Les facteurs de risque

Le Tableau I résume les principaux facteurs de risque du cancer du sein. À noter que 80 à 85 % des femmes avec un cancer du sein, donc la grande majorité, ne présentent aucun des facteurs de risque énumérés dans ce tableau, mis à part le fait d’être une femme (à peine 1 % des cas surviennent chez des hommes) et d’avancer en âge, facteurs de risque universels. Il est donc important de nuancer ces chiffres de ce tableau qui ne s’appliquent pas à toutes les femmes et surtout de ne pas minimiser le risque de cancer du sein qui concerne toutes les femmes. Les facteurs de risque du cancer du sein les plus souvent rencontrés en clinique sont l’âge avancé et les antécédents familiaux de cancers du sein ou des ovaires.

On divise cliniquement les femmes à risque de cancer du sein en deux groupes, celles à risque faible et celles à risque élevé, ce deuxième groupe étant lui aussi divisé en deux sous-groupes, les femmes à risque élevé et les femmes à risque très élevé, essentiellement en rapport avec des mutations génétiques. A noter que les cancers du sein sont un groupe hétérogène de maladies: les facteurs de risque ci-dessous ne s'appliquent pas à l'ensemble des femmes.

Le risque cumulatif à l'âge de 70 ans d'une femme porteuse de la mutation BRCA1 est de 60% pour le cancer du sein et DE 59% pour le cancer de l'ovaire. Le risque cumulatif à l'âge de 70 ans d'une femme porteuse de la mutation BRCA 2 est de 55% pour le cancer du sein et 16, 5% pour le cancer de l'ovaire. Chez les femmes porteuses des mutations BRCA l'ovariectomie prophylactique diminue de façon significative le risque de cancer du sein (50% avec la mutation BRCA 1), surtout lorsqu'elle est effectuée de façon précoce.

 

Tableau I -

Principaux facteurs de risque du cancer du sein * 1.

 

Risque relatif

Âge avancé (70 ans et plus)

18

Facteurs génétiques

Mutations génétiques BRAC 1 ou BRAC 2 : représentent 5 à 6 % de tous les cas de cancers du sein.
Cette mutation amène un risque très élevé de cancer du sein : 60 % à 70 ans.

3 à 7

Antécédents familiaux de cancer du sein ou des ovaires chez un parent du premier degré (mère, sœur).
Ce facteur se retrouve chez seulement 15 à 20 % des patientes avec un cancer du sein.
Risque relatif augmenté respectivement de 1, 8 ou de 2, 9 si une ou deux parentes atteintes 2.
Risque élevé de 20 à 25 % à vie.

2, 6

Exposition à de la radiothérapie au thorax ou exposition professionnelle aux radiations ionisantes (imagerie médicale) avant l’âge de 45 ans, surtout entre l’âge de 10 et 14 ans 3.

À noter que les mammographies répétées ne donnent pas d’irradiations à doses suffisamment élevées pour provoquer un cancer du sein.

1, 5 à 2

Certaines maladies prolifératives bénignes du sein telles qu’un fibroadénome complexe (risque relatif de 1,3 à 2), un papillome intracanalaire, une hyperplasie atypique (risque relatif de 4 à 6), ou des atypies multifocales (risque relatif multiplié par 10) 4.
Les changements fibrokystiques, les papillomes solitaires, les métaplasies squameuses, les ectasies canalaires, les mastites, les kystes et les fibroadénomes simples n’augmentent pas le risque de cancer du sein.

3,7 en moyenne

Facteurs hormonaux

Le fait d’être nullipare 5.

1, 2 à 1, 7

Première grossesse à terme à un âge plus avancé (plus de 30 ans) 6.

1, 9 à 3, 5

Puberté précoce (avant l’âge de 12 ans) 

1, 5

Peu ou pas d’allaitement maternel : réduction de 4, 3 % du risque pour chaque 12 mois d’allaitement 7

2

Ménopause tardive 

2

Prise d’hormones de remplacement à la ménopause, œstrogène et progestatif combinés: risque faible à partir de la cinquième année.
Pas d’augmentation du risque pour un traitement court terme (moins de 5 ans); 
Risque possiblement augmenté par les progestatifs seuls 8

1, 24

Exposition pendant la grossesse au DES (diéthylstilbestrol) 9

1, 27

Facteurs impliquant le mode de vie

Obésité

0,63 si IMC
moins de 22,9 10

Sédentarité controversée, l’exercice régulier n’offrirait qu’une modeste protection 11

0, 70
si femme active

Deux à cinq consommations par jour d’alcool                                                           
(risque additif avec l’hormonothérapie de substitution)

1, 4

L’augmentation du cancer du sein chez les femmes obèses (IMC 30 et plus) et celles en surpoids (IMC 25-30) semble s’expliquer par des niveaux circulants d’œstrogènes plus élevés en raison de la conversion de leurs précurseurs surrénaliens et ovariens (DHEA) par le tissu adipeux en œstradiol et estrone mais aussi de l'effet résultant de la cascade métabolique suivante: adipokines-résistance à l'insuline-activation des récepteurs estrogéniques 12. La présence de tissu adipeux abdominal chez les femmes pré-ménopausées est particulièrement associée avec un risque augmenté de cancer du sein 13 14 15.

L’augmentation très modeste du risque de cancer du sein chez les femmes ménopausées sous estrogénothérapie long terme combinée à des progestatifs a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années. Il est important de relativiser ces risques en fonction de la qualité de vie d’une femme ménopausée. Puisque le progestatif est en cause ici, il faut peser le pour et le contre, entre donner le progestatif en association pour prévenir un risque augmenté de cancer de l'endomètre sur une oestrogénothérapie isolée, versus laisser une femme sous estrogénothérapie seule. Tableau I. Il y aurait en effet une action neutre des estrogènes non opposés par des progrestatifs sur le cancer du sein chez les femmes ménopausées, mais les données à ce sujet sont encore fragentaires 16.

L'incidence du cancer du sein est 5 fois plus élevée que celle du cancer de l'endomètre et ce dernier est souvent découvert tôt, donc moins agressif. Depuis 2002, l'année de la première publication WHI, les cliniciens ont fortement réduit leurs prescriptions d'homonothérapie combinée aux femmes ménopausées: lien de cause à effet ? On a constaté depuis 2002 une baisse de l'incidence du cancer du sein combinée à une augmentation parallèle de l'incidence du cancer de l'endomètre. Mais pour le moment, les guides de pratique n'ont pas changé et recommandent toujours une hormonothérapie combinée et non des oestrogènes seuls pour les femmes ménopausées.

Les autres facteurs de risque connus mais moins importants sont le fait d’avoir eu peu ou pas d’enfants, l’âge relativement tardif au premier accouchement et l’âge précoce aux premières menstruations 17 18 Tableau I. L’exposition à des rayonnements au niveau de la paroi thoracique, pour un traitement de lymphome par exemple, est à retenir.

La consommation d'alcool demeure un facteur de risque démontré, proportionnel de façon linéaire à la quantité ingérée.

Les preuves de risque augmenté en lien avec les autres facteurs diététiques sont inconsistantes (aliments gras, viandes rouges, protéines animales) mais elles font l'objet de recherches importantes actuellement. Elles sont grandement limitées par le fait qu'on ne peut diviser l'alimentation en composantes individuelles puisqu'elle est un tout. Une diète riche en fibres et pauvre en gras serait possiblement associée à un risque plus faible de cancer en général et aussi de cancer du sein, mais ces études d'observations doivent être interprétées avec prudence, d'autant plus qu'elles ne font pas la différence entre une diète riche en protéines animales versus une diète riche en gras, deux composantes des produit alimentaires de source animale. On retient pour le moment qu'une alimentation qui accorderait une prépondérance aux aliments végétaux pourrait être protectrice pour les cancers en général et donc aussi pour le cancer du sein, et que le principal facteur de risque réversible du cancer du sein est le surpoids/obésité 19. En effet les données en faveur d'une alimentation saine semblent concluantes: une telle alimentation semble réduire le risque général de cancer et celui du cancer du sein .

Les aliments à base de soya constitue la base de l'alimentation asiatique depuis des millénaires: ils sont riches en isoflavones qui appartiennent à la famille des phyto-estrogènes, d'où la crainte théorique des années passées de la part des occidentaux face à ces produits alimentaires nouveaux pour eux. Cette inquiétude n'avait pas de support épidémiologique puisque les femmes asiatiques vivant en Asie avec une alimentation traditionnelle riche en isoflavones et pauvre en protéines animales ont un risque de cancer du sein inférieur aux  femmes occidentales, et que ces femmes asiatiques, en migrant en Occident, augmentaient rapidement leur risque de cancer du sein en optant pour  l'alimentation occidentale. Une méta-analyse portant sur des femmes asiatiques consommant une grande quantité d'aliments riches en isoflavones a permis de rassurer les femmes qui consommaient des produits de soya puisqu'elle a démontré une réduction du risque de cancer du sein 20 21. Une autre méta-analyse s'intéressant cette fois-ci aux femmes occidentales n'a pas démontré d'augmentation du risque de cancer du sein chez les femmes consommant plus d'isoflavones 22. Il n'y a donc pas d'évidence supportant le fait de recommander une réduction de consommation de produits de soya dans la population générale ou chez des femmes ayant souffert de cancer du sein, mais cette conclusion ne devrait pas être extrapolée aux suppléments d'isoflavones puisque ceux-ci n'ont pas fait l'objet d'études robustes.

Une association possible entre les produits laitiers et le cancer du sein fait l'objet de controverse importante depuis plusieurs années (risque accru de cancer avec la caséine ?) avec des résultats contradictoires. Le consensus actuel, en l'absence de données claires, est de limiter la consommation des produits laitiers gras (fromage gras surtout ) dans le cadre d'une alimentation équilibrée 23 24.

La prise d’anovulants ne semble pas augmenter de façon significative le risque de cancer du sein mais la prise de progestatifs essentielle à l'effet contraceptif est scrutée par les chercheurs puisque les progestatifs sont les molécules qui augmentent le risque de cancer du sein chez les femmes ménopausées sous hormonothérapie combinée (contrairement à l'oestrogénothérapie seule qui n'augmente pas le risque de cancer du sein) 25.

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