1. Philosophie des soins palliatifs

  1. Définition et objectifs des soins palliatifs

    Les soins palliatifs se définissent ainsi : «L'ensemble des soins donnés à des personnes malades et en fin de vie dans le but ultime de leur maintenir une certaine qualité de vie et de les aider à garder leur dignité jusqu'à la mort». 

    Le «Réseau québécois de soins palliatifs» 1 définit clairement les objectifs des soins palliatifs : 

    • soutenir la vie et considérer la mort comme un processus normal;

    • ne hâter ni ne retarder la mort;

    • atténuer la douleur et les autres symptômes;

    • intégrer les aspects psychologiques et spirituels des soins;

    • offrir un système de soutien pour permettre aux patients de vivre aussi activement que possible jusqu'à leur mort;

    • offrir un système de soutien pour permettre aux proches de com­poser avec la maladie du patient et la période de deuil.

    La philosophie des soins palliatifs, c'est une approche franche et honnête de dialogue entre le malade et ses proches. L'aidant ne se donnera pas comme objectif de guérir la maladie ou de lutter contre la mort; il orientera plutôt ses actions en vue de travailler très fort à atténuer les souffrances du malade, conformément au désir de ce dernier. Ne jamais perdre de vue que le mourant est le guide de toute action : il s'agit de SA mort et il doit participer aux décisions LE concernant. 

    La souffrance en fin de vie est une souffrance «totale» qui peut être d'ordre physique, psychologique ou spirituelle. 

    Le rôle de l'aidant ou de l'intervenant à domicile est «d'être présent» auprès du malade tout en le respectant et en lui laissant son rôle de guide. Le «être là» devient essentiel : prendre le temps d'écouter, sans juger la personne, la laisser s'exprimer selon son rythme, ses désirs, ses croyances, ses peurs et la soutenir en lui apportant toute l'aide possible et en soulageant ses souffrances. 

    Plusieurs aidants émettent des doutes ou des craintes sur leurs compé­tences dans l'accompagnement d'un être cher. Pour dissiper ces pensées négatives, il faut d'abord y aller de tout son cœur et surtout croire en la dignité humaine. Plus tard dans son cheminement, l'aidant pourra toujours acquérir les compétences nécessaires pour prendre soin d'un proche et la plupart du temps, les gens s'étonnent eux-mêmes de ce qu'ils peuvent accomplir. 

    Étudions maintenant de plus près les trois composantes de la souf­france totale en soins palliatifs : 

    LA SOUFFRANCE PHYSIQUE

    Le contrôle de la douleur et des symptômes est essentiel en soins palliatifs et nous y consacrerons un chapitre entier (voir chapitre 5). À ce stade-ci, il est important de comprendre qu'il sera difficile de soulager les autres souffrances, qu'elles soient psychologiques ou spirituelles, si la personne malade ressent d'abord d'intenses douleurs physiques. 

    Un premier geste à poser pour contrôler ces douleurs physiques serait d'utiliser des moyens très simples comme par exemple, installer des coussins de chaleur, donner un massage ou encore s'adonner à des techniques de relaxation. 

    Les médicaments sont omniprésents dans le contrôle de la douleur et des symptômes; l'accompagnant aura alors recours à des profes­sionnels de la santé (pharmaciens, médecins. médecins spécialistes en douleur, infirmières, physiothérapeutes et autres) pour l'aider dans ce volet du maintien à domicile. J'irai même jusqu'à affirmer que pour prodiguer efficacement des soins palliatifs à domicile, une équipe composée d'infirmières et des médecins connaissant bien cette spécialité, devrait être disponible pour la famille et le malade 24 heures par jour. 

    La plupart des problèmes peuvent se régler pendant la journée mais advenant l'apparition d'une complication imprévue ou d'une douleur intense subite, il est fréquemment arrivé que des malades aient dû être hospitalisés car le médecin et/ou l'infirmière n'étaient disponibles que du lundi au vendredi de 9 h à 17 h. Comme si une urgence devait toujours arriver pendant cette période de temps en semaine et jamais le soir, la nuit ou la fin de semaine. 

    Un support téléphonique permanent 24 heures sur 24, géré par des membres compétents d'une équipe de soins palliatifs, suffit à traiter efficacement la grande majorité des problèmes rencontrés. Par con­tre, certains cas nécessiteront une assistance infirmière ou médicale immédiate sur place afin de poursuivre le maintien à domicile. 

    Pendant mes années de pratique en soins palliatifs à domicile, le commentaire le plus souvent porté à mon attention par les proches et les familles, est l'immense sentiment de sécurité qu'apporte le fait que, quoiqu'il advienne, ils ne sont jamais seuls et peuvent rejoindre rapidement, en cas d'urgence, un professionnel compétent, peu importe l'heure. Beaucoup d'entre eux m'ont même affirmé que ce service a fait toute la différence dans la décision de garder ou non à la maison un proche très malade.

    LA SOUFFRANCE PSYCHOLOGIQUE

    La souffrance psychologique ne doit pas être minimisée. Souvent même, c'est la plus difficile à contrôler. La personne qui va bientôt mourir éprouvera toute une série d'émotions et il faudra beaucoup de dialogue, de patience, de souplesse et d'affection pour soutenir cette personne dans ces périodes fortement émotives. Ce soutien sera d'autant plus difficile pour le soignant lui-même en raison du fait que lui aussi devra composer avec ses propres émotions et ne pourra en faire abstraction. Personne ne connait ni n'entend les pensées dans la tête d'une personne en fin de vie. Pour le savoir, il faudra dialoguer avec elle. 

    Le rôle de l'aidant sera d'écouter et «d'être là» lorsque le malade émettra le désir de partager ses états d'âme - c'est là un privilège et non une obligation -. Parfois, l'aidant ne saura trop comment répondre à certaines questions et il devra admettre qu'il n'aura pas nécessairement une réponse à chacune. L'aidant devra être franc et honnête avec lui-même et qu'il le dise au malade s'il n'a aucune réponse pour lui, le cas échéant. L'équilibre ne sera pas toujours facile à trouver et les paroles ne seront pas essentielles non plus. 

    Souvent, un geste tendre, serrer une main ou un sourire chaleureux valent mieux que des mots et apportent réconfort aux deux -laisser parler son cœur, être à l'écoute de cette petite voix intérieure et laisser le malade être LE guide-. Il ne faut pas forcer les discussions si le malade n'est pas prêt. Certains d'entre eux vont mourir sans même jamais avoir parlé de leurs états d'âme à personne. C'est une question de personnalité et de mécanisme de défense face à la souffrance et il faut aussi être prêt, comme aidant, à cette éventualité. 

    Toujours se rappeler que le malade, c'est lui LE guide et c'est de SA mort dont il s'agit. L'accompagner, c'est marcher à côté de lui, non pas devant ni derrière ! Il ne faudra pas non plus hésiter à demander l'aide psychologique d'un professionnel, surtout quand la détresse émotionnelle est trop grande, tant chez le malade que l'aidant. 

    LA SOUFFRANCE SPIRITUELLE

    Les questions d'ordre existentiel portant sur le pourquoi de la vie et de la mort, sur la spiritualité et les pratiques religieuses de la personne malade se poseront à un certain moment. Celle-ci pourrait éprouver de l'angoisse en raison de gestes posés dans le passé ou encore développer un sentiment de culpabilité face à ses croyances religieuses. Encore là, l'aidant devra agir avec respect, ne pas porter de jugements sur la personne ou sur sa confessionnalité et l'aidera à se sentir en paix si elle en exprime le souhait. Il est primordial pour l'aidant d'être à l'écoute en laissant de côté tout préjugé personnel. Pour apaiser les peurs ou craintes face à la mort, il serait peut-être pertinent de prévoir une rencontre entre le patient et un «représentant religieux» de la même confessionnalité que le patient. 

    Le malade en fin de vie éprouvera le besoin de donner un sens à sa vie pour ensuite en donner un à sa mort. Nul ne peut le faire à sa place et il aura probablement besoin d'en parler, surtout d'être écouté. Sa réflexion lui demandera peut-être aussi un peu de soli­tude, d'un temps de repli sur lui-même pour faire le point sur sa vie et d'en dresser le bilan. Tout ce qui précède constitue une étape importante du chemin vers la mort. Pour celui qui ne discute pas de ces questions, cela ne signifie pas nécessairement qu'il n'y songe pas dans ses réflexions. L'aidant devra donc respecter ce cheminement et être présent lorsque le malade s'ouvrira à une réflexion. 

    LES AUTRES SOUFFRANCES

    En plus de ces trois souffrances majeures citées plus haut, d'autres types de souffrances peuvent vraiment devenir un fardeau pour le malade ou sa famille, comme par exemple : les problèmes d'ordre financier, social ou autre. Comme pour les souffrances physiques, psychologiques et spirituelles, on tentera de décharger le plus possible le malade du poids de ses tracas en faisant appel à des personnes ressources pour l'aider en ce sens. 

    Exemple :
    Faire appel à un notaire pour la rédaction d'un testa­ment, demander à rencontrer un planificateur financier pour les questions d'argent, demander à un travailleur social ou un psychologue de parler avec le malade s'il y a des tensions dans la famille. 

    • 1. Cf.: Site web du Réseau québécois de soins palliatifs : www.aqsp.org
  2. Les étapes en soins palliatifs

    L'ANNONCE DE LA FIN PROCHAINE

    Pour bien saisir toute la portée des soins palliatifs, je propose ce petit exercice : mettez-vous dans la peau d'une personne qui a lutté et qui continue encore de lutter contre une maladie très pénible et difficile, en ayant constamment en tête que cette maladie est fatale et que la science ne pourra peut-être pas vous sauver. 

    Entre l'espoir et le désespoir, votre cœur et votre courage vacillent et finalement, le coup de massue : le verdict : «On ne peut plus rien faire pour vous!»; «Vous avez peut-être encore quelques mois à vivre!»; «Restez chez-vous et profitez du temps qu'il vous reste!».

    Souvent, la personne qui doit annoncer la mauvaise nouvelle donnera le diagnostic d'une façon vague et imprécise ou pire encore, elle annoncera sans émotion une mort proche et s'empressera de quitter rapidement la pièce pour ne pas être témoin de la première réaction de son patient. Je ne veux en aucun cas débattre ni faire le procès de qui que ce soit, mais notre société considère encore trop souvent la mort comme un échec et conséquemment, tout est mis en place pour faire taire les personnes et masquer la souffrance : «Attention! Ici c'est un hôpital. Silence!»; «Les cris, les gémissements et les hurlements sont des choses qui ne se font pas... c'est de l'hystérie!». 

    LES ÉTAPES POUR ACCEPTER L'ANNONCE 1

    L'annonce devrait toujours être faite par des professionnels en mesure de comprendre ce que pourrait vivre le patient, le soutenir dans sa détresse tout en le rassurant sur la suite des événements et les possibilités de recevoir de l'aide. Ce n'est pas parce que la science ne peut plus rien faire que le malade est déjà mort Il faut simplement se dire qu'à partir d'ici, tout reste à faire. 

    Les pleurs sont le premier moyen que notre corps possède pour exorciser la souffrance et la douleur. Pleurer peut permettre une amorce de soulagement et le fait de pleurer constitue une réaction normale, mais pas la seule, à l'annonce d'une mort prochaine. D'autres réactions sont toutes aussi normales. 

    Le corps réagit physiquement et émotionnellement en paliers dif­férents, lors de l'annonce d'une très mauvaise nouvelle. C'est en quelque sorte un réflexe automatique, une protection naturelle pour ne pas craquer sous l'impact du choc provoqué par l'annonce de cette nouvelle. Ces «paliers» de réactions sont essentiellement : 

    Le choc émotif :

    La première réaction après l'annonce, c'est le choc. La capacité émotionnelle de la personne ne peut en prendre plus. C'est comme recevoir une gifle ou un énorme coup de masse sur la tête. 

    Cet état de choc peut durer de quelques secondes à quelques heures, selon l'intensité de l'effet surprise et aussi de la personnalité de chaque individu. 

    En état de choc émotif, tout le système nerveux est ébranlé : le pouls s'accélère au point de donner l'impres­sion que le cœur va sortir de la poitrine, le visage devient visiblement pâle, les membres deviennent mous et certains individus vont jusqu'à la perte de conscience. Ce choc émotif peut même entraîner un malaise cardiaque dans des cas extrêmes. La personne peut aussi devenir «hystérique» ou «figée». Dans presque tous les cas, elle agit comme si elle avait perdu tout contrôle sur ses réactions et ses émotions. 

    Exemple :
    Après avoir encaissé un grand choc émotif, la per­sonne retourne à la maison. Une fois rendue à desti­nation, elle ne se souvient plus du tout où elle a garé sa voiture quelques instants plus tôt. 

    Autre exemple :
    Toujours après un grand choc émotif, la personne n'a aucun souvenir de ce qui s'est passé durant son trajet de retour. 

    Il est très important de ne jamais laisser seule une personne en état de choc et le rôle de l'aidant est de l'accompagner en la rassurant et d'attendre qu'elle sorte d'elle-même de son état de stupeur. 

    La négation (refus d'accepter) :

    Le choc n'étant pas encore totalement absorbé, le refus d'accepter la mauvaise nouvelle joue un rôle de «soupape» pour évacuer la pression en trop. La per­sonne tentera alors de nier la réalité. 

    Elle est incapable d'affronter la réalité en face et elle assimilera le choc à un affreux cauchemar qui prendra fin dès son réveil au son d'une voix lui disant que ce n'était qu'un mauvais rêve. Cette réaction est tout à fait normale et permet à la personne de reprendre ses esprits tout en tentant de faire face à la réalité d'une autre façon. 

    Exemple :
    Certaines personnes vont se comporter comme si rien n'était arrivé. D'autres diront que les médecins se sont trompés. D'autres encore, se retrancheront dans un mutisme complet et il sera interdit d'aborder ou de discuter de cette question avec elles ou en leur présence. Le sujet sera dorénavant tabou, car trop souffrant! 

    Certains malades resteront dans cette phase jusqu'à leur mort. Des membres de la famille sont eux aussi susceptibles de garder cet état d'esprit jusqu'à la mort du malade. 

    Le rôle de l'aidant dans cette étape de négation, sera d'écouter avec patience, de respecter la personne sans toutefois entretenir cette négation. De plus, ce sera également à lui, sans confronter ni affronter le malade, de le ramener à la réalité, de replacer les choses dans leur contexte réel. Il ne devra pas non plus forcer un dialogue; il laissera plutôt le temps agir pour que ce dialogue s'installe par lui-même entre lui et le malade. 

    La colère ou la révolte :

    La personne se rend peu à peu à l'évidence de sa mort prochaine et cessera graduellement de nier la réalité. Elle se sentira envahie par un sentiment de colère et/ou de révolte. Cette agressivité pourrait se retourner contre les professionnels de la santé, les proches ou d'autres personnes. Cette étape est nor­male : l'extériorisation de la colère doit absolument se manifester pour d'abord évacuer cette colère et ainsi, progresser vers une acceptation du verdict. 

    Exemple :
    Le malade vous dira : «Pourquoi moi? Qu'ai-je donc fait pour mériter cela?» Il sera en colère, et pourrait refuser de revoir le médecin ou tout autre professionnel de la santé (ou une personne en particulier) qu'il juge responsable de sa maladie. Certains vont même reprocher à leurs familles de ne pas les comprendre car eux, ils ne sont pas malades. 

    Pendant cette étape, l'aidant évitera toute action visant à réprimer cette colère. Au contraire, il devra faire en sorte que le malade l'exprime. Dès lors, l'aidant devra s'armer d'une patience à toute épreuve et démontrer beaucoup d'amour envers le malade. Généralement, c'est durant cette étape que les aidants commencent à prendre leurs distances et s'éloignent progressivement du malade: ils encaissent très difficilement cette agressivité à leur endroit. 

    L'espoir ou le marchandage : 

    Après les émotions difficiles des précédentes étapes, la personne cesse de nier la réalité et entre dans une «phase de négociations» afin de gagner du temps. Elle reprend espoir, n'accepte pas la fin imminente et tente par divers moyens de se raccrocher à la vie. C'est une période d'ambivalence et de marchandage. 

    Exemples :
    Certaines personnes tenteront des cures miracles, voudront recevoir des traitements expérimentaux ou «essaieront» des potions d'herbes naturelles réputées pour lutter contre le cancer. D'autres iront de promesses comme d'assister à la messe chaque dimanche si Dieu les guérit! Ou encore, elles fonderont de grands espoirs dans une éventuelle découverte scientifique qui les guérira ou dans la mise au point d'un nouveau traitement aboutissant au même résultat. 

    Encore une fois, cette étape est humaine et nécessaire. Qui peut prédire avec certitude la date et l'heure de sa mort? L'espoir c'est vivre et l'être humain a été programmé pour vivre et survivre. C'est une réalité fortement ancrée chez certains individus. 

    L'aidant accompagnera le malade dans ses démarches, le respectera dans ses choix et ses décisions. 

    L'espoir réaliste doit être soutenu et même encouragé, mais il faudra éviter le piège facile d'entretenir des mensonges ou de faux espoirs. L'aidant honnête gardera les deux pieds sur terre lorsqu'il constatera que l'espoir entretenu par le malade est irréaliste. Un moyen efficace pour «ramener» le malade à des espoirs moins utopiques, c'est de lui rappeler certains signes et symptômes de sa maladie. Il réalisera ainsi lui-même ainsi le non-sens de cet espoir. 

    Le désespoir ou la dépression :

    Lorsque le malade réalise que sa maladie continue de progresser et que ni le déni, ni la colère ou ni les marchandages vont y changer quelque chose, il aura alors tendance à se sentir déprimé. Il ne peut plus esquiver la réalité d'une mort certaine et il doit s'y préparer. La tristesse et l'isolement s'installent et dans certains cas, la dépression aussi. La peur de souffrir, de mourir seul ou la crainte d'être un fardeau pour les proches se fait de plus en plus présente. 

    Exemple :
    Le malade pleure souvent et exprime sa volonté d'en finir au plus vite. Il argumentera le plus souvent sur sa situation inhumaine et pourrait même aller Jusqu'à réclamer l'euthanasie. Il avouera à des proches qu'il sait qu'il ne s'en sortira pas et qu'il pense mourir bientôt.

    Le rôle de l'aidant à ce niveau sera de l'écouter, de le laisser pleurer et même de pleurer avec lui s'il en a envie. Les pleurs sont l'expression de la tristesse et de l'impuissance à changer les choses. Dans la mesure de ses moyens, l'aidant rassurera le malade et l'aidera à traverser cette douloureuse épreuve. Lui témoigner toute l'affection et l'assurer d'un support constant (... être là!). Rester honnête et répondre aux questions avec délicatesse. Discuter avec des profes­sionnels de la santé le plus tôt possible si les symptômes dépressifs s'amplifient ou pire, si le malade manifeste des tendances suicidaires.

    La résignation ou l'acceptation :

    Après la pluie, le beau temps! Sortie de sa déprime, le malade accepte maintenant l'issue sans souhaiter mourir tout de suite pour autant. Il est calme, en paix avec lui-même et envers les autres. Il parle de sa mort sereinement et peut même donner un sens à sa vie versus sa mort. Pour certains malades, cette même étape se vit différemment : ils communiquent peu ou pas du tout et s'isolent dans leur «bulle» de silence. 

    Exemple :
    Le malade dira : «Je suis prêt à partir, tous mes papiers sont en règle», ou encore : «Je suis content de la vie que j'ai eu et je pars en paix», ou même : «La mort ne me fait plus peur et je souhaite mourir à la maison avec mes enfants à mes côtés».

    Même à ce stade, en apparence plus facile, le malade pourrait encore se décourager ou trouver que la vie est injuste. Le rôle de l'aidant sera d'écouter et de ras­surer. Il devra réaliser qu'il faudra, à lui aussi, respecter la décision du malade et le laisser partir. L'aidant prendra conscience par le fait même de ses propres émotions et les acceptera. 

    Accepter de laisser partir, c'est ne plus se battre contre la mort mais la laisser venir, de la laisser prendre notre être aimé. Ce sont des mots si faciles à dire... 

    Il est possible qu'une personne malade vive toutes les étapes évoquées jusqu'ici. Il est également possible qu'elle «bloque» à une étape en parti­culier et ne jamais vivre les autres. Il arrive même que des individus meurent en pleine période de déni de leur maladie ou en colère. 

    L'acceptation est le but idéalement souhaité :
    «Sommes-nous dans les souliers de celui qui meurt?»

    La vraie question que l'aidant doit se poser avant tout est : 
    «Suis-je prêt, comme aidant, à accepter la mort de mon être cher (ou de mon proche) comme lui le désire?» ou «Est-ce que je souhaite lui faire vivre mon idéal de mort?»

    Il est important de noter que le malade et son aidant vivront ensemble ces mêmes étapes. Le soignant vivra lui aussi ces étapes de détachement progressif, à son propre rythme, en tenant compte de ses limites. Ce rythme sera bien souvent différent de celui du malade lui-même. 

    Certains aidants cheminent très bien et lors du décès de leur proche, ils ressentent une paix bienfaisante et un sentiment de sérénité apaisant. Peu de pleurs et de tristesse au point de s'en sentir coupables : «Suis-je normal? Je ne ressens que peu de peine!». En fait, leur deuil est déjà à moitié fait, car leurs émotions face à la perte ont déjà été vécues au fil des semaines, mais il restera toujours l'absence concrète et réelle à apprivoiser. 

    • 1. Ces étapes sont inspirées du modèle des étapes du deuil de la personne mourante, selon le Dr Élizabeth Kübler-Ross.
  3. La charte des droits du malade mourant

    La plus ancienne charte connue date de 1974 et a été élaborée par la Fondation Kennedy pour la recherche médicale de l'Université Harvard aux États-Unis. Son principe de base étant que le patient a le droit de connaître la vérité sur son état de santé. 

    CHARTE DES DROITS DU MALADE MOURANT

    • Le patient a le droit d'être protégé par le secret pro­fessionnel et il a le droit au respect de sa pudeur;

    • Le patient a le droit d'accepter ou de refuser un traitement;

    • Le patient a le droit de choisir l'endroit où il veut mourir;

    • Le patient a le droit de décider de la disposition de son corps, après le décès.

    En 1975, un groupe de travail, rattaché au Southwestern Michigan in Service Education Council, élabora une charte très complète des droits de la personne en fin de vie. 

    En 1976, elle a été adoptée par le Conseil de l'Europe :

    • j'ai le droit d'être traité comme un être humain jusqu'à ma mort;

    • j'ai le droit de garder espoir, même si les raisons de mon espoir varient;

    • j'ai le droit d'exprimer mes sentiments et mes émo­tions à ma manière concernant l'approche de ma mort;

    • j'ai le droit de participer aux décisions à prendre con­cernant les soins à me donner;

    • j'ai le droit de recevoir l'attention de l'équipe médicale, même s'il devient évident que je ne guérirai pas; 

    • j'ai le droit de ne pas mourir seul;

    • j'ai le droit de ne pas avoir mal;

    • j'ai le droit d'obtenir une réponse honnête à mes questions;

    • j'ai le droit de ne pas être trompé;

    • j'ai le droit d'obtenir de l'aide venant de ma famille afin de pouvoir accepter ma mort, ma famille a le droit de recevoir de l'aide afin de mieux pouvoir accepter ma mort;

    • j'ai le droit de mourir dans la paix et la dignité;

    • j'ai le droit de conserver mon individualité et de ne pas être jugé si mes décisions vont à l'encontre des croyances de ceux qui me soignent;

    • j'ai le droit de discuter et de partager mes expériences religieuses et spirituel/es, même si elles sont dif­férentes de celles des autres;

    • j'ai le droit de m'attendre à ce que l'on respecte mon corps après ma mort;

    • j'ai le droit d'être soigné par des gens capables de compassion et de sensibilité, compétents dans leur profession, qui s'efforceront de comprendre mes besoins et qui sauront trouver la satisfaction eux-­mêmes dans le support qu'ils m'apporteront, alors que je serai confronté à la mort.

    Cette charte des droits du malade mourant est la plus reconnue en Amérique et en Europe. Elle doit être respectée dans les maisons spécialisées, les hôpitaux et dans tous les établissements de santé au pays. Tous les êtres humains devraient avoir le droit de mourir dans la paix et la dignité, mais ici il s'agit d'un autre débat.