Notes personnelles dans une perspective de soins palliatifs "oncologiques" Par : Brizard, André, MD
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Le plexus coeliaque reçoit ses afférences nociceptives de l'estomac, du grêle, du caecum, de l'appendice, du colon ascendant et transverse aussi bien que du colon descendant, du sigmoïde, du rectum, du foie, de la vésicule biliaire, des canaux biliaires, du pancréas et des surrénales.
Il reçoit aussi une part d'afférences nociceptives des reins, des uretères, des testicules, des canaux déférents, des ovaires et des trompes.
Le plexus mésentérique supérieur reçoit ses afférences nociceptives principalement du colon transverse.
Le plexus mésentérique inférieur reçoit ses afférences nociceptives principalement du colon descendant, du sigmoïde et du rectum.
Le plexus hypogastrique reçoit ses afférences nociceptives du colon descendant, du sigmoïde et du rectum, de la vessie, de la prostate, des vésicules séminales, de l'urètre, des testicules, de l'utérus, des ovaires et du dôme vaginal.
Le plexus pré-sacré ou pelvien reçoit ses afférences nociceptives du colon descendant, du sigmoïde et du rectum, de la vessie, de la prostate, des vésicules séminales, de l'urètre, de l'utérus et des organes génitaux externes.
La représentation anatomique du plexus pré-sacré ou pelvien permet de particulièrement bien illustrer l'extrême proximité du plexus somatique lombo-sacré et du plexus viscéral pré-sacré. On comprend alors plus facilement les ravages que des masses néoplasiques peuvent entraîner quand elles se développent dans le petit bassin, à proximité de ces plexus.
Plusieurs types de cancers peuvent être mis en cause dans cette région, notamment les cancers de la prostate, de la vessie, du col utérin, de l'utérus et du rectum sans compter les métastases d'un cancer du sein ou du poumon.
Ainsi, lorsqu'une tumeur se développe dans le petit bassin, il peut être possible d'observer un tableau composé des signes et symptômes suivants:
Une telle distribution de signes et de symptômes est possible parce que les masses néoplasiques s'étendent de façon anarchique et souvent extensive vers toutes les structures du petit bassin. L'espace étant relativement étroit, il est ainsi facile d'envahir le plexus somatique lombo-sacré et le plexus viscéral pré-sacré pour donner un tableau clinique d'une relative complexité, à première vue.
Une telle présentation clinique pourrait tout aussi bien résulter non pas d'un envahissement du petit bassin touchant le plexus somatique lombo-sacré et le plexus viscéral pré-sacré mais d'une extension néoplasique para-rachidienne (ou para-vertébrale) envahissant le pourtour des racines nerveuses. La douleur neurogène par radiculopathie peut ainsi offrir un tableau clinique ressemblant à une plexopathie. L'envahissement néoplasique périradiculaire soulève cependant une double intrigue lors du diagnostic.
La première intrigue concerne la possibilité d'une monoradiculopathie ou d'une polyradiculopathie.
Pourquoi cette question ?
Parce qu'il existe de nombreux chevauchements des afférences sensorielles dans chaque racine. Ainsi par exemple, le dermatome L5 envoie des afférences par L4, L5 et S1. Il ne faut pas confondre cette donnée anatomique d'un dermatome qui envoie ses afférences par sa racine préférentielle en utilisant en plus la racine qui lui est supérieure et inférieure avec le multiétagement faisant transit par le faisceau de Lissauer et qui prend place à l'intérieur de la moelle i.e bien après que les fibres aient fait leur entrée par les différentes racines.
Encore là, une bonne connaissance de la disposition des dermatomes vient aider grandement à situer le diagnostic. Là n'est pas la plus grande intrigue cependant. Une plus complexe reste à dénouer.
La seconde intrigue, dans le cas d'une radiculopathie par atteinte néoplasique, peu importe qu'il s'agisse d'une mono ou poly radiculopathie, consiste à déterminer si l'envahissement se situe à l'extérieur du canal rachidien, c'est-à-dire en para-rachidien ou para-vertébral ou à l'intérieur de ce canal.
Dans les deux cas, la présentation clinique sera la même. Cependant, les conséquences, à court ou à moyen terme, risquent d'être considérablement différentes. La présence de tissu néoplasique dans le canal médullaire risque d'entraîner rapidement une compression médullaire dont les conséquences motrices s'ajouteront aux douleurs lorsque l'envahissement se produit en-dessus du cône médullaire (étage médullaire L1 inférieure - L2 supérieure)
ou risquent d'entraîner une compression de la queue de cheval, lorsque l'envahissement se produit en-dessous du cône médullaire.
Préciser la localisation, à l'intérieur ou à l'extérieur du canal rachidien devient d'une importance capitale. Plus de 60 % des patients atteints de cancer et qui présentent en même temps:
ont pourtant un envahissement épidural à la tomographie axiale ou à la résonance magnétique, selon les études. Cet envahissement risque de mener à brève échéance à des complications majeures motrices et sensorielles si non reconnu. Par ailleurs, cet envahissement fait partie des urgences radio-oncologiques absolues.
En raison des différents mécanismes pathophysiologiques élaborés plus avant, les douleurs neurogènes se présentent souvent comme une superposition de plusieurs types de douleurs.
Ainsi, qu'il s'agisse d'une plexopathie avec atteinte plexonale multifocale, d'une monoradiculopathie ou d'une polyradiculopathie, que l'agression sur le tissu nerveux provienne d'une compression causé par l'oedème péritumoral ou par la masse tumorale elle-même, que cette agression associe compression et infiltration ou encore l'ensemble de la séquence compression-infiltration-sectionnement (Voir: DOULEUR NEUROGENE ET MASSE TUMORALE: LA SEQUENCE COMPRESSION - INFILTRATION - SECTIONNEMENT) ou que cette agression découle d'un autre contexte que le présence de cellules tumorales au pourtour du tissu nerveux, la résultante est souvent celle d'une présentation clinique où plusieurs types de douleurs se superposent. Or, cette superposition de douleurs différentes est très souvent ignorée par la personne qui a mal.
C'est l'application d'une thérapeutique adéquate qui rendra évident cet état de fait qui se révélera à l'occasion comme une surprise décevante puisqu'en traitant la douleur dans une région donnée, il sera possible d'observer à l'occasion l'apparition
Il faudra alors savoir discerner et surtour reconnaître, par une évaluation "éclairée" basée sur de bonnes connaissances physiopathologiques, la ou les différences entre les douleurs "antérieures au traitement" et les "nouvelles" douleurs ressenties depuis l'application de la thérapeutique adéquate. Les douleurs dites "nouvelles" à l'évaluation seront nécessairement différentes des douleurs "antérieures au traitement", elles étaient déjà présentes auparavant mais "cachées" par les premières qui étaient plus intenses, plus dérangeantes. Tout se déroule comme si le cerveau ne savait ou ne pouvait interpréter toutes les sortes de douleurs en même temps. De là vient peut-être cette impression décevante qu'à une douleur "réglée ou atténuée" succède une autre douleur.
Ainsi, en traitant adéquatement la douleur dans une région donnée, il n'est pas rare d'observer l'apparition
Les discussions autour de la classification des différentes douleurs offerte plus avant ont permis d'exposer différents mécanismes pathophysiologiques par lesquels la douleur peut se manifester. Tous sont associés à une agression sur le réseau nociceptif. Ainsi, certains processus reposent sur une activation de nocicepteurs par des substances algogènes (Voir: LE CARACTERE "AGRESSANT" DES DIFFERENTS STIMULI "DOULOUREUX" ET LA PRODUCTION DE SUBSTANCES INFLAMMATOIRES / L'ACTIVATION "PRIMAIRE" / L'ACTIVATION "PRIMAIRE": ACTIVATION ET SENSIBILISATION DES NOCICEPTEURS / L'ACTIVATION "SECONDAIRE") alors que d'autres processus découlent d'une portion ou de l'ensemble de la séquence compression-infiltration-sectionnement (Voir: DOULEUR NEUROGENE ET MASSE TUMORALE: LA SEQUENCE COMPRESSION - INFILTRATION - SECTIONNEMENT) ou encore d'un autre contexte que le présence de cellules tumorales au pourtour du tissu nerveux.
A titre d'exemple, une même personne peut donc se trouver porteuse des différentes douleurs suivantes:
En fait, que les douleurs soient provoquées par un envahissement osseux métastatique, par un étirement de capsule, qu'elles proviennent d'une plexopathie avec atteinte plexonale multifocale, d'une monoradiculopathie ou d'une polyradiculopathie, elles se présentent dans leur ensemble comme une superposition de plusieurs types de douleurs.
C'est ainsi que la douleur peut être comparée à un jeu d'ombrages superposés.
Pour illustrer ce concept d'ombrages superposés, supposons trois personnes de taille différente alignées en ordre décroissant de grandeur de sorte que la première cache la deuxième qui cache à son tour la troisième et un observateur placé à une certaine distance devant la plus grande de trois personnes. Il sera impossible à l'observateur de voir les deux personnes de plus petite taille placées derrière la personne la plus grande tant et aussi longtemps que la plus personne de plus grande taille maintiendra sa position. Ce n'est que lorsque la plus grande des trois personnes se sera déplacée que l'observateur pourra voir apparaître la personne de taille moyenne qui cachera encore celle de plus petite taille et ce n'est que lorsque la personne de taille moyenne se sera enfin déplacée que celle de plus petite taille apparaîtra enfin.
Il en va de même pour les douleurs qui peuvent se superposer dans une région donnée. La douleur la plus intense masque les autres et ce n'est qu'en la traitant avec un choix thérapeutique approprié que les autres douleurs peuvent se manifester, celles-ci provenant de mécanismes pathophysiologiques différents de ceux déjà traités. Ainsi, le fait d'éteindre ou d'atténuer le mécanisme dominant permet aux autres mécanismes pathophysiologiques de s'exprimer.
Il est même possible d'extensionner ce concept à des douleurs localisées en des endroits différents et n'ayant aucun lien pathophysiologique avec la douleur dominante la plus intense. Ce n'est qu'après avoir traité adéquatement cette douleur la plus intense, celle qui occupe toute la place, que d'autres douleurs, siégeant ailleurs, seront ressenties. Auparavant ces douleurs étaient présentes mais ignorées parce que les douleurs les plus intenses prenaient toute la place.
En fait, tel que suggéré plus avant, la raison de ces "nouvelles" douleurs qui semblent s'être révélées après un traitement analgésique "efficace" trouve probablement une partie de son explication dans les zones d'interprétation et de conscientisation des douleurs au niveau du cerveau. Le cerveau ne saurait ou ne pourrait interpréter toutes les sortes de douleurs en même temps. Il faut avoir été parent de plusieurs adolescents pour comprendre que le cerveau ne peut traiter toutes les informations en même temps!!!
Nous n'avons discuté, jusqu'à maintenant, que des bases pathophysiologiques des douleurs organiques et que des circuits "électroniques" sur lesquels ces mêmes douleurs reposent. Il existe pourtant un autre visage aux douleurs en contrepartie des composantes physiques: le volet des douleurs non-physiques ou encore le volet non-physique des douleurs ou encore mieux dit la douleur globale ou douleur totale.
C'est à l'ouverture vers le monde des émotions et à l'intégration des différentes composantes de ce monde avec les douleurs physiques que cette dernière portion du premier manuel sur les différentes sortes de douleurs s'attarde.
Un effort sera fait pour rattacher le volet affectif ou émotionnel, avec ses composantes psycho-socio-spirituelles classiques, à un substrat anatomique et physiologique. Ceci peut ainsi permettre d'illustrer la justesse de la vision analytique, connue depuis longtemps, reliant les nombreux phénomènes physiques et non-physiques, vécus à l'intérieur d'une même personne, et qui sont mis en branle dans le processus des douleurs qui se prolongent.
La résultante de l'intégration de deux volets affectifs ou émotionnels avec les substrats anatomiques et physiologiques doit être comprise comme une entité différente des douleurs dites "psychogènes" qui elles, ne possèdent pas de substrat anatomo-physiologique comme point de départ alors que les douleurs non-physiques ont débuté avec des substrats anatomo-physiologiques véritables.
C'est tout l'ensemble des circuits complexes et hautement intégrés comprenant
qui nous offre un tel renforcement anatomo-physiologique du concept de douleur globale ou douleur totale. En fait, on attribue à ces circuits, la fonction de véhiculer, les influx nociceptifs dans les régions du cerveau gérant la composante affective de la douleur. (Voir: LE POINT D'ARRIVEE DES INFLUX NOCICEPTIFS: LES ETAGES SUPERIEURS "MODE SENSORIEL" ET "MODE AFFECTIF")
De toute évidence, le concept de douleur globale ou douleur totale en soi n'a pas besoin d'un tel renforcement. Pourtant, il est étonnant de constater comment ces très vieux circuits peuvent jouer le rôle de substratum physique au concept de "douleur globale ou totale".
En fait, le faisceau paléo-spinothalamique et les autres (spino-réticulaires, spino-mésencéphaliques, spino-solitaires) ont traversé toutes les étapes nécessaires de l'évolution des espèces, pour arriver au modèle de l'homo sapiens sapiens . Ces circuits intégrés, formés des vieilles fibres C, représentent un des héritages les plus anciens des différents circuits nerveux véhiculant les messages nociceptifs depuis nos ancêtres les poissons. Ces circuits, comme le cerveau et l'ensemble du système nerveux central, ont continué d'évoluer à travers le temps et ont connu des adaptations nombreuses et variées avant d'en arriver à l'extrême complexité que nous leur connaissons aujourd'hui.
Pendant cette évolution, les fibres du réseau paléo-spinothalamique et des autres réseaux nociceptifs se sont interconnectées avec de multiples régions ou structures du cerveau, chacune de ces régions ou structures exerçant une fonction bien précise. Parmi ces régions ou structures, on peut mentionner:
Le faisceau paléo-spinothalamique est encore relié à de nombreuses autres structures. La pertinence d'en discuter plus longuement dépasse cependant le cadre de ce manuel.
Il va sans dire que, lors de stimulations douloureuses, toutes et chacune des régions et structures reliées aux faisceaux paléo-spinothalamiques et autres faisceaux nociceptifs (Voir: LE SYSTEME DE TRANSPORT DES INFLUX NOCICEPTIFS: LA PORTION CENTRALE D'ORIGINE MEDULLAIRE) deviennent "inondées" d'influx nociceptifs. Ces influx nociceptifs arrivent au cerveau, à partir de la zone douloureuse, partout et en même temps dans toutes les structures impliquées. Ce n'est qu'après cette "intense inondation" que débutent les complexes processus tels les nombreux relais de l'information, les jeux de rétroaction et de mobilisation des circuits activateurs et inhibiteurs dans les nombreuses régions cérébrales et médullaires impliquées qualifiés dans leur ensemble de mécanismes modulateurs.
Le cortex pariétal, chargé d'interpréter finalement les influx douloureux en provenance des faisceaux nociceptifs médullaires et des différentes structures cérébrales impliquées, intègre ces informations pour les traduire en perception de la douleur. Deux régions du cortex pariétal (S1 et S2) apparaissent comme étant les principaux centres corticaux impliqués dans la réception et la perception des stimuli douloureux. (Voir: LE SYSTEME DE TRANSPORT DES INFLUX NOCICEPTIFS: LA PORTION CENTRALE D'ORIGINE MEDULLAIRE / LE POINT D'ARRIVEE DES INFLUX NOCICEPTIFS: LES ETAGES SUPERIEURS "MODE SENSORIEL" ET "MODE AFFECTIF")
De tels processus, plus complexes les uns que les autres, permettent finalement que l'ensemble des informations physiques et psychoaffectives soient intégrées les unes aux autres, dans chaque personne qui souffre.
Mais le processus ne s'arrête pas là.