires - structures limbiques (amygdale), hypothalamus et structures corticales associatives (cortex cingulaire)

(Voir: LE POINT D'ARRIVEE DES INFLUX NOCICEPTIFS: LES ETAGES SUPERIEURS "MODE SENSORIEL" ET "MODE AFFECTIF")

L'International Association for the Study of Pain (IASP) a suggéré à partir de 1986 une définition de la douleur que l'on retrouve encore comme un classique un peu partout dans la littérature.

Une portion de cette définition s'énonce comme suit:

La douleur est "... une expérience désagréable, sensorielle et émotive associée avec des dommages tissulaires actuels ou potentiels..."

98 - La douleur: définition "révisé"

Cependant, dans les contextes de douleurs physiques avec un substrat organique en cause (cancer, SIDA, autres pathologies organiques débilitantes) et tout particulièrement à la lumière de ce qui a été décrit précédemment, il serait possible d'imaginer une sorte de définition révisée qui pourrait être énoncée ainsi:

La douleur est: "... une expérience désagréable, sensorielle et émotive, associée, à son point de départ, avec des dommages tissulaires actuels ou potentiels ... et résultant de l'intégration d'un mal dans la chair et dans l'être."

99 - La douleur: définition d'une personne qui avait mal

Une personne qui avait mal, rencontrée un jour dans le cadre d'une consultation en soins palliatifs, a fourni, en quelques mots, probablement la plus élégante et la plus complète définition de la douleur. Elle témoignait, dans des mots simples, de la résultante finale de l'intégration des différentes informations douloureuses et émotives dans une même personne.

L'énoncé de cette personne avait été d'une brièveté et d'une sobriété percutante. Ses quelques mots s'énonçaient ainsi:

"J'ai tellement mal que je suis mal.".

Une telle affirmation s'avère tout le contraire de l'énoncé empreint du classicisme gréco-latin:

"Anima sana in corpore sano". (Une âme saine dans un corps sain)

Ces quelques mots marquaient et marquent encore probablement aujourd'hui une très précise et très précieuse définition du concept de douleur globale ou douleur totale.

100 - Douleur et souffrance

Il devient donc important à partir de maintenant de bien dissocier deux termes souvent utilisés de façon confondante soient DOULEUR et SOUFFRANCE.

Le terme "DOULEUR" pourrait être réservé à la douleur physique, c'est-à-dire à la perception de la nociception pure.

Le terme "SOUFFRANCE" pourrait s'appliquer au concept de douleur globale, c'est-à-dire à la résultante finale s'exprimant dans un état d'être et découlant finalement de l'intégration entre les informations

  • en provenance des différents circuits nociceptifs
    • néo-spinothalamiques
    • paléo-spinothalamiques
    • spino-réticulaires
    • spino-mésencéphaliques
      et
    • par les autres faisceaux (spino-solitaires et autres) encore plus ou moins bien connus
       
  • celles gérées par les circuits somato-sensoriels
  • celles gérées par les circuits affectivo-comportementaux.

Dans plusieurs contextes pathologiques où maladies et douleurs se côtoient, les composantes affectives et comportementales découlent à la fois des impacts provoqués par la douleur physique et à la fois des impacts provoqués par le fait d'avoir telle ou telle maladie. Ces mêmes composantes sont ressenties dans différentes dimensions de la vie "non-physique" qui seront discutés ultérieurement. Le contexte des soins palliatifs oncologiques est souvent une touchante illustration de ces affirmations.