Notes personnelles dans une perspective de soins palliatifs "oncologiques" Par : Brizard, André, MD
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Une fois l'ensemble du réseau nociceptif ainsi revu, il est plus facile de comprendre la théorie du portillon et l'effet portillon telle que formulée par Melzack et Wall.
La théorie du portillon et l'effet "portillon" reposent sur l'arrivée simultanée dans la corne postérieure d'influx de trois types:
Grâce à la présence d'influx sensitifs non-nociceptifs et d'influx inhibiteurs descendants arrivant à la corne postérieure, il est possible de "mettre des embûches" aux transferts nociceptifs qui se font entre les fibres nociceptives périphériques et centrales au niveau de la corne postérieure. Ces "embûches" sont exercées par des mécanismes faisant inhibition à ces transferts et ces mécanismes ont été pensés et décrits par Melzack et Wall comme jouant le rôle d'un portillon qui ouvre ou ferme le passage au transfert d'influx.
Ainsi, lorsque des transferts nociceptifs se font entre les fibres nociceptives périphériques et centrales, l'effet "portillon" peut s'exercer de deux façons:
• par l'arrivée d'influx en provenance des fibres larges myélinisées (A alpha et A bêta).
Les influx originant des fibres de gros et moyen calibre A alpha et A bêta, qui transmettent à des vitesses variant de 30 - 120 m/s donc beaucoup plus rapidement que les fibres C et A delta, viennent activer une multitude d'interneurones dans certaines couches de la corne postérieure dont la fonction est de bloquer le transfert des influx nociceptifs provenant des petites fibres (A delta et C) vers les neurones centraux. Ce blocage par les interneurones se produit par une action pré-synaptique sur le bouton pré-synaptique ou par une action post-synaptique sur la membrane ou les dendrites du corps cellulaire de la cellule centrale (spino-thalamique et autres faisceaux ascendants). Cette activation d'interneurones apporte ainsi la contribution "modulatrice" des grosses fibres A alpha et A bêta. L'activation des grosses fibres par des approches non-pharmacologiques telles un massage ou du TENS (stimulation électrique à basse intensité et haute fréquence) vient supporter sur une base clinique l'idée de cette modulation.
• Les massages ont pour effet de manipuler, étirer, déformer les myofibrilles (fibres musculaires) provoquant de ce fait une activation des récepteurs situés à ces niveaux (fuseaux musculaires [muscle spindles], organes tendineux de Golgi [Golgi tendon organ], récepteurs spécialisés [tendons, ligaments et articulations]). Ces récepteurs sont connectés à des fibres A alpha qui apportent ainsi leur contribution au portillon.
• Le TENS intervient de façon plus superficielle et l'activité électrique exercée par la neurostimulation se limite habituellement au niveau cutané bien que les ajustements de voltage et d'ampérage puisse entraîner de fines contractions musculaires saccadées suivant la fréquence de décharge de l'appareil. La stimulation cutanée active les récepteurs qui sont connectés à des fibres A bêta qui apportent à leur tour leur contribution au portillon.
• par l'arrivée d'influx en provenance des faisceaux inhibiteurs descendants réunies dans le faisceau dorso-latéral (FDL) et qui ont pris origine dans les "zones modulatrices" supra-spinales principalement tronculaire (mésencéphale: substance grise périaqueducale, protubérance: noyau ceruleus (nucleus coeruleus), bulbe: noyau raphé magnus, noyau réticulaire gigantocellulaire latéral.
Les neurones des faisceaux inhibiteurs descendants arrivent principalement vers les couches (laminae) I, II et V de la corne postérieure (Voir: LE TERMINUS PERIPHERIQUE ET LE PREMIER RELAIS CENTRAL: LA CORNE POSTERIEURE). Les fibres des faisceaux dorso-latéraux vont produire leur effet de modulation (blocage des transferts nociceptifs) de deux façons: en faisant synapse directement en pré ou post-synaptique ou en activant, elles aussi, une multitude d'interneurones dont l'action sera aussi de bloquer le transfert des influx nociceptifs périphériques vers les neurones centraux de la même façon que les interneurones activés par les fibres Aa et Ab l'ont fait. La stimulation des faisceaux postérieurs (gracilis et cuneatus) par un neurostimulateur interne (à basse fréquence et haute intensité) tout comme les approches et techniques non-pharmacologiques "positives" telles une douce musique ou encore des exercices d'imagerie mentale supportent cette idée de modulation. Dans le cas des approches et techniques "positives", cette modulation se fait alors
• par l'activation des faisceaux descendants inhibiteurs par les centres limbiques qui font relais vers la SGPA qui fait ensuite relais vers les noyaux raphé du bulbe.
Alors que l'application de stimulation médullaire directe par un neurostimulateur interne produit une modulation par au moins trois mécanismes, soient par une activation
• directe des faisceaux descendants inhibiteurs (ils sont à proximité des faisceaux postérieurs)
• indirecte des faisceaux descendants inhibiteurs (l'activation des faisceaux postérieurs entraîne une activation des relais tronculaires qui activent à leur tour les faisceaux descendants principalement à partir de la substance grise périaqueducale (SGPA)
et
• rétrograde ou antidromique des faisceaux postérieurs qui avant de faire leur ascension vers les étages supérieures ont envoyé des projections aux étages médullaires où ils sont entrés. Les électrodes appliquées sur les cordons postérieurs provoquent des influx qui vont à la fois faire leur ascension vers les structures tronculaires pour activer des influx inhibiteurs descendants et à la fois "redescendre" (ce sont les influx antidromiques) pour se terminer aux extrémités des projections envoyées vers la corne postérieure dans les couches III et IV. Ces projections arrivent sur des interneurones qui vont moduler la neurotransmission nociceptive en pré-synaptique et/ou en post-synaptique.
Les fibres "modulatrices" proviennent donc de deux sources:
Les fibres des faisceaux inhibiteurs desdendants produisent leur modulation soit directement, soit par l'intermédiaire d'interneurones alors que les fibres A alpha et A bêta produisent leur modulation uniquement par l'intermédiaire d'interneurones.
Les interneurones, activés par ces différentes fibres "modulatrices" peuvent faire synapse
L'inhibition peut donc se faire à deux endroits:
En pré-synaptique, l'inhibition provient particulièrement des faisceaux descendants dorso-latéraux et cette inhibition se fait directement de préférence sur les boutons pré-synaptiques des fibres A delta et à un degré moindre sur les boutons pré-synaptiques des fibres C.
En post-synaptique, l'inhibition peut se faire
• indirectement sur le corps cellulaire ou sur les dendrites du neurone central
• par un interneurone ou neurone intercalaire qui lui, fait synapse directement avec le corps cellulaire du WDR (1-3-4e fibre du FDL à droite), c'est le mode utilisé par un certain nombre de fibres des faisceaux descendants
• par une cellule pédonculée qui elle, fait synapse directement avec le corps cellulaire du WDR (1-3-4e fibre du FDL à droite) (5e fibre du FDL à droite), c'est le mode utilisé de façon préférentielle par les fibres A alpha et A bêta.
Les fibres des faisceaux inhibiteurs descendants exercent leur modulation par deux neurotransmetteurs,
alors que les interneurones "inhibiteurs" font usage préférentiellement de trois neurotransmetteurs (NT) :
Des récepteurs "biochimiques" de type sérotoninergiques, adrénergiques, opiacés et de type GABA sont présents en pré et en post-synaptique. L'activation de ces récepteurs produit des effets biochimiques différents selon le type de récepteur et selon le contexte présynaptique ou postsynaptique mais l'effet final converge dans le même sens, celui de réduire la neurotransmission des influx nociceptifs.
• Au niveau de la membrane post-synaptique autant du corps cellulaire que de ses dendrites, l'activation des récepteurs de type sérotoninergiques, adrénergiques, opiacés et de type GABA entraîne une "hyperpolarisation "prolongée". Cette hyperpolarisation de la membrane post-synaptique entraîne un niveau de "voltage" transmembranaire encore plus négatif que le potentiel de repos appartenant à ces neurones. Cette hyperpolarisation, qui est en fait une accentuation de la négativité intracellulaire, a pour effet d'empêcher la membrane post-synaptique de réagir à l'arrivée d'un NT nociceptif provenant de la membrane pré-synaptique. La membrane post-synaptique devient donc "non réceptive" au NT nociceptif libéré puisque la dépolarisation provoquée par le NT nociceptif ne peut plus atteindre le seuil d'activation nécessaire à la production d'un influx nociceptif (i.e. un potentiel d'action). (Voir: LE PHENOMENE DE DEPOLARISATION "MEMBRANAIRE" et LA TRANSMISSION D'UN INFLUX DANS L'ESPACE SYNAPTIQUE: LES NTs "INHIBITEURS", L'HYPERPOLARISATION ET LES EFFETS SUR LE BOUTON PRE-SYNAPTIQUE ET LE NEURONE CENTRAL)
D'une façon comme d'une autre, il en résulte une très nette réduction du nombre d'influx nociceptifs prenant la direction des centres supérieurs soit parce que moins de NTs nociceptifs sont libérés, soit à cause de l'impossibilité pour les NTs nociceptifs qui restent de provoquer une dépolarisation suffisante de la membrane post-synaptique pour créer un influx nociceptif. Moins d'influx signifie moins de douleur!
L'effet portillon s'exerce en autant que la corne postérieure reçoive la profusion d'informations sensitives de toutes sortes, nociceptives et autres qu'elle devrait recevoir, or, cette profusion d'informations est en équilibre homéostatique et respecte une "chimie architecturale" merveilleusement bien orchestrée. Lorsque cette "chimie architecturale" est perdue, c'est-à-dire, lorsque des lésions sont causées au niveau des différentes fibres sensitives périphériques transportant des influx autres que nociceptifs, ce qui concerne les fibres A alpha, A bêta et certaines fibres A delta, il se produit alors un déséquilibre dans l'arrivée des informations sensitives de toutes sortes. Ce déséquilibre a pour effet de faciliter le transfert des influx nociceptifs au niveau de la corne postérieure en raison, pour une part, de la réduction des inhibitions homéostatiques normalement présentes par l'intermédiaire de l'activation des interneurones décrits plus haut.
La perte des influx en provenance des fibres larges (A alpha et A bêta) et des fibres A delta non-nociceptives i.e. la destruction de ces fibres conduit à l'ouverture du portillon i.e. conduit à la facilitation du transfert, sans aucune forme d'inhibition, de tous les influx nociceptifs en provenance des fibres nociceptives petites (A delta et C). L'effet portillon segmentaire est alors perdu.
La théorie du Contrôle Inhibiteur Diffus induit par la Nociception (CIDN) a été développée plus récemment. Cette théorie fait appel à un ensemble de structure débutant avec les neurones à convergence (WDR). Les WDR donnent origine principalement au faisceau paléo-spino-thalamique et à un de ses sous-faisceaux, le spino-réticulaire. Un sous-groupe de fibres de ces réseaux se projettent vers de nombreuses structures de la formation réticulée bulbaire dont particulièrement le noyau Subnucleus Reticularis Dorsalis dont les neurones ont comme particularité de répondre à tous les types de stimuli nociceptifs peu importe leur origine (peau, muscles/os/articulations, viscères).
Les WDR de la couche V de la corne postérieure sont soumis en permancence à tous les types d'afférences sensorielles et à tous les types d'afférences nociceptives ... si des afférences nociceptives sont présentes. Or, toute survenue d'une information nociceptive sur un certain nombre de neurones WDR est d'abord "fondue" avec les autres informations dans le bruit de fond somesthésique auquel est soumis le WDR.
Cependant, la survenue d'une stimulation nociceptive et le transfert de cette information sur un certain nombre de WDR a pour effet d'activer le sous-groupe de fibres paléo-spino-thalamiques et spino-réticulaires décrit plus haut ce qui a pour conséquence d'activer de façon particulière certaines structures des centres supérieurs dont le noyau Subnucleus Reticularis Dorsalis de la formation réticulée bulbaire. Ce noyau spécifique semble se comporter comme un "premier senseur" nociceptif et il agit immédiatement à la moindre réception de signaux nociceptifs. Il agit cependant d'une étrange manière car il effectue alors une inhibition non pas du transfert des influx nociceptifs aux étages concernés mais une inhibition de l'ensemble des signaux sensoriels de base arrivant à la fois sur les WDR concernés et à la fois sur les WDR des autres étages segmentaires non concernées par les transferts nociceptifs. Ce faisant, il réussit à isoler les transmissions pour ne conserver que "les fréquences nociceptives" qui se trouvent alors "mieux perçues" en raison de la réduction du bruit de fond multisensoriel habituel. Le noyau Subnucleus Reticularis Dorsalis augmente ainsi les contrastes entre les transmissions nociceptives et les transmissions sensorielles non-nociceptives.
Un tel mécanisme semble paradoxal à première vue puisque les Contrôles inhibiteurs induits par la stimulation nociceptive ont pour effet dans un premier temps "d'amplifier" ou de "faciliter" la neurotransmission des messages nociceptifs. Tout se déroule comme si ces CIDN réussissaient à réduire la fonction de poly-convergence des WDR qui pour une période donnée ne deviennent réceptifs qu'aux influx nociceptifs.
Une fois les influx nociceptifs bien isolés et bien interprétés, ces influx nociceptifs deviennent alors soumis à l'ensemble des influx inhibiteurs descendants qui reçoivent alors la permission de s'exprimere et de jouer alors leur plein rôle de réduire la neurotransmission nociceptive aux étages segmentaires concernés.
Comme autre particularité des CIDN, ceux-ci peuvent être inhibés par la morphine ce qui a pour effet de "rétablir" et peut-être même d'accentuer le bruit de fond somesthésique provenant de l'ensemble des afférences sensorielles et arrivant sur les neurones à large convergence (WDR). Ce faisant, le message nociceptif se trouve ainsi de nouveau "dilué" au sein des multiples messages sensoriels puisque les CIDN ne peuvent plus isoler le signal nociceptif pour un certain moment.
Le faisceau spinothalamique connaît deux subdivisions:
Le FAISCEAU NEO-SPINOTHALAMIQUE se charge particulièrement de la fonction de transporter la NOCICEPTION à laquelle s'ajoute la composante "PROPRIOCEPTION NOCICEPTIVE", c'est donc dire une information "DOULEUR" à laquelle s'ajoute en même temps les informations portant sur la localisation, l'intensité en terme d'échelle de douleur, la surface et la durée pour la ou les douleurs concernées.
Ce faisceau reçoit des messages provenant en nette prédominance du réseau somatique et il est composé de fibres myélinisées "A delta".
Le réseau viscéral nociceptif, quant à lui, n'est pas muni du raffinement proprioceptif que le réseau somatique possède, de plus, il "transmet" surtout par les fibres "C". Il contribue donc peu au faisceau néo-spinothalamique mais contribue beaucoup au faisceau paléo-spinothalamique.
Le FAISCEAU PALEO-SPINOTHALAMIQUE quant à lui, transporte l'information NOCICEPTION à laquelle s'ajoute la composante "EMOTION NOCICEPTIVE", c'est donc dire une information "DOULEUR" à laquelle s'ajoute en même temps les informations portant sur les composantes affectives et comportementales pour la ou les douleurs concernées.
Ce faisceau est composé de fibres "C". Il transporte aussi les informations concernant le toucher léger superficiel.
Après avoir fait synapse avec les fibres périphériques, le faisceau néo-spinothalamique fait son ascension directement vers le thalamus. Dans sa portion centrale, il ne fera synapse qu'une seule autre fois à partir de son entrée dans la moelle au niveau de la corne postérieure et ce jusqu'au thalamus, on le dit monosynaptique. Le fibres de ce faisceau sont dirigées vers le thalamus et vers certains noyaux préférentiels seulement. A partir du thalamus, une troisième longueur d'axones se rend spécifiquement dans le cortex pariétal sensitif où se font la réception (cortex pariétal primaire (S1) et l'intégration (cortex paritétal secondaire (S2) du message "DOULEUR" et "TOUCHER SUPERFICIEL". (Voir: LE POINT D'ARRIVEE DES INFLUX NOCICEPTIFS: LES ETAGES SUPERIEURS "MODE SENSORIEL" ET "MODE AFFECTIF")
Il importe de préciser qu'aucune composante affective ou émotionnelle n'est incluse dans la transmission par le faisceau néo-spinothalamique.
Soutenir que la douleur ne puisse être que la simple perception de la nociception serait donc une affirmation beaucoup trop simpliste, immensément trop simpliste, parce que...
Quand on réfère à la douleur, on réfère bien sûr à la nociception, mais on réfère aussi à l'intégration d'une multitude d'autres influx physiques et non-physiques, le tout se déroulant dans une même et unique personne: celle qui a mal. Le faisceau paléo-spinothalamique n'est pas étranger à ce processus complexe d'intégration.
En fait, le vieux, très vieux faisceau paléo-spinothalamique avec les autres faisceaux, spino-réticulaires, spino-mésencéphaliques et spino-solitaires viennent se charger de nous rappeler que le phénomène de douleur globale ou totale n'est pas qu'une vue de l'esprit, il possède aussi son substrat anatomo-physiologique. (Voir: LE POINT D'ARRIVEE DES INFLUX NOCICEPTIFS: LES ETAGES SUPERIEURS "MODE SENSORIEL" ET "MODE AFFECTIF")
Le faisceau paléo-spinothalamique nous vient en héritage de la nuit des temps, du temps où dans l'évolution de la vie, nos "arrières-arrières-arrières" grands-parents étaient ... des poissons. Du temps où la nature était fort économe et ne pouvait se permettre de fabriquer autre chose que des fibres C, toutes petites et sans gaine protectrice de myéline.
C'est au moyen des fibres "C" que nos arrières-arrières-arrières grands-parents les poissons ont commencé à éprouver de la douleur.
Plus tard, beaucoup plus tard, avec le développement des espèces et jusqu'à l'aboutissement de l'homo sapiens sapiens d'aujourd'hui, se sont ajoutés des centres nerveux de plus en plus élaborés et complexes dans le cerveau. A travers ce lent processus d'évolution et d'adaptation, le système nerveux central s'est toujours "préoccupé" de faire parvenir vers des centres nerveux désignés, une portion de l'information douloureuse, en "branchant" un certain nombre de fibres C nociceptives à ces différents centres.
C'est ainsi qu'aujourd'hui, le cerveau humain reçoit, principalement
des informations "NOCICEPTIVES" dans de nombreuses zones impliquées dans la gestion et l'intégration de la vie émotive et comportementale.
Parmi ces zones recevant des messages électriques "NOCICEPTIFS", il importe de retenir:
Ces différentes zones sont à leur tour interconnectés pour ajouter encore plus d'effets modulateurs sur les influx reçus.
Il est bien connu par exemple que le système limbique est responsable de la gestion de nos humeurs, c'est-à-dire du monde complexe de toutes nos émotions.
Le cortex frontal quant à lui, est responsable en bonne partie de notre comportement social, pour ne citer que ces deux exemples.
Le FAISCEAU PALÉO-SPINOTHALAMIQUE ayant dû s'adapter, de même que les autres faisceaux "NOCICEPTIFS", à la complexification du cerveau des différentes espèces, est devenu, à travers l'évolution, un réseau multi-étagé, c'est-à-dire un réseau auquel se sont ajoutées de nombreuses "projections" axonales. Chaque "projection" permettait ainsi d'allonger le faisceau, de le prolonger vers de nouvelles zones et de nouvelles structures et donc d'entraîner une intégration de plus en plus élaborée des informations. C'est ainsi que l'on réfère au faisceau paléo-spinothalamique, dans le jargon, comme étant un réseau muni de nombreux relais synaptiques, on le qualifie de polysynaptique.
Il importe de préciser qu'aucune composante proprioceptive n'est incluse dans la transmission par le faisceau paléo-spinothalamique.
Le faisceau néo-spinothalamique pour sa part, datant d'une époque beaucoup plus récente, est demeuré monosynaptique à partir de son origine dans la moelle au niveau de la corne postérieure et ce jusqu'au thalamus.
Les influx nociceptifs ainsi transmis par l'intermédiaire de plusieurs structures (paléo-spinothalamique) arrivent enfin aux différentes composantes du système limbique où se fera l'intégration de la composante "EMOTIVE" des douleurs.
La douleur est donc beaucoup plus que la perception de la nociception, puisqu'elle englobe des informations gérées à la fois par les circuits
et
(Voir: LE POINT D'ARRIVEE DES INFLUX NOCICEPTIFS: LES ETAGES SUPERIEURS "MODE SENSORIEL" ET "MODE AFFECTIF")
L'International Association for the Study of Pain (IASP) a suggéré à partir de 1986 une définition de la douleur que l'on retrouve encore comme un classique un peu partout dans la littérature.
Une portion de cette définition s'énonce comme suit:
La douleur est "... une expérience désagréable, sensorielle et émotive associée avec des dommages tissulaires actuels ou potentiels..."
Cependant, dans les contextes de douleurs physiques avec un substrat organique en cause (cancer, SIDA, autres pathologies organiques débilitantes) et tout particulièrement à la lumière de ce qui a été décrit précédemment, il serait possible d'imaginer une sorte de définition révisée qui pourrait être énoncée ainsi:
La douleur est: "... une expérience désagréable, sensorielle et émotive, associée, à son point de départ, avec des dommages tissulaires actuels ou potentiels ... et résultant de l'intégration d'un mal dans la chair et dans l'être."
Une personne qui avait mal, rencontrée un jour dans le cadre d'une consultation en soins palliatifs, a fourni, en quelques mots, probablement la plus élégante et la plus complète définition de la douleur. Elle témoignait, dans des mots simples, de la résultante finale de l'intégration des différentes informations douloureuses et émotives dans une même personne.
L'énoncé de cette personne avait été d'une brièveté et d'une sobriété percutante. Ses quelques mots s'énonçaient ainsi:
"J'ai tellement mal que je suis mal.".
Une telle affirmation s'avère tout le contraire de l'énoncé empreint du classicisme gréco-latin:
"Anima sana in corpore sano". (Une âme saine dans un corps sain)
Ces quelques mots marquaient et marquent encore probablement aujourd'hui une très précise et très précieuse définition du concept de douleur globale ou douleur totale.
Il devient donc important à partir de maintenant de bien dissocier deux termes souvent utilisés de façon confondante soient DOULEUR et SOUFFRANCE.
Le terme "DOULEUR" pourrait être réservé à la douleur physique, c'est-à-dire à la perception de la nociception pure.
Le terme "SOUFFRANCE" pourrait s'appliquer au concept de douleur globale, c'est-à-dire à la résultante finale s'exprimant dans un état d'être et découlant finalement de l'intégration entre les informations
Dans plusieurs contextes pathologiques où maladies et douleurs se côtoient, les composantes affectives et comportementales découlent à la fois des impacts provoqués par la douleur physique et à la fois des impacts provoqués par le fait d'avoir telle ou telle maladie. Ces mêmes composantes sont ressenties dans différentes dimensions de la vie "non-physique" qui seront discutés ultérieurement. Le contexte des soins palliatifs oncologiques est souvent une touchante illustration de ces affirmations.