Le suivi médical pour détecter les récidives et la consultation en spécialité au besoin

Fiche de détection d’une récidive d’un cancer du sein

Le cancer du sein est maintenant considéré comme une maladie chronique : il peut récidiver plus de 20 ans après le traitement. La majorité des rechutes, soit 80 %, surviennent dans les cinq premières années. Les taux de survie diminuent au fil des ans, avec une survie relative de 70 % vingt ans après le diagnostic comparé à 88 %  et 82 % 5 et 10 ans après le traitement 1 2.

La moitié des cancers du sein récidiveront dans les dix années qui suivent le traitement, le quart localement, les autres trois quarts sous forme de métastases. Le médecin de famille est bien placé pour suivre ces patientes et les référer au besoin au spécialiste puisque rares sont les récidives qui surviendront au moment des rendez-vous de suivi de routine en spécialité. En effet, environ 60% des récidives locales ou régionales (ganglions axillaires et sus-claviculaires) se présentent entre les visites prévues 3 4.

Les soins aux femmes survivantes du cancer comportent 4 facettes : surveillance et dépistage, prise en charge des effets indésirables long terme des traitements, promotion de la santé et coordination des soins 5 6. En effet, une canadienne sur 107 a un diagnostic de cancer du sein posé dans les 10 dernières années, dont la majorité (93%) aux stades I à III: le médecin de famille est donc souvent confronté à ces patientes dans sa pratique quotidienne.

Le Groupe anglais NICE, l’Association Américaine d’Oncologie Clinique et le Groupe d’Étude Canadienne sur les Soins de Santé Préventifs ont émis des recommandations quant au suivi recommandé après un traitement pour cancer du sein 7 8 9. Celles-ci ont été reprises dans une publication récente du Médecin de famille Canadien 10. Ils recommandent de revoir régulièrement les patientes essentiellement dans le but de détecter précocement des récidives locales au même sein et à l’autre sein ainsi qu'au adénopathies régionales (axillaires, sus-claviculaires): ce suivi clinique devrait se faire aux 3-6 mois pour 1-3 ans, aux 6-12 mois pour 2 ans puis annuellement 11. On recherche au questionnaire des symptômes thoraciques ou aux aisselles et des symptômes métastatiques possibles, au foie, aux poumons, aux os ou au cerveau, les sites les plus fréquents de métastases. L'auto-examen des seins par la patiente est recommandé à la même fréquence, qui doit être avisée de consulter sans délai en cas d'anomalies.

Le dépistage des autres cancers doit être fait comme pour la population en général (cancer colorectal, cancer du col utérin). On encourage l'arrêt du tabac et une saine alimentation associée à une perte de poids si présence d'obésité (facteur de risque de cancer). Le dépistage de l'ostéoporose aux 2-3 ans par une densité osseuse est recommandé, surtout si la patiente est sous traitement hormonal.

On recherche des complications des traitements, dont le lymphoedème au bras, la fatigue, l'anxiété, la dépression, l’insuffisance cardiaque et les symptômes de privation oestrogénique (chaleurs, atrophie génitale, difficultés sexuelles) 12 13.

Des évidences (niveau III) semblent démontrer un avantage pour les patientes à se faire examiner régulièrement ainsi : l’examen physique des seins et des aires ganglionnaires axillaires et sus-claviculaires, associé à une mammographique annuelle fait donc l’objet de consensus 14. Par contre, la résonance magnétique ne doit pas être utilisée de routine mais elle peut être utile pour caractériser une image suspecte à la mammographie dans un sein irradié. Il n'est pas utile non plus de procéder à une recherche agressive (imagerie, prises de sang) de possibles métastases asymptomatiques puisque cette recherche n'améliore pas la survie des patientes. Ceci doit être expliqué aux patients inquiètes 15.

L’examen physique inclut l’examen gynécologique habituel (aux 2 ans) mais de façon plus rapprochée si la patiente a reçu du tamoxifène: aux 3 à 6 mois pour les trois premières années, puis aux 12 mois à vie par la suite.

Les examens mammographiques annuels sont débutés habituellement un an après la chirurgie initiale.

La patiente devrait être au courant des signes et symptômes à surveiller pour lesquels elle devrait communiquer avec son médecin sans délai : douleur, inconfort ou nouvelle masse au sein ou à l’aisselle, nodules cutanés au thorax douleurs au dos, au thorax ou à l’abdomen, céphalées nouvelles ou persistantes, perte de poids, faiblesse, toux et dyspnée, symptômes neurologiques focaux de possibles métastases cérébrales Exemples de cancer du sein selon le stade

De façon pratique, la patiente devrait savoir qui contacter sans délai à l’apparition de signes ou symptômes nouveaux. L’infirmière pivot en oncologie et le médecin de famille sont les deux professionnels en première ligne faciles à rejoindre. Le médecin de famille devrait vérifier si le nouveau symptôme est de nature possiblement cancéreuse ou non. Il devrait ensuite procéder rapidement à l’investigation nécessaire et contacter le spécialiste si la récidive est confirmée ou possible. Ce dernier complètera alors l'investigation et vérifiera si la patiente pourrait recevoir un traitement, même non curatif, dans l’optique de préserver le plus longtemps possible sa qualité de vie.

Les omnipraticiens sont confrontés relativement souvent à des cas de cancers du sein métastatiques, souvent chez des femmes âgées ou frêles. Ils ne doivent pas hésiter à référer ces patientes au spécialiste. En effet, la thérapie hormonale peut être une option efficace pour celles dont les récepteurs oestrogéniques ou progestatifs sont positifs, et ce, même si la possibilité d’une rémission pathologique complète est inférieure à celle qui aurait été procurée par la chimiothérapie 16. La réponse à ces agents devrait être évaluée après 3 mois : si la tumeur est stable ou même plus petite, on les poursuit pour au moins 6 mois. Si la tumeur progresse, les patientes sous tamoxifène peuvent passer aux inhibiteurs de l’aromatase ou vice-versa. Tableau XII

Les patientes non ménopausées traitées pour un cancer du sein qui désirent une méthode contraceptive réversible devraient se voir proposer en premier lieu le stérilet cuivré ou des méthodes barrières comme le condom ou le diaphragme. Il n’y a pas de données disponibles pour garantir la sécurité des femmes qui utiliseraient une méthode contraceptive progestative après un traitement pour un cancer du sein, même pour les stérilets hormonaux. La Société des Gynécologues et Obstétriciens Canadiens a donc émis la recommandation de ne proposer ces méthodes qu’en dernier recours, lorsque les bénéfices l’emportent sur les risques théoriques, en informant bien les patientes de ceci 17.

 

Tableau XII -

Recommandations simplifiées de traitements pour le cancer du sein métastatique HER 2 négatif.

Femmes post ménopausées avec récepteurs œstrogéniques/progestatifs positifs

  • Inhibiteurs de l’aromatase d’emblée si non essayés encore ou cessés depuis plus de 12 mois, ou Tamoxifène d’emblée
  • Si progression sous inhibiteurs de l’aromatase : tamoxifène
  • Si progression sous inhibiteur de l’aromatase et tamoxifène, des molécules de troisième ligne peuvent être tentées
  • Si progression rapide et selon la localisation des métastases, chimiothérapie cytotoxique d’emblée

Femmes pré ménopausées avec récepteurs oestrogéniques/progestatifs positifs

  • Agoniste de la LHRH et tamoxifène ensemble ou séquentiels
  • Échec après tamoxifène : suppression ovarienne (ovariectomie bilatérale ou agonistes de la LHRH) sinon inhibiteur de l’aromatase ?
  • Échec après suppression ovarienne et tamoxifène : inhibiteur de l’aromatase

Femmes dont les récepteurs hormonaux sont négatifs

  • Chimiothérapie systémique si possible.
  • Biphosphonates pour toute femme avec métastases osseuses lytiques, surtout si symptomatiques

 

Le trastuzumab (Herceptin) a permis de faire un grand pas dans le traitement du cancer du sein métastatique. Malheureusement, cette molécule est totalement inefficace et donc non indiquée chez environ 75 % des  patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique, celles dont la tumeur ne démontre pas une surexpression de l’oncogène HER 2. Environ la moitié des patientes qui reçoivent le trastuzumab vont répondre au traitement : les réponses cliniques se feront alors sur plusieurs mois à plusieurs années.

Le traitement du cancer du sein localement avancé et du cancer inflammatoire représente un défi : ces deux cancers sont pour la plupart considérés comme inopérables, avec un risque de métastases et de récidives locales très élevé. Grâce à la chimiothérapie néo adjuvante, il est maintenant possible de réduire le volume de certains cancers volumineux du sein pour procéder ensuite à la chirurgie.

La combinaison de la radiothérapie et de la chirurgie améliore le contrôle local dans certains cas, mais améliore relativement peu la survie à 5 ans.

On procède maintenant, lorsque c’est possible, à une chimiothérapie d’induction suivie, lorsque possible, d’un traitement locorégional (radiothérapie et/ou chirurgie) et d’une thérapie hormonale lorsque les récepteurs sont positifs.

On réserve le traitement hormonal néo adjuvant seul aux femmes plus âgées frêles ou celles qui refusent les traitements plus agressifs 18. Pour les femmes avec des récepteurs HER-2 positifs, il est recommandé de leur proposer le trastuzumab.

  • 1. Sisler, J et al ; Suivi après le traitement du cancer du sein Guide pratique des soins aux survivantes à l’intention des médecins de famille ; Le Médecin de famille canadien | VOL 62: OCTOBER OCTOBRE 2016
  • 2. Comité consultatif des Statistiques canadiennes sur le cancer de la Société canadienne du cancer.Canadian cancer statistics, 2015. Special topic: predictions of the future burden of cancer in Canada. Toronto, ON : Société canadienne du cancer; 2015.
  • 3. Worster, A, Wood, M L, McWhinney, I, Bass, M, J. Who provides follow-up care for patients with early breast cancer ? Canadian Family Physician; 1995; 41 : 1314-1320
  • 4. De Bock GH, Bonnema J, van Der Hage J, Kievit J, van de Velde CJH. Effectiveness of routine visits and routine tests in detecting isolated locoregional recurrences after treatment for early-stage invasive breast cancer: a meta- analysis and systematic review. J Clin Oncol 2004;22(19):4010-8.
  • 5. Luctkar-Flude M, Aiken A, McColl MA, Tranmer J. A comprehensive frame- work and key guideline recommendations for the provision of evidence-based breast cancer survivorship care within the primary care setting. Fam Pract 2014;32(2):129-40.
  • 6. Willis A, Hoffler E, Villalobos A, Pratt-Chapman M. National Cancer Survivorship Resource Center toolkit. Provider tools. Implementing clinical practice guide-lines for cancer survivorship care. Washington, DC: George Washington Cancer Institute, American Cancer Society; 2016.
  • 7. Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs www.phac-aspc.gc.ca
  • 8. Khatcheressian, JL, Wolff, AC, Smith, TJ et al. American Society of Clinical Oncology 2006 Update of the Breast Cancer Follow-up and Management Guidelines in the Adjuvant Setting. J Clin Oncol 2006; 24 : 5091-5097
  • 9. Site anglais NICE : National Institute for Health and Clinical Excellence -page spécifique au cancer du sein : www.nice.org.uk
  • 10. Siller, J, Chaput, G, Sussman, J, Ozokwelu, E. Suivi après le traitement du cancer du sein ; Guide pratique des soins aux survivantes à l’intention des médecins de famille. Médecine de famille Canadien oct 2016, vol 62
  • 11. Khatcheressian JL, Hurley P, Bantug E, Esserman LJ, Grunfeld E, Halberg F et coll. Breast cancer follow-up and management after primary treatment: American Society of Clinical Oncology clinical practice guideline update. J Clin Oncol 2013;31(7):961-5. Publ. en ligne du 5 nov. 2012
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  • 14. Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs www.phac-aspc.gc.ca
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  • 16. Hoff, PM, Valero, V, Buzdar, AU, et al. Combined modality treatment of locally advanced breast carcinoma in elderly patients or patients with severe comorbid conditions using tamoxifen as the primary therapy. Cancer 2000; 88 : 2054
  • 17. SOGC /GOC Joint Clinical Practice Guidelines. Progesterone-Only and Non-Hormonal Contraception in the Breast Cancer Survivor : Joint Review and Committee Opinion of the Society of Obstetricians and Gynaecologists of Canada and the Society of Gynecology Oncologists of Canada. Juillet 2006, No.179.
  • 18. Kaufmann, M, Hortobagyi, GN, Goldhirsch, A et al. Recommandations from an international expert panel on the use of neoadjuvant ( primary) systemic treatment for operable breast cancer : an update. J Clin Oncol 2006; 24 : 1940
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