Ces personnes qui ont mal

Notes personnelles dans une perspective de soins palliatifs "oncologiques" Par : Brizard, André, MD

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51 - La transmission d'un influx dans l'espace synaptique: la membrane post-synaptique et les neurotransmetteurs "excitateurs"

Lorsqu'un NT "excitateur" se fixe sur un récepteur qui lui est spécifique au niveau de la membane post-synaptique, peu importe que ce récepteur soit situé directement à la surface des canaux ioniques ou de la membrane neuronale, il produit alors une ouverture des canaux "médiateurs dépendants":

  • les canaux sodiques (Na+)
    et/ou
  • les canaux calciques (Ca++).


Il va sans dire que les canaux ioniques "voltage-dépendants", qu'ils soient sodiques ou calciques ne sont pas impliqués dans ce processus d'activation, leur sort a été décrit antérieurement. (Voir: LA TRANSMISSION D'UN INFLUX DANS L'ESPACE SYNAPTIQUE: LE BOUTON PRE-SYNAPTIQUE ET LA LIBERATION D'UN NEUROTRANSMETTEUR).

Les canaux sodiques (Na+) sont les grands responsables de la dépolarisation progressive menant finalement à l'induction d'un influx en permettant le transfuge d'ions (Na+) à travers la membrane cellulaire (Voir: LE PHENOMENE DE DEPOLARISATION "MEMBRANAIRE"). Le potentiel transmembranaire passe alors de - 70 mV à - 50 mV par exemple et ainsi de suite. Au fur et à mesure que d'autres NTs arrivent au niveau de leurs récepteurs spécifiques sur la membrane post-synaptique, d'autres canaux sodiques s'ouvrent et le phénomène de dépolarisation s'accentue de plus en plus. Il finit par atteindre "le" seuil de voltage transmembranaire nécessaire pour faire ouvrir l'autre type de canaux ioniques, les canaux "voltage dépendants". Alors survient la migration massive d'ions (Na+) et d'ions (Ca++) en intra-cellulaire. Cette migration massive permet de générer le potentiel d'action nécessaire au déclenchement d'un influx nociceptif, bien plus, d'un train d'influx dans la fibre centrale. La montée des influx vers les centres supérieurs est ainsi assurée.

Les canaux calciques (Ca++) sont responsables pour leur part du soutien métabolique "excitateur" intra-cellulaire en permettant l'entrée d'abord modérée et ensuite "massive" de (Ca++) à l'intérieur de la cellule nécessaire aux différents processus métaboliques menant à la production et à la libération de NTs à l'autre extrémité de la fibre centrale dans les centres supérieurs où la neurotransmission se poursuit jusqu'à l'arrivée de l'influx dans le cortex pariétal à titre d'exemple.

C'est de cette façon que les principaux NTs nociceptifs agissent (glutamate et substance P) en regard des canaux sodiques et calciques. Le glutamate agit de façon relativement plus complexe, il sera discuté avec les récepteurs NMDA (Voir: LES RECEPTEURS NMDA ET ... LES RECEPTEURS NON-NMDA: LEURS ROLES EN SITUATION D'HYPERACTIVITE PERIPHERIQUE).

Les canaux calciques (Ca++) sont responsables pour leur part du soutien métabolique "excitateur" intra-cellulaire en permettant l'entrée modérée et en certaines occasions "massive" de (Ca++) à l'intérieur de la cellule nécessaire aux différents processus métaboliques menant à la production et à la libération de NTs.

C'est de cette façon que les principaux NTs nociceptifs agissent (glutamate et substance P) en regard des canaux sodiques et calciques. Le glutamate agit de façon relativement plus complexe, il sera discuté avec les récepteurs NMDA (Voir: LES RECEPTEURS NMDA ET ... LES RECEPTEURS NON-NMDA: LEURS ROLES EN SITUATION D'HYPERACTIVITE PERIPHERIQUE).

52 - La transmission d'un influx dans l'espace synaptique: la membrane post-synaptique et les neurotransmetteurs "inhibiteurs"

Lorsqu'un NT "inhibiteur" se fixe sur un récepteur qui lui est spécifique, peu importe que ce récepteur soit situé directement à la surface des canaux ioniques ou de la membrane neuronale, il produit alors, de façon concomitante, une ouverture des canaux "médiateurs dépendants"

  • les canaux chloriques (Cl-)
    et
  • les canaux potassiques (K+).

(Voir: LA TRANSMISSION D'UN INFLUX DANS L'ESPACE SYNAPTIQUE: LA MEMBRANE POST-SYNAPTIQUE ET SES DEUX GRANDES FAMILLES DE RECEPTEURS).

L'ouverture des canaux chloriques (Cl-) entraîne une migration des ions (Cl-) vers l'intérieur de la cellule, ce qui a pour effet d'accentuer la charge négative intracellulaire.

En même temps, l'ouverture des canaux potassiques (K+) permet au K+ de migrer vers l'extérieur ce qui vient encore accentuer encore plus la charge négative intracellulaire et donc l'hyperpolarisation. La contribution des canaux potassiques (K+) est plus importante que celle des canaux chloriques (Cl-). C'est particulièrement de cette façon que les opiacés agissent comme nous le verrons plus loin, i.e. en augmentant la migration vers le milieu neuronal des ions potassiques (K+).

On réfère à cette facilitation du passage d'un ion d'un milieu vers un autre comme à une conductance augmentée.

En présence d'un NT "inhibiteur", l'hyperpolarisation de la membrane post-synaptique sera "prolongée". Cette hyperpolarisation, qui est en fait une accentuation de la négativité intracellulaire, a pour effet d'empêcher la structure de réagir à un stimulus. Ainsi l'arrivée d'un influx nociceptif en provenance de la périphérie ou la présence d'un NT "excitateur" nociceptif ne seront plus en mesure de provoquer les effets qu'ils auraient dû provoquer.

53 - La transmission d'un influx dans l'espace synaptique: les neurotransmetteurs "inhibiteurs", l'hyperpolarisation et les effets sur le bouton pré-synaptique et le neurone central

Les membranes des boutons pré-synaptiques de même que les membranes des neurones centraux possèdent des récepteurs "biochimiques" sur lesquels les NTs "inhibiteurs" peuvent agir.

Au niveau de la membrane des boutons pré-synaptiques,

  • l'hyperpolarisation aura comme conséquence de provoquer une certaine inhibition des canaux calciques "voltage dépendants" puisque l'arrivée d'un influx au niveau du bouton pré-synaptique ne permettra plus d'atteindre le voltage transmembranaire nécessaire à l'ouverture de ces mêmes canaux calciques. Ainsi, à titre d'exemple, le potentiel transmembranaire nécessaire à l'ouverture des canaux calciques pourrait dans un cas donné se situer autour de -30 mV pour un potentiel de repos de -70 mV, soit une différentielle de 40 mV. Ce potentiel n'atteindra que -45 mV avec l'arrivée de l'influx en provenance de la périphérie lorsque le potentiel transmembranaire de dépolarisation se trouve à -85 mV.

Ainsi, l'absence d'arrivée de Ca++ intracellulaire nécessaire à toute activation de la cascade biochimique empêchera la production et à la libération subséquente de neurotransmetteurs "nociceptifs" (glutamate, substance P et autres) à partir de la membrane pré-synaptique du bouton pré-synaptique même en présence d'influx nociceptifs. Beaucoup moins de NTs nociceptifs se retrouvent alors dans l'espace synaptique. Moins de NTs nociceptifs, moins de douleur.

Nous verrons plus tard que les opiacés agissent en partie de cette façon sur les boutons pré-synaptiques pour exercer leur effet analgésique.

Au niveau de la membrane des neurones centraux,

  • l'hyperpolarisation aura pour effet d'empêcher la membrane post-synaptique du neurone central d'atteindre le voltage transmembranaire nécessaire au déclenchement d'un potentiel d'action. Ainsi, à titre d'exemple, le potentiel transmembranaire nécessaire au déclenchement d'un potentiel d'action qui pourrait se situer autour de +10 mV pour un potentiel de repos de -70 mV, soit une différentielle de 80 mV, n'atteindra que -5 mV lorsque le potentiel transmembranaire de départ se trouve à -85 mV.

Il ne semble pas que l'activation des récepteurs opioïdes (enképhalinergiques, dynorphinergiques) à ce niveau puisse provoquer, comme dans le cas des boutons pré-synaptiques, une hyperpolarisation suffisante pour provoquer une inhibition "valable" des canaux calciques "voltage dépendants". Cette ajout d'inhibition aurait pu avoir comme conséquence "heureuse" de réduire encore plus les influx nociceptifs ascendants mais tel n'est pas le cas.

C'est par l'un ou l'autre de ces deux mécanismes que les substances "inhibitrices" (enképhaline, dynorphine, norépinéphrine et GABA) exercent leur effet "analgésique". Il existe des récepteurs enképhalinergiques, dynorphinergiques, alpha2-adrénergiques et GABAergiques tant au niveau du bouton pré-synaptique que du neurone central des fibres nociceptives.

Par ailleurs, les récepteurs GABAergiques se retrouvent en beaucoup plus grand nombre sur les boutons pré-synaptiques de terminaisons motrices au niveau des jonctions neuro-musculaires que sur les boutons pré-synaptiques des fibres nociceptives c'est pourquoi le baclofen est beaucoup plus efficace pour réduire la spasticité que pour réduire la douleur même lorsqu'administré en épidural.

Dans l'ensemble, le nombre de récepteurs "inhibiteurs" prédomine nettement au niveau des boutons pré-synaptiques des fibres nociceptives en comparaison avec les neurones centraux. Ce qui fait qu'une bonne partie du blocage nociceptif se fait en pré-synaptique, environ 75% du blocage nociceptif se fait à ce niveau, il ne reste que 25% pour la contribution de la membrane post-synaptique du neurone central.

L'effet des neurotransmetteurs inhibiteurs semble donc ne reposer que sur l'hyperpolarisation résultant de l'ouverture des canaux potassiques et chloriques. Ces NTs "inhibiteurs" réussissent quand même, par cet effet unique, à exercer une large contribution "analgésique".

On verra quand il sera question des récepteurs NMDA que leur activation provoquera entre autre la production de NO (monoxyde d'azote) dans les neurones centraux. Le NO ainsi produit diffusera partout dans le corps cellulaire des neurones centraux, il diffusera aussi à l'extéreure des neurones centraux pour se rendre dans les boutons pré-synaptiques et dans les cellules gliales. Au niveau des boutons pré-synaptiques, un des effets du NO sera d'entrainer la fermeture des canaux potassiques responsables de l'hyperpolarisation observable suite à une stimulation des récepteurs opiacés. La fermeture des canaux potassiques empêchera ainsi l'hyperpolarisation de se produire et réduira en conséquence considérablement l'effet analgésique des opiacés.

54 - La corne postérieure: une "cour de triage" complexe

La schématisation du mode de communication entre deux neurones montre habituellement un neurone dont le bouton pré-synaptique fait son transfert d'influx avec un neurone central tout comme si la communication dans le réseau nerveaux se faisait toujours "de un à un". Il en est pourtant tout autrement. Chaque dendrite de chacun des neurones centraux nociceptifs peut être branché à une afférence nociceptive différente. Plusieurs afférences nociceptives arrivent donc en même temps sur un même neurone nociceptif central, ces afférences étant en provenance:

  • de divers nocicepteurs
    • mécanorécepteurs
    • thermorécepteurs
    • récepteurs mécanothermiques
    • récepteurs polymodaux.

Mais il y a pire encore puisque chaque fibre nociceptive centrale peut recevoir en même temps des afférences nociceptives en provenance:

- de diverses structures anatomiques
 somatiques
 viscérales
- de divers sites anatomiques
 dermatome
 myotome
 sclérotome

Cette convergence d'arrivée entre des influx nociceptifs qui sont d'origines variées, de zones et de structures anatomiques diverses amène donc des interconnexions synaptiques de variétés multiples. Le phénomène des douleurs référées trouve probablement dans ces multi-convergences une partie de son explication (Voir: EPARPILLEMENT MULTI-ETAGE, MULTI-CONVERGENCE ET DOULEUR REFEREE).

La situation se trouve encore plus complexe puisque ces dendrites sont aussi soumis aux connexions synaptiques en provenances

  • des faisceaux inhibiteurs descendants dont il sera fait mention un peu plus loin (Voir: LA CONTREPARTIE DES FAISCEAUX ASCENDANTS: LES FAISCEAUX DESCENDANTS INHIBITEURS)
  • des fibres sensitives non-nociceptives qui elles sont branchées à de nombreux récepteurs "non-nociceptifs". (Voir: LES AUTRES INFORMATIONS SENSITIVES ET LEURS RECEPTEURS)

Ces deux derniers groupes d'influx font référence à l'effet "portillon" (Gate Control) proposé par Melzack et Wall au début des années soixante. L'effet "portillon" sera discuté ultérieurement dans le présent document. (Voir: L'EFFET "PORTILLON" (GATE CONTROL) SELON MELZACK ET WALL ET UNE PLUS NOUVELLE THEORIE: LE CONTROLE INHIBITEUR DIFFUS INDUIT PAR LA NOCICEPTION (CIDN))

 

55 - La transmission d'un influx dans l'espace synaptique: les neurotransmetteurs

Cette multi-convergence impose en même temps la nécessité d'assurer le relais de l'influx électrique dans les multiples connexions synaptiques. Ce transfert des influx électriques nociceptifs entre deux neurones se fait par l'intermédiaire de substances chimiques qu'on appelle des neurotransmetteurs (NTs). Il existe plusieurs substances chimiques jouant le rôle de neurotransmetteurs. La convergence qui se fait sur les dendrites des neurones nociceptifs centraux, à partir de sites et de structures multiples, impliquera plusieurs neurotransmetteurs différents afin de communiquer ces différentes informations.

Les principaux neurotransmetteurs "nociceptifs" identifiés jusqu'à maintenant, i.e. ceux qui transfèrent l'information "nociceptive" de la fibre périphérique à la fibre centrale, sont:

  • le glutamate
    et
  • la substance P

mais il en existe plusieurs autres

  • le peptide lié au gène de la calcitonie (Calcitonine Gene Related Peptide - CGRP)
  • la somatostatine
  • le polypeptide intestinal vaso-actif (Vaso-active Intestinal Peptide - VIP)
  • et encore bien d'autres.

Un certain nombre de fibres nociceptives libèrent à la fois du glutamate et de la substance P qui coexistent au niveau de leur bouton pré-synaptique mais une bonne majorité des fibres nociceptives ne possèdent que le glutamate ou que la substance P comme neurotransmetteur nociceptif.

Le glutamate représente le plus important neurotransmetteur "excitateur" de tout le système nerveux central. Le GABA est pour sa part le plus important neurotransmetteur "dépresseur".

56 - La "cour de triage" complexe: le premier relais central avec ses différents circuits et sous-circuits de connexion

Le relais de l'influx électrique nociceptif entre deux neurones est assuré par l'intermédiaire des neurotransmetteurs (NTs). Cependant, les deuxièmes neurones nociceptifs ne sont souvent que de très courts neurones "centraux" qui font le pont avec les vrais neurones centraux qui sont ceux qui vont acheminer les influx nociceptifs vers les régions supérieures, c'est-à-dire le tronc cérébral et le cerveau.

Au niveau de la corne postérieure, les connexions synaptiques à partir des différentes provenances périphériques énumérées plus haut peuvent donc se faire:

  • DIRECTEMENT sur un neurone central
    ou
  • INDIRECTEMENT c'est -à-dire par l'intermédiaire de petits neurones (2 types) avant d'atteindre le neurone central.

DIRECTEMENT sur un neurone central

Il existe, au niveau de la corne postérieure, trois types de neurones nociceptifs centraux vers lesquels le transfert d'influx nociceptifs se fait:

  • les neurones spécifiquement nociceptifs (Nociceptive Specific - NS) aussi appelés "neurones marginaux larges" (Large Marginal Neurons (LMN). Les LMN/NS sont surtout situées dans la couche I, i.e. dans la zone marginale de la corne postérieure. Ils sont présents en faible nombre dans les couches II et III. Ils reçoivent de façon préférentielle les afférences nociceptives des fibres A delta.
  • les neurones nociceptifs non-spécifiques (Wide Dynamic Range - WDR) qui pourraient être qualifiées de "pluri-réceptifs", de poly-convergents ou de convergents puisqu'ils reçoivent à la fois des influx sensitifs non-nociceptifs de tout type et des influx nociceptifs.

Ces WDR sont situés presqu'exclusivement dans la couche V de la corne postérieure et un peu dans la couche IV. Ils envoient cependant de longs prolongements dendritiques dans les couches III et IV (nucleus proprius) de la corne postérieure où ils "recueillent" les transferts synaptiques en provenance:

  • des grosses fibres afférentes A alpha, A bêta (sensations tactiles et proprioceptives),
  • des fibres A delta et C,
  • des cellules pédonculées qui envoient d'abondants transferts synaptiques et dont il est fait mention plus loin.
  • les neurones des mécanorécepteurs à faible seuil (Low-Threshold Mecano-Receptor - LTM).

INDIRECTEMENT c'est -à-dire par l'intermédiaire de petits neurones (2 types) avant d'atteindre le neurone central.

Les courts neurones servant d'interface ou de sous-circuits de connexions entre les neurones nociceptifs périphériques et les neurones centraux existent sous deux formes:

  • de très courts neurones, des interneurones aussi appelés neurones intercalaires, qui eux, font synapse directement avec les dendrites d'un ou de plusieurs neurones nociceptifs centraux LMN et WDR. (Schéma de Véro - Gyn refait)

Ces interneurones sont situés presqu'exclusivement dans la couche I et II, i.e. dans la zone marginale et dans la substance gélatineuse de la corne postérieure.

  • des neurones pédonculés (Stalk Cells (SC)) qui eux aussi font synapse directement avec les dendrites d'un ou de plusieurs neurones nociceptifs centraux LMN et WDR. (Schéma de Véro - Gyn refait)

Ces neurones pédonculés sont surtout situés dans la couche II et III, i.e. dans la substance gélatineuse (II) et dans la portion III du nucleus proprius (III-IV) de la corne postérieure.

57 - La "cour de triage" complexe: la spécificité des différents neurones centraux

Chaque type de neurones centraux a comme fonction de transporter certains types d'influx, ainsi:

  • les neurones "LMN/NS" transportent les influx nociceptifs
    • thermiques
    • mécaniques
       
  • les neurones "WDR" transportent les influx sensitifs et nociceptifs de tout type et de toutes les structures
    • toucher superficiel (light touch) et autres
    • douloureux quelconques
       
  • les neurones "LTM" transportent les influx tactiles
    • toucher superficiel (light touch)
    • pression
    • mobilisation des poils des surfaces cutanées pileuses (hair movement)
       

Chaque type de fibres peut ainsi recevoir à la fois des informations sensitives "non-nociceptives" et "nociceptives". Cette notion élargit encore le concept des douleurs référées puisque des influx "douloureux" provenant de structures viscérales et ostéo-articulaires peuvent alors converger vers le même type de fibre centrale et faire leur ascension vers les centres de relais et d'interprétation du tronc cérébral et du cerveau dans le même neurone central nociceptif.

58 - La "cour de triage" complexe:la fonction des interneurones et des neurones pédonculés

La fonction des interneurones et des neurones pédonculés est d'agir sur le transfert des influx nociceptifs de deux manières:

  • certains interneurones exercent un rôle d'inhibition sur le transfert des influx nociceptifs vers les neurones centraux dans la corne postérieure
     
  • d'autres, malheureusement!, viennent "faciliter" le transfert des influx nociceptifs dans la corne postérieure, on les qualifie de neurones "excitateurs".

La fonction d'inhibition est particulièrement importante. Elle se joue par l'intermédiaire des deux sous-circuits de connexion que sont les interneurones et les neurones pédonculés:

  • les interneurones ou neurones intercalaires reçoivent leurs connexions synaptiques presqu'exclusivement en provenance des faisceaux dorso-latéraux qui sont des faisceaux inhibiteurs descendants. Ces faisceaux inhibiteurs descendants sont des faisceaux principalement sérotoninergiques et noradrénergiques qui proviennent de certaines régions corticales et sous-corticales du cerveau et de certaines structures du tronc cérébral i.e. dans l'ensemble des centres supra-spinaux (Voir: LA CONTREPARTIE DES FAISCEAUX ASCENDANTS: LES FAISCEAUX DESCENDANTS INHIBITEURS)
  • Les interneurones utilisent des NTs "inhibiteurs" (enképhaline, dynorphine, norépinéphrine et GABA) et exercent leur inhibition de deux manières complémentaires, c'est-à-dire en faisant une inhibition:
  • pré-synaptique (sur le bouton pré-synaptique)
    et
  • post-synaptique (sur la membrane du neurone central afférent suivant).

Ils font donc synapse avec

  • les boutons pré-synaptiques des fibres A delta et C
  • les membranes post-synaptiques des dendrites des neurones LMN
  • les membranes post-synaptiques des dendrites des neurones WDR.

Comme il existe une très nette prépondérance de fibres C puisque celles-ci composent probablement autour de 60-90 % des afférences cutanées et presque la quasi totalité des afférences viscérales, on peut alors comprendre toute l'importance des faisceaux inhibiteurs descendants dans la réduction du transfert des influx nociceptifs en provenance de la périphérie.

  • les neurones pédonculés reçoivent leurs connexions synaptiques à la fois des fibres A alpha, A bêta et des fibres C.

Ils utilisent des NTs "inhibiteurs" mais produisent aussi des NTs "excitateurs". Ils n'exercent leur inhibition que d'une seule manière soit en faisant une inhibition:

  • post-synaptique exclusivement.

Ils font synapse avec

  • les membranes post-synaptiques des dendrites des neurones LMN
  • les membranes post-synaptiques des dendrites des neurones WDR.

Ces interactions sur la transmission des influx nociceptifs réfèrent au concept de "modulation". Le concept de modulation a été développé par Melzack et Wall sous le nom de "Théorie du portillon" (Gate Control Theory). et a été publié en 1965. Cette publication demeure un extraordinaire classique dans toute la littérature portant sur la douleur (Melzack R, Wall PD. Pain mechanism: a new theory. Science 1965; 150:971-9). Les opérations de modulation dans "la cour de triage" qu'est la corne postérieure sont complexes comme on pourra le constater.

59 - Les différents sous-circuits intermédiaires inhibiteurs de connexion: leurs neurotransmetteurs

Les interneurones dans leur fonction d'inhibition pré et post-synaptique font usage de cinq principaux NTs "inhibiteurs"

  • l'enképhaline,
  • la dynorphine,
  • la norépinéphrine
  • la sérotonine
  • le GABA, l'acide gamma-amino-butyrique (GABA - gamma-amino-butyric acid)

alors que les cellules pédonculées (Stalk Cells) qui n'exercent leur inhibition qu'en post-synaptique font usage préférentiellement de trois

  • l'enképhaline,
  • la dynorphine,
  • le GABA.

L'activation de ces neurones intermédiaires vient réduire de façon marqante le transfert d'influx douloureux dans la corne postérieure de sorte qu'il en résulte une moins grande abondance pouvant faire ascension vers le tronc cérébral et le cerveau.

60 - Les neurotransmetteurs inhibiteurs des différents sous-circuits intermédiaires de connexion: leurs modes d'action

Selon le mécanisme plusieurs fois proposé, les NTs "inhibiteurs" ainsi libérés (principalement: enképhaline, dynorphine, GABA) viennent activer les récepteurs "biochimiques" (enképhalinergiques, dynorphinergiques, GABAergiques) situés

  • soit sur les boutons pré-synaptiques des fibres nociceptives
  • soit sur les membranes post-synaptiques des neurones centraux.

Que cette activation se produise sur le bouton pré-synaptique ou directement sur la membrane du neurone central, l'effet est toujours le même soit une "HYPERPOLARISATION PROLONGÉE".

Cette "HYPERPOLARISATION PROLONGÉE" (Voir: LA TRANSMISSION D'UN INFLUX DANS L'ESPACE SYNAPTIQUE: LES NTs "INHIBITEURS", L'HYPERPOLARISATION ET LES EFFETS SUR LE BOUTON PRE-SYNAPTIQUE ET LE NEURONE CENTRAL) a pour effet d'empêcher le bouton pré-synaptique de réagir à l'arrivée d'un influx nociceptif. L'augmentation de l'activité métabolique intrinsèque entrainant la production et la libération de NT(s) nociceptifs ne peuvent donc pas avoir lieu et la neurotransmission nociceptive se trouve donc réduite considérablement.

Par ailleurs cette "HYPERPOLARISATION PROLONGÉE" aura pour effet d'empêcher la membrane du neurone central de réagir à l'arrivée des NTs qui ont pu encore être produits et libérés.

Par un mécanisme ou l'autre, l'activation des récepteurs "biochimiques" (enképhalinergiques, dynorphinergiques, GABAergiques) résulte finalement en une très nette réduction du nombre d'influx nociceptifs prenant la direction des centres supérieurs.

L'architecture "modulatrice" des influx nociceptifs retrouvée au niveau de la corne postérieure existe en fait d'une façon semblable au niveau du noyau spinal du trijumeau, l'équivalent de la corne postérieure pour les influx nociceptfs en provenance de la face.

Il existe aussi des mécanismes de modulation au niveau des zones de relais dans le tronc cérébral et dans le cerveau.

C'est donc dire la puissance que pourront jouer tant les influx physiques que psychiques dans la modulation des perceptions nociceptives et dans le rendu final qu'est alors "la douleur globale" ou "souffrance".

Les multiples synapses présentes au niveau de la corne postérieure utilisent une grande variété de neurotransmetteurs, c'est donc dire qu'il existe, au niveau des surfaces synaptiques des nombreuses structures impliquées (les boutons pré-synaptiques, les interneurones, les cellules pédonculés (Stalk Cells), les dendrites centraux et les surfaces membranaires des neurones centraux) des récepteurs "biochimiques" spécifiques pour chacun de ces différents neurotransmetteurs.

Parmi cette multitude de récepteurs "biochimiques" spécifiques, deux récepteurs à eux seuls occupent une très large place dans le chapitre de la nociception/douleur, ce sont

  • les récepteurs "opiacés"
    et
  • les récepteurs NMDA.