Notes personnelles dans une perspective de soins palliatifs "oncologiques" Par : Brizard, André, MD
Cliquez sur un lien pour lire le chapitre
Cliquez sur un lien pour lire le chapitre
Dès le moment du diagnostic ... (de cancer), la maladie et les douleurs qui accompagnent très souvent le cancer de façon très précoce entraînent, elles aussi, leurs fardeaux de réactions et de charges émotives.
En fait, qu'on en soit au moment du diagnostic, durant la phase de traitement et la phase de rémission tant espérée, durant la phase palliative, lors de la phase terminale ou pendant les derniers jours de vie, on peut concevoir que ces différentes phases ou étapes constituent une rude épreuve
Il n'est pas abusif de concevoir, pendant ces périodes, que le monde des émotions soit considérablement secoué et mis à l'épreuve pour tous et chacun.
Du diagnostic à la phase terminale, des maladies telles le cancer, le SIDA ou d'autres maladies à haut potentiel de débilitation de même que les douleurs qui accompagnent ces dites maladies, entraînent chez la personne atteinte des impacts multiples. Aucun doute n'est permis à cet effet.
Du diagnostic à la phase terminale, la douleur, malheureusement, occupe souvent une place centrale chez la personne atteinte.
Ces impacts sont non seulement multiples, mais ils touchent toujours les deux dimensions de la vie: la dimension physique et la dimension non-physique.
Chaque humain étant intégralement composé de ces deux dimensions, voilà un excellent aperçu de ce que le concept de globalité sous-entend.
Du diagnostic à la phase terminale, les impacts physiques peuvent se faire sentir sur les systèmes suivants:
En fait, ces impacts sont ressentis, d'une façon ou d'une autre, à travers les nombreux symptômes physiques d'inconfort témoignant d'une atteinte organique (nausées, détresse respiratoire, écoulements malodorants, fistules entéro-cutanées etc.).
S'il n'y avait que la douleur, les turbulences dans le monde des émotions seraient déjà énormes. La présence d'un ou plusieurs symptômes physiques accompagnant, s'ajoutant ou "rappelant" cette affreuse maladie qu'est le cancer vient alors grandement accentuer toutes les perturbations déjà vécues sur le plan psychoaffectif.
Du diagnostic à la phase terminale, les impacts non-physiques, ce sont les impacts qui peuvent être ressentis par la personne atteinte dans une ou plusieurs sphères de sa vie.
Les impacts non-physiques peuvent ainsi toucher les domaines de la vie:
Tout comme si ces impacts personnels ne suffisaient pas, on se doit d'ajouter les impacts familiaux. En effet, la maladie n'a pas de répercussions uniquement que sur la personne atteinte, elle affecte également la famille.
Ces impacts, par un retour malheureux, viennent encore ajouter au fardeau des impacts physiques et non-physiques provoqués par la maladie chez la personne atteinte. Car il faut bien le voir ainsi, les bouleversements provoqués par la maladie sur la famille sont susceptibles d'entraîner, à leur tour, des impacts chez la personne malade qui en subissait déjà un certain nombre en rapport direct avec sa maladie.
Les impacts familiaux, ce sont à leur tour les impacts qui sont ressentis chez
Ces impacts peuvent se manifester de façons extrêmement diverses chez tous et chacun des membres de la famille.
Les deux exemples qui suivent permettent d'illustrer chacun de ces aspects.
Premier exemple
Une femme de 38 ans, atteinte d'un cancer du sein depuis l'âge de 27 ans, mariée et mère de deux adolescents, a présenté jusqu'à maintenant deux récidives qui ont, chaque fois, bien répondu à la chimiothérapie offerte, avec de longues périodes de rémission.
Depuis quelques mois, elle présente une troisième récidive qui, cette fois, n'a pas répondu totalement à l'essai de deux différents protocoles de chimiothérapie. Les réponses, toutefois, sont assez bonnes et le tableau tumoral ne semble pas en progression ces derniers mois.
Il est possible et même probable que le changement de cap dans l'évolution de sa maladie lui amène de nombreux impacts dans plusieurs domaines de sa vie.
Ainsi, elle est maintenant beaucoup plus préoccupée, inquiète, tendue. Toute sa vie personnelle s'en ressent, mais aussi sa vie conjugale et familiale.
Le mari quant à lui a recommencé à boire et un des deux adolescents a vu ses notes scolaires dégringoler et il a commencé à ne pas se présenter au domicile familial certains soirs et ce au grand désarroi des parents.
Cette personne avait une implication sociale immensément gratifiante pour elle, elle était responsable d'un groupe de jeunes au niveau du mouvement Scout et Janette de sa petite ville. Ces activités lui avaient toujours procuré beaucoup de plaisir. Or, l'évolution de son cancer depuis les derniers mois l'a empêchée de participer à cette activité et son groupe lui manque beaucoup. Elle en est grandement chagrinée.
Elle avait toujours été une bonne croyante, mais elle vit maintenant une certaine révolte intérieure vis-à-vis son Dieu qu'elle trouve injuste. Or elle se trouve incapable de témoigner ouvertement de cette révolte, elle qui est considérée comme tellement courageuse et tellement bonne croyante par son entourage.
Deuxième exemple
Un homme de 44 ans, marié, père de deux enfants encore à la maison assume, à lui seul, le gagne-pain de la famille. Il a immigré au pays il y a 2 1/2 ans et a dû attendre 1 1/2 an avant de faire venir son épouse et ses enfants. Son épouse se débrouille à peine en français et en anglais.
Au cours de la dernière année, il a présenté une baisse de son état de santé et un diagnostic de cancer du poumon a été établi il y a deux mois. Le cancer n'était pas opérable au moment du diagnostic.
Il vit le diagnostic avec beaucoup de bouleversements émotifs et vit en même temps son atteinte systémique avec une certaine colère. Son épouse dit qu'il n'est plus reconnaissable.
Il appréciait son emploi mais l'emploi qu'il occupait ne lui assure pas un régime adéquat de couverture d'assurance.
Au cours des derniers mois il a dû ralentir beaucoup ses activités de travail et les entrées d'argent sont de moins en moins importantes. Il se fait beaucoup de souci à cause de cette réduction du revenu disponible pour les dépenses familiales et se culpabilise pour cette situation qu'il n'accepte pas.
Son patron, devenu de plus en plus intolérant face à ses absences répétées, exige une présence à plein temps ou rien du tout, tellement la productivité de sa petite entreprise se trouve affectée par ses absences répétées.
Le patient devra bientôt quitter son emploi, la rage au coeur.
Peu de personnes de son pays vivent dans la ville où il habite et il se sent relativement isolé et seul dans ce qu'il vit en n'ayant personne d'autre que son épouse à qui il pourrait dire dans sa langue comment il a mal et comment il souffre.
Ces deux exemples ne sont pas tirés de téléromans. Ils sont le reflet des mille et une facettes d'horreur que le cancer impose aux personnes atteintes. De tels exemples pourraient tout aussi bien être vécus avec un diagnostic de SIDA.