Le traitement du cancer du sein a été révolutionné par les découvertes quant à la sensibilité de certaines cellules tumorales aux œstrogènes et aux progestatifs. Le traitement hormonal couplé au traitement standard de chimiothérapie et de radiothérapie est devenu la norme. Ces traitements sont résumés au tableau XI pour les cancers du sein aux stades I, II et III, et au Tableau XII pour le cancer du sein au stade IV, donc métastatique.
Tableau XI
Résumé des traitements du cancer du sein non métastatique
(recommandations variables selon les cas)
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Traitements
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Indications
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Remarques particulières
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Chirurgies : Mastectomie partielle ou totale
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Tous les cancers invasifs du sein chez une patiente en bonne condition générale
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Reconstruction mammaire immédiate ou différée si la patiente le désire après une mastectomie totale.
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Analyse du ganglion sentinelle : dissection axillaire complète si positive
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Pour tout cas de cancer du sein opérable (sauf les cancers in situ)
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La sensibilité de l’identification du ganglion sentinelle dépend de l’expertise du chirurgien
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Pour les tumeurs de plus de 1 cm.
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A faire chez presque toutes les femmes, après la mastectomie partielle pour réduire le risque de récidives locales.
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Thérapies adjuvantes, le plus souvent données après la chirurgie :
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Pour toute patiente dont un ganglion axillaire est atteint.
Pour les tumeurs de plus de 1 cm.
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Inutile pour les cancers in situ
Décision individuelle par l’oncologue.
Ces traitements peuvent être donnés en combinaison.
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Radiothérapie adjuvante
(après la chirurgie)
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Pour presque toutes les femmes après la mastectomie de façon à réduire le risque de récidives locales.
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Ne fait pas pas habituellement partie du traitement des cancers in situ avec une marge de résection saine.
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Thérapie hormonale
adjuvante
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Si récepteurs oestrogéniques et (ou) progestatifs positifs
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Pour les femmes ménopausées :
Soit Tamoxifène 5 ans suivi d’un inhibiteur de l’aromatase,
Soit Tamoxifène 2 à 3 ans suivi d’un inhibiteur de l’aromatase,
Soit un inhibiteur de l’aromatase pour 5 ans à 10 ans.
Inhibiteur de l’aromatase d’emblée pour 5 ans (à 10 ans ?) si intolérance au Tamoxifène
Pour les femmes non ménopausées :
Tamoxifène ou ablation ovarienne dans certains cas (chirurgicale ou par les analogues de la RHRH).
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Pas de thérapie hormonale si les récepteurs hormonaux sont négatifs.
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Chimiothérapie cytotoxique adjuvante
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Pour toute patiente dont un ganglion axillaire ou plus est atteint.
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À considérer pour une femme en bonne condition générale à risque de récidive, surtout si les récepteurs hormonaux sont négatifs
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Trastuzumab
(Herceptin)
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Si tumeur avec surexpression de l'oncogène HER2 et risque élevé de récidive
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Risque de toxicité cardiaque: ne pas donner en même temps qu’une anthracycline
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La découverte du tamoxifène dans les années soixante a modifié considérablement le traitement du cancer du sein et ouvert les possibilités de traitement hormonal de ce cancer. Le tamoxifène est un dérivé oestrogénique dont la puissance oestrogénique a été réduite au maximum : en se fixant aux récepteurs œstrogéniques et progestatifs il empêche les œstrogènes endogènes de s’y fixer. Il bloque ainsi le développement des cellules cancéreuses, essentiellement celles sensibles aux œstrogènes. Le tamoxifène fait partie d’un groupe de molécules nommées modulateurs sélectifs des récepteurs œstrogéniques (SERM en anglais).
Il est utilisé comme traitement adjuvant, quelque soit l’âge des patientes, lorsque la tumeur exprime des récepteurs aux œstrogènes. Son effet bénéfique se manifeste surtout dans les cinq premières années de son administration. De plus, il réduit le risque d’apparition d’un deuxième cancer du sein de près de cinquante pour cent. Mais il induit chez les femmes non ménopausées l’équivalent d’une castration, donc une ménopause temporaire qui peut durer plusieurs années après l’arrêt de la médication, ce qui est bénéfique en terme de réduction des récidives.
Le blocage des récepteurs œstrogéniques par le tamoxifène explique les effets secondaires de type ménopausiques ressentis par les patientes, comme les bouffées de chaleur et la prise de poids. Paradoxalement, cet œstrogène faible peut aussi provoquer des effets œstrogéniques (effets agonistes) comme une augmentation de la densité osseuse, une augmentation des sécrétions vaginales, des saignements utérins anormaux ainsi que des complications thromboemboliques. Le risque de cancer de l’endomètre, cancer plus aisément traitable que le cancer du sein, est légèrement augmenté chez ces patientes qui sont donc avisées de consulter en cas de saignement utérin. Globalement, les bénéfices du traitement l’emportent largement sur les risques. Il faut effectuer une biopsie utérine pour tout saignement anormal chez une femme sous Tamoxifène. Il n'es pas requis de procéder à une échographie pelvienne endovaginale annuelle pour toutes les femmes sous tamoxifène. Mais si une échographie est faite, on doit procéder à une biopsie de l'endomètre dès que celui-ci mesure plus de 5 mm.
Le traitement hormonal est un traitement souvent proposé aux femmes ménopausées atteintes d’un cancer du sein métastatique. On l’offre aux femmes dont la tumeur primaire était hormonosensible. Les réponses cliniques peuvent être visibles rapidement, en quelques mois à peine, chez les femmes avec un cancer du sein avancé ou métastatique. Mais le traitement hormonal peut temporairement provoquer une exacerbation, sur quatre semaines habituellement, des symptômes du cancer (douleur, possible hypercalcémie). Une résistance au tamoxifène peut survenir après un certain temps ou dès le départ (secondaire ou primaire). Les cellules résistantes au tamoxifène demeurent sensibles à l’effet hormonal et d’autres molécules peuvent être essayées, comme les inhibiteurs de l’aromatase. L’acétate de mégestrol (Megace) n’est plus utilisé dans le traitement du cancer du sein.
Les inhibiteurs de l’aromatase font partie de l'arsenal de traitement hormonal du cancer du sein chez les femmes ménopausées. Ils sont administrés comme traitement adjuvant ou au stade métastatique du cancer du sein (30 % environ de réponse) : ils se lient sur le site d’action de l’aromatase, l’enzyme qui convertit les androgènes en œstrogènes. En effet, l’aromatase ovarienne et surrénalienne permet la transformation de l’androstènedionne (un androgène) en oestriol et œstrone. L’anastrozole (Arimidex), le létrozole (Fémara) et l’exemestane (Aromasin) sont des inhibiteurs de l’aromatase très utilisés actuellement. Leurs effets indésirables les plus importants sont des arthralgies et des myalgies qui peuvent être invalidantes. Ils provoquent moins de thromboembolies et de cancer de l’endomètre que le tamoxifène mais peuvent augmenter le risque d’ostéoporose et d’hyperlipidémie. On comprend leur inefficacité chez les femmes qui ne sont pas encore ménopausées en raison du taux élevé d’œstrogènes ovariens. De plus, leur innocuité dans ce contexte est encore inconnue.
La suppression de la fonction ovarienne chez les femmes qui ne sont pas encore ménopausées est un traitement bénéfique possible pour les patientes dont la tumeur exprime des récepteurs aux œstrogènes : on peut supprimer cette fonction par chirurgie mais aussi de façon moins agressive et temporaire par des analogues de la LHRH. Ces molécules agissent en saturant les récepteurs de l’hypophyse qui ne sera plus alors sensible aux autres stimuli et cessera de stimuler les ovaires. Avant la survenue des symptômes classiques de ménopause provoqués par les analogues de la LHRH, il est important de savoir qu’en début du traitement il surviendra une stimulation temporaire des ovaires et donc une sécrétion accrue temporaire des œstrogènes avec une possible recrudescence des symptômes du cancer. On administre donc un anti-œstrogène comme le tamoxifène quelques jours avant le début du traitement. La demi-vie des agonistes de la LHRH est brève : ils ne peuvent donc pas être administrés oralement, mais des hautes doses sous-cutanées s’approchent de l’efficacité des traitements intraveineux. On peut aussi les administrer en inhalateur nasal, en implants ou micro sphères biodégradables injectés en intra musculaires .
Des outils diagnostics qui mesurent simultanément l’expression de plusieurs gènes dans la tumeur (Oncotype DX, Endopredict, Breast Cancer Index) ont été mis sur le marché mais aucun ne peut actuellement guider le choix du traitement. Ces outils tentent de diviser les patientes avec un cancer du sein précoce en trois catégories : celles à faible risque de récidive pour qui le tamoxifène seul suffirait, celles à risque élevé de récidives pour lesquelles la chimiothérapie adjuvante devrait être ajoutée au tamoxifène et celles dans une catégorie de risque intermédiaire pour lesquelles il n’y a pas encore de consensus (études en cours) .