Notes personnelles dans une perspective de soins palliatifs "oncologiques" Par : Brizard, André, MD
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Le corps cellulaire de toutes les fibres sensitives de C1 à S5 se retrouve dans le ganglion dorsal de la racine postérieure. Le ganglion dorsal est le gonflement anatomique présent au niveau de la racine postérieure à la hauteur du trou de conjugaison. Dans la perspective afférente de la nociception, la racine périphérique se divise en racine antérieure et en racine postérieure immédiatement avant son entrée par le trou de conjugaison et le ganglion dorsal survient immédiatement après cette division.
Le corps cellulaire de toutes les fibres nociceptives "crâniennes" et même plus de toutes les fibres sensitives "crâniennes" en provenance de
se retrouve dans le ganglion du trijumeau aussi appelé ganglion semi-lunaire ou de Gasser (Gasserian), situé dans l'espace intra-crânien à la base du crâne sous le lobe temporal dans une citerne dure-mérienne elle-même prenant place dans une empreinte de l'os temporal: le cavum de MECKEL. Dans la portion extra-crânienne du trijumeau, les afférences fortement étalées finissent par former trois branches (ophtalmique (I), maxillaire (II) et mandibulaire (III)) qui pénètrent dans l'espace intracrânien à travers la stucture osseuse faciale antérieure par trois foramen différents. Ces foramen sont en fait les équivalents des trous de conjugaison pour les espaces intervertébraux:
Les fibres nociceptives en provenance de la racine postérieure pénètrent dans la moelle au niveau de la région postérieure et la zone où se fait cette entrée s'appelle la corne postérieure. La portion de la corne postérieure où se terminent les fibres nociceptives s'appelle la substance grise.
Au niveau du tronc cérébral, la substance grise de la corne postérieure possède son équivalent dans le noyau spinal du trijumeau Ce noyau reçoit les afférences nociceptives des différentes structures crâniennes. Après avoir fait leur entrée dans le tronc cérébral par le nerf V au niveau de la protubérance, les fibres nociceptives périphériques forment un long faisceau descendant dans le tronc cérébral, c'est le faisceau spinal du trijumeau. Immédiatement accolé à ce faisceau descendant, se trouve, un peu plus en médial, le noyau spinal du trijumeau où les afférences nociceptives du V se termineront.
Les afférences autres que nociceptives en provenance des structures crâniennes arrivent au niveau du noyau sensoriel principal du trijumeau. Les événements relativement complexes survenant au niveau de la corne postérieure s'appliquent tout autant au noyau spinal du trijumeau.
Autant au niveau de la corne postérieure qu'au niveau du noyau spinal du trijumeau, les fibres nociceptives se terminent dès qu'elles ont fait leur entrée dans la substance grise de la corne postérieure, elles se terminent donc du même côté où elles ont pénétré, c'est donc dire que la terminaison des fibres nociceptives est ipsilatérale.
Cependant, un certain nombre de fibres nociceptives vont se rendre directement dans la substance grise de la corne postérieure controlatérale en passant derrière le canal central médullaire.
Par ailleurs, comme rapporté un peu plus antérieurement, alors que la majorité des fibres nociceptives pénètrent dans la moelle par la racine postérieure pour aller terminer immédiatement à leur entrée i.e. en ipsilatéral, un certain nombre de fibres nociceptives C font exception et font leur entrée par les racines antérieures pour se diriger elles aussi dans la corne postérieure ipsilatérale.
Il convient ici d'insister sur deux particularités en ce qui concerne la terminaison des fibres nociceptives au niveau de la corne postérieure:
Ces particularités permettent d'expliquer "en partie" pourquoi la section d'une racine postérieure (rhizotomie) peut apporter un soulagement partiel des douleurs sans permettre d'éliminer complètement les douleurs. Elles lèvent aussi le voile sur les incongruences dans les résultats lors de certaines autres interventions neurochirurgicales à visée analgésique dont il sera fait mention dans le Manuel V de cette série portant sur les approches non-médicamenteuses.
Après avoir ainsi fait leur entrée dans la moelle, les fibres C et A delta se divise en plusieurs branches qui prennent alors trois directions:
et
Les fibres qui prennent ainsi les directions "cephalad" et "caudad" voyagent dans un réseau "ascenseur" situé à l'entrée immédiate de la moelle, le faisceau de Lissauer.
Ainsi, tout s'organise pour que l'information nociceptive puisse rapidement aviser plusieurs étages médullaires d'un problème en périphérie.
La majorité des afférences nociceptives somatiques
alors que les afférences nociceptives viscérales
Les conséquences de cet éparpillement se concrétiseront quand viendra le temps d'expliciter les douleurs "référées", particulièrement les douleurs référées viscérales.
Cet éparpillement se manifeste sous divers aspects comme il sera discuté ultérieurement. Il aide à mieux comprendre:
La corne postérieure où se terminent les fibres nociceptives C et A delta périphériques, se divise en de nombreuses couches (laminae), plus d'une dizaine. Ces couches sont formées principalement:
Cet arrangement en couche est fait de façon très ordonnée. Chacune des dix couches contient une représentation "cartographique" de la surface du corps. Cette configuration "cartographique" au niveau de la corne postérieure est l'équivalent de l'homonculus cortical que l'on retrouve au niveau des cortex moteurs et sensitifs. On y réfère sous le nom de "cartographie somatotopique".
Les couches (laminae) I, II, III, IV, V, VI, et VII sont impliquées dans le transfert des influx nociceptifs mais mais les couches I à V sont les couches les plus particulièrement concernées. On réfère souvent aux quatre couches I-II-III-IV dans une nomenclature qui se divise en trois portions:
La couche V est aussi très concernée par les transferts nociceptifs, elle est le siège des neurones convergents (Wide-Dynamic-Range) qui recoivent tous les types d'afférences et de toutes les structures (peau, muscles/os/articulations, viscères).
Les fibres A delta, qu'elles soient demeurées au même étage ou qu'elles aient cheminé dans le faisceau de Lissauer (voir: LE SYSTEME DE TRANSPORT DES INFLUX NOCICEPTIFS PERIPHERIQUES: L'EPARPILLEMENT MULTI-ETAGE), se terminent
Les fibres C, qu'elles soient demeurées au même étage ou qu'elles aient cheminé dans le faisceau de Lissauer (voir: LE SYSTEME DE TRANSPORT DES INFLUX NOCICEPTIFS PERIPHERIQUES: L'EPARPILLEMENT MULTI-ETAGE), se terminent
Les afférences sensitives (non-nociceptives) des grosses fibres A alpha et A bêta se divisent en deux contingents, un premier qui monte dans les cordons postérieurs, un second qui se termine
C'est donc dire que la couche V reçoit des afférences de tous les types de fibres sensitives: A alpha, A bêta, A delta et C. On verra plus loin que la couche V reçoit des afférences de toutes les structures anatomiques, soient des afférences cutanées, musculo-squelettiques et viscérales. Voilà peut-être encore une portion des explications pour les douleurs référées!
Trois groupes de structures anatomiques fournissent des afférences à la corne postérieure, ce sont les groupes d'origine
Parmi ces trois groupes, chaque groupe d'afférences possède ses couches préférentielles. Ainsi, les afférences d'origine viscérale, musculo-squelettique et d'origine cutanée se comportent chacune différemment. Les afférences d'origine viscérale et musculo-squelettique n'envoient pas de projections dans les couches II, III et IV; c'est donc dire qu'elles sont absentes de la substance gélatineuse et du nucleus proprius.
Les afférences d'origine musculo-squelettique
alors que
les afférences d'origine viscérale
les afférences d'origine cutanée
En regard de la surface cutanée, chaque neurone nociceptif est connecté à une portion anatomique spécifique de la surface cutanée, cette portion s'appelle "le champ récepteur". Chaque champ récepteur constitue une toute petite portion d'un dermatome, un dermatome étant la surface cutanée dont l'innervation est associée de façon préférentielle à une racine particulière (ou nerf spinal). Chaque champ récepteur recouvre une partie d'un autre champ récepteur lui aussi nociceptif. Il existe ainsi une importante superposition de champs récepteurs pour toute surface donnée. Par ailleurs, à l'exemple des champs récepteurs nociceptifs, chaque type de perception sensorielle posséde ses propres champs récepteurs ce qui amène finalement un important chevauchement de différents champs récepteurs appartenant chacun à des afférences sensorielles différentes.
Les fibres nociceptives se terminent dans différentes couches de la corne postérieure comme mentionné précédemment. A leur point de terminaison, les fibres connaissent un léger renflement auquel on réfère comme étant le bouton pré-synaptique.
Par le bouton pré-synaptique, les fibres se connectent avec une fibre dite "centrale". La zone où se fait l'interconnexion "bout à bout" entre deux fibres nerveuses s'appelle une synapse. Une synapse est un espace réel entre les deux extrémités des fibres nerveuses qui s'interconnectent. Cet espace anatomique réel est borné par deux membranes neuronales, la membrane pré-synaptique, celle qui transmet l'influx et la membrane post-synaptique, celle qui reçoit l'influx.
C'est donc dire que la corne postérieure s'avère un lieu où se déroule un nombre incalculable d'interconnexions, non seulement elles s'y déroulent mais elles y sont aussi gérées. La corne postérieure, siège de millions d'interconnexions synaptiques, est un peu à l'image de la cour de triage la plus complexe qu'il pourrait être possible d'imaginer. Les millions d'axones "périphériques nociceptifs" contenus dans les racines échangent à ce niveau leur information avec les fibres centrales.
On verra dans le cas des douleurs qui se prolongent le moindrement que la gestion de ce réseau complexe d'échanges peut devenir difficile et même connaître une désorganisation déroutante ouvrant ainsi la voie à des douleurs intenses, étendues et difficile à maîtriser.
Lorsqu'un influx nociceptif ou autre arrive au niveau du bouton pré-synaptique, une cascade d'événements électrochimiques se produit:
La libération de NTs se fait en quantité "déterminée" à laquelle on donne le nom de "quantum". Ainsi, l'arrivée d'un train d'influx au niveau du bouton pré-synaptique libère un certain nombre de quanta, ces quanta entraînent dans le cas de NTs "excitateur" un certain degré de dépolarisation de la membrane post-synaptique. Plus le nombre de quanta augmente, plus il devient possible d'atteindre le seuil d'activation nécessaire pour déclencher les potentiels d'action générant, de ce fait, un nouveau train d'influx "nociceptifs" cette fois-ci dans la fibre centrale qui vient d'être activée. Et il en est ainsi, tout au long de l'ascension vers les régions supérieures où se feront les relais "nociceptifs".
C'est la quantité de (Ca++) migrant à l'intérieur du bouton pré-synaptique qui fait la régulation du nombre de quanta libérés. L'usage d'inhibiteurs calciques agissant spécifiquement sur le réseau nociceptif pourrait donc trouver une application co-analgésique à ce niveau, les bloqueurs calciques usuels n'ont pas d'effet à ce niveau et ne font donc pas partie de l'arsenal courant de co-analgésiques cependant le gabapentin et les médicaments de sa famille pourraient peut-être posséder une partie de cet effet.
On verra plus loin que l'effet des NTs pourra être autant "excitateur" i.e. activer l'activité métabolique à l'intérieur de la cellule que "inhibiteur" i.e. réduire cette même activité.
Les récepteurs "biochimiques" présents sur les membranes pré et post-synaptiques sont des récepteurs moléculaires complexes qui peuvent se retrouver en deux endroits:
Lorsque les récepteurs moléculaires sont situés à la surface de canaux ioniques, leur activation entraîne un
Lorsque les récepteurs moléculaires sont situés à la surface de la membrane neuronale, leur activation nécessite
Dans le cas du contrôle des canaux ioniques, la résultante finale sera d'ouvrir ou de fermer les canaux ioniques cibles mais cette fois-ci à partir d'un stimulus venant de l'intérieur. Encore ici, l'effet final pourrait être une dépolarisation ou une hyperpolarisation mais cet effet sera retardé en comparaison avec la stimulation directe des canaux ioniques à la surface extra-cellulaire.
L'augmentation ou la réduction de l'excitabilité membranaire est donc liée à une chaîne de processus métaboliques intra-cellulaires qui imposent un certain délai avant de se répercuter sur les canaux ioniques visés. Les canaux ioniques activés par les récepteurs membranaires sont donc impliqués plus tardivement en comparaison de ceux possédant des récepteurs immédiatement à leur surface.