Tentons une définition de la douleur : c'est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable résultant d'une lésion tissulaire réelle ou potentielle. La douleur est subjective et peut dépendre de notre propre perception ou de nos expériences passées face à celle-ci. La douleur est un système d'alarme qui nous prévient que quelque chose ne va pas dans notre corps. Quand une personne est souffrante, toute sa qualité de vie s'en ressent, c'est pourquoi il faut agir.
La seule personne qui peut décrire sa douleur avec précision, c'est le malade lui-même. Le personnel médical ajustera les différents médicaments en fonction de ce que lui dira le malade.
La douleur pourra être aiguë (vive), subite et plus ou moins intense. Elle apparait généralement suite à une blessure ou un malaise subit (fracture d'un membre ou infarctus du myocarde), ou elle pourrait être chronique (secondaire) à une maladie quelconque (arthrite, cancer et autres).
Qu'elle soit aiguë ou chronique, la réaction face à la douleur sera différente d'une personne à l'autre et il sera important d'agir. Donc, avant de prendre des médicaments pour contrer la douleur, il faudra d'abord procéder par étapes :
ÉTAPE 1 - L 'ÉVALUATION DE LA OU DES DOULEURS
Le médecin ou l'infirmière qui visite devra se faire décrire par le malade sa ou ses douleurs. C'est la personne malade qui peut le mieux décrire ce qu'elle ressent.
Il s'agit de décrire avec le plus de précisions possibles :
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la localisation de la ou des douleurs [endroits, irradiations (diffusion de la douleur à d'autres parties du corps, comme par exemple : douleur au côté qui se rend jusqu'au dos)];
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la description précise du malaise (douleur qui est vague, aiguë, en serrements, en crampes, en chocs électriques ou autres);
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la durée et l'intensité de la douleur sur une échelle graduée de 1 à 10 (voir L’échelle de la douleur);
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ce qui aggrave ou soulage la douleur (positionnement, chaleur, froid et autres);
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de bien regarder et examiner la région douloureuse (rougeur, déformation et autres);
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les médicaments utilisés jusqu'à maintenant pour la soulager et leur efficacité.
ÉTAPE 2 - DÉTERMINER DE QUELS TYPES DE DOULEURS IL SAGIT
Il existe deux types de douleurs : les douleurs nociceptives et les douleurs neurogènes.
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Les douleurs nociceptives sont les douleurs qui touchent tous les organes (viscères) comme le foie, les intestins, le cœur, les reins ou ce qui est somatique comme la peau, les os, les muscles, les articulations;
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Les douleurs neurogènes impliquent les nerfs qui sont affectés soit directement ou par compression (ex. : une tumeur qui grossit et qui envahit tout autour d'elle et qui finit par comprimer un nerf).
Il sera important de déterminer le type de douleur car les médicaments utilisés diffèrent selon que la douleur soit osseuse, viscérale ou neurogène.
ÉTAPE 3 - LE TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE
Le choix du médicament que prescrira le médecin dans le but de soulager la douleur, dépendra de la précision avec laquelle la douleur lui aura été décrite.
Généralement, la posologie débutera avec des médicaments à petites doses et augmentera selon les résultats obtenus. Tel que cité précédemment, le malade est le meilleur guide à ce niveau.
Les médicaments antidouleur se nomment : analgésiques. Ils sont classés en deux groupes :
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les non-opiacés;
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les opiacés (ou narcotiques).
Les non-opiacés :
C'est le groupe le plus souvent utilisé et ils sont efficaces pour les douleurs variant de légères à modérées. L'analgésique non-opiacé est le premier médicament prescrit dans le cas de douleurs plus ou moins modérées. L'acide acétylsalicylique (Aspirin MD) et l'acétaminophène (Tylénol MD) sont les plus connus.
Les médicaments non-opiacés se présentent sous différentes formes : pilule, gélule, suppositoire, sirop. Le médecin pourra prescrire la forme qui convient le mieux au patient. Il existe de nouveaux médicaments dans cette catégorie sous différents noms et le médecin, l'infirmière ou le pharmacien pourront vous donner des renseignements précis sur les doses recommandées, les effets secondaires, l'horaire de la prise du médicament et autres informations pertinentes.
Voici quelques exemples de produits avec leurs noms chimiques et leurs marques de commerce :
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l'acétaminophène : Tylénol MD, Atasol MD, Tempra MD;
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l'acide acétylsalicylique : Aspirin MD, Anacin MD, Entrophen MD.
Ces médicaments ne présentent en général que peu d'effets secondaires s'ils sont administrés selon la posologie recommandée. Ils sont aussi des antipyrétiques, d'où leur utilisation en cas de fièvre.
L'effet secondaire le plus observé est la transpiration (sudation). Noter que l'Aspirin MD provoque un éclaircissement du sang (réduit la coagulation du sang).
Les opiacés (ou narcotiques) :
Ce groupe fait partie des médicaments contrôlés (loi sur le contrôle des stupéfiants). Les mauvais usages de ces médicaments peut avoir des conséquences sur la santé d'où la nécessité d'être contrôlés. Ils seront utilisés pour des douleurs de niveaux modérés à sévères. Ils existent aussi sous différentes formes : pilule, suppositoire, injection et autres. La morphine (Statex MD) fait partie de ce groupe.
La simple évocation de ces médicaments effraie le grand public. Pourtant, ils sont fréquemment utilisés. S'ils sont bien utilisés, ils ne comportent pas plus de risques que les autres catégories de médicaments.
Tout est question d'intensité de douleur et de dosage. Si la douleur est peu présente et que de fortes doses d'opioïdes sont utilisées, le malade subira des effets indésirables. Même phénomène dans le cas contraire : si la douleur est trop forte et le patient mal soulagé, il y aura encore ici présence d'effets secondaires indésirables.
Il faut commencer par de petites doses et augmenter selon la tolérance. Le médecin suivra son patient de près pour s'assurer d'une part que la douleur soit bien contrôlée et d'autre part, pour surveiller les effets indésirables.
Chaque individu étant différent, le choix du médicament se fera par le médecin spécialiste en douleurs et sera réajusté en fonction des résultats obtenus. Il n'existe pas de pilules miracles ; il faut donc tenter quelques «recettes» avant de trouver le médicament qui convienne le mieux.
Ne pas se décourager si les résultats ne sont pas immédiatement au rendez-vous !
Les peurs ou mythes qu'il faut abolir avec les opiacés :
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la morphine ne fait pas mourir plus vite;
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la morphine n'est pas utilisée uniquement dans les derniers jours de vie;
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la morphine, si elle est utilisée tôt dans le traitement, pourra encore être efficace si la douleur s'aggrave.
Donc l'accoutumance et la tolérance dans un contexte de soins palliatifs n'est pas un problème;
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la morphine ne rendra pas le malade narcomane;
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la morphine injectable n'est pas plus dangereuse que les pilules : tout est question de dosage;
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ce n'est pas la dernière injection de morphine qui tue le malade, mais bien la maladie.
Toutes les questions que le patient aurait, face à la médication, doivent être posées au personnel médical car il est essentiel de bien comprendre et bien gérer les médicaments (dosage, fréquence des doses, effets secondaires et autres).
Voici quelques exemples d'opiacés souvent prescrits en soins palliatifs pour des douleurs d'intensité modérée à sévère :
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Sulfate de morphine : Morphine MD, Statex MD, Ms Contin MD, Meslon MD;
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Phosphate ou sulfate de codéine : Codéine MD, Empracet MD (avec acétaminophène), Codéine contin MD, Atasol 30 MD (avec acétaminophène);
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Chlorhydrate d'hydromorphone : Dilaudid MD, Hydromorphone contin MD;
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Chlorhydrate d'oxycodone : Percocet MD (avec acétaminophène), Supeudol MD, Oxycontin MD;
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Fentanyl en timbre : Duragésic MD;
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Méthadone: Métadol MD.
Les effets secondaires (reliés aux opiacés) les plus fréquemment rencontrés sont :
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La constipation intestinale;
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La somnolence légère (surtout au début du traitement où lors d'augmentation rapide de dosage);
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Les nausées et vomissements (transitoires, le plus souvent au début du traitement ou lors d'augmentation rapide de dosage; s'ils persistent il faudra traiter les nausées avec des médicaments ou changer l'opiacé);
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L'assèchement de la bouche.
Ces effets secondaires ne seront pas nécessairement présents et d'autres non cités dans ce chapitre pourraient apparaître. L'équipe de soutien à domicile (médecin ou infirmière) devra immédiatement être informée de l'apparition de malaises qui sembleraient être reliés à la médication.
Les coanalgésiques :
Nous avons déjà mentionné qu'il était important d'avoir le bon médicament pour la bonne douleur. Il existe d'autres familles de médicaments souvent utilisés pour contrôler efficacement certains types de douleurs.
En voici une brève liste :
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Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : efficaces entre autres pour l'inflammation des tumeurs, l'arthrite ou la douleur osseuse). L'ibuprofène (Motrin MD, Advil MD), le naproxen (Naprosyn MD), le celecoxib ( Celebrex MD);
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Les anti-inflammatoires stéroïdiens pour l'inflammation : Le Dexaméthasone (Décadron MD);
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Les antidépresseurs à faible dose qui agissent au niveau du cerveau et calment la douleur neurogène légère à modérée (par ex.: les douleurs où un ou des nerfs sont compressés ou atteints par une tumeur qui grossit et envahit tout autour). Pour nommer ceux souvent utilisés :
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les tricycliques : l'amitriptyline (Elavil MD), (Désipramine MD);
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les anxiolitiques qui, en diminuant le stress et les tensions, aident à soulager certaines douleurs comme : le lorazepam (Ativan MD);
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les anticonvulsivants (certains sont utilisés dans les douleurs neurogènes sévères) comme : le gabapentin (Neurontin MD), ou le pregabalin (Lyrica MD)
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Ce qu'il faut retenir : plus la douleur est complexe, plus l'association de différents médicaments deviendra nécessaire pour bien soulager le malade.
Le médecin et l'équipe de soutien à domicile devront assurer un suivi régulier jusqu'à ce que les objectifs de soulagement de la douleur acceptables par le patient, soient atteints. Ces objectifs devront être réalistes car certaines douleurs complexes sont très difficiles à soulager complètement. Il faut aussi un peu de temps pour trouver la bonne association de médicaments pour atteindre cet objectif.
ÉTAPE 4 - LE SOULAGEMENT DE LA DOULEUR SANS MÉDICAMENTS
Il existe différentes façon d'aider au soulagement de la douleur sans avoir recours à la médication. Cela ne signifie pas nécessairement de ne plus prendre de médicaments mais plutôt d'appliquer des thérapies non médicamenteuses en complément à la médication. Il ne faut pas non plus fonder tous ses espoirs dans ces thérapies parallèles : à cet égard, le gros bon sens et l'ouverture d'esprit ont encore leurs places.
En voici quelques-unes :
La relaxation :
La détente par relaxation (respiration calme, méditation, prière, écoute de musique douce) aura pour effet de calmer toutes les tensions musculaires du corps, à récupérer de la fatigue, à évacuer le stress et l'anxiété. Par le fait même, elle permettra aux médicaments d'être plus efficaces ou, s'il y a absence de médications, à soulager la douleur légère;
La technique utilisée pour se détendre importe peu du moment que le malade se sente bien. La bonne technique viendra avec la pratique. Il faudra s'exercer souvent et ne pas attendre que la douleur soit présente pour commencer, car si la relaxation devient une habitude de vie, il sera plus facile de relaxer lorsque la douleur apparaîtra.
Prendre soin de soi :
Par une bonne hygiène de vie : comme bien se nourrir avec de bons aliments, s'hydrater souvent (boire beaucoup d'eau), se reposer par des siestes en journée si trop fatigué, bien dormir la nuit d'un sommeil réparateur, faire des activités en fonction de la tolérance et des préférences personnelles. Tout ceci aura pour effet de réduire l'épuisement à son minimum et, par le fait même, la douleur sera moins pénible que si tout le corps est très fatigué.
Les massages :
Instinctivement, nous sommes portés à frictionner un endroit douloureux car cette forme de massage entraîne un soulagement immédiat. La friction d'un membre endolori apporte apaisement et bien-être. C'est pourquoi les massages sont souvent utilisés comme méthode de soulagement de la douleur légère;
Il faudra que le massage soit effectué tout en douceur si la douleur est forte, car il pourrait tout aussi bien l'augmenter. L'utilisation de crèmes ou d'huiles adouciront les manipulations;
Les massothérapeutes offrant leurs services à domicile pourront vous guider et vous enseigner les bonnes façons de faire. Le malade demeure encore le meilleur guide et il est le seul à pouvoir dire si les massages l'aident ou pas;
Le toucher thérapeutique, qui est une forme de massage par effleurement du corps, peut aussi soulager la douleur dans certains cas. Encore ici, des spécialistes peuvent se déplacer à la maison pour donner des séances.
L'application de chaleur ou de froid :
L'application de chaleur a généralement un effet de détente sur la région endolorie. Que se soit par des coussins chauffants, des Sacs Magiques MD ou des bouillottes (attention aux brûlures!). Le soulagement est réel et souvent apprécié. Le froid pourra aussi dans certains cas apporter un soulagement. Pour le savoir il faut essayer!
L'acupuncture :
Cette thérapie ancienne, qui consiste à insérer des aiguilles très fines à certains points précis du corps, a pour effet de soulager bien des maux dont la douleur. Il s'agit de trouver un bon acupuncteur et certains d'entre eux proposent même un service à domicile. Ils pourront vous renseigner sur leurs possibilités.
Beaucoup d'autres moyens existent pour soulager la douleur sans médicaments, chacun trouvera le sien et se rappellera encore une fois qu'il n'y a pas de méthodes miracles. La vigilance est de mise : dans le domaine des «médecines alternatives», il y a des opportunistes sans scrupules qui n'hésitent pas à abuser de la crédulité des gens souffrants. Si la douleur persiste ou si elles ne semblent pas donner de résultats, n'hésitez jamais à cesser ces thérapies parallèles. Votre équipe à domicile sera toujours là pour tenter de vous aider et répondre à vos questions.
ÉTAPE 5 - LA RÉÉVALUATION DE LA DOULEUR
Il est bien important de comprendre que dans le contrôle de la douleur, la première tentative de médication antidouleurs pourrait être la bonne mais il peut arriver aussi que la douleur persiste en dépit de la médication prescrite. Dans un tel cas, ne pas attendre trop longtemps avant de rappeler le médecin ou l'infirmière pour lui faire part de ces douleurs non soulagées ou pour toutes nouvelles douleurs. Il n'y a aucune raison de souffrir et c'est un droit d'être soulagé.
Une douleur peut s'avérer complexe à soulager : on ne pourra peut-être pas la soulager complètement mais si on la réduit ne serait-ce qu'à demi, ce sera déjà mieux.
Il faudra réévaluer la douleur souvent et agir rapidement si le traitement prescrit n'est pas efficace.