Notes personnelles dans une perspective de soins palliatifs "oncologiques" Par : Brizard, André, MD
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La douleur peut déclencher une réponse motrice réflexe "efférente" dans un ou plusieurs muscles squelettiques en raison de l'arrivée de fibres nociceptives périphériques sur plusieurs dendrites appartenant à plusieurs neurones moteurs. Cette réponse motrice réflexe "efférente" se manifeste par une augmentation du tonus musculaire pouvant aller jusqu'à des contractions spastiques qui peuvent à leur tour devenir douloureuses.
La douleur "aiguë" peut déclencher une réponse motrice réflexe de deux ordres:
La douleur "chronique" entraîne pour sa part des réponses motrices réflexes d'un autre ordre dont les conséquences deviennent parfois "harassantes". C'est le cas, par exemple, des douleurs cervicales musculo-squelettiques qui apparaissent suite aux laryngectomies.
Quand la structure musculaire où se produisent des réponses motrices réflexes est accolé à des structures scléreuses
il peut arriver que l'hypertonicité musculaire soutenue puisse aller jusqu'à entraîner une certaine irritation de la scléreuse avoisinante et produire ainsi l'équivalent d'une activation inflammatoire par effet loco-régional. Les zones où sont alors ressenties les douleurs deviennent plus étendues et souvent encore plus vagues. L'évaluation s'en trouve de nouveau plus complexe.
La douleur peut déclencher une réponse sympathique "réflexe" hyperactive puisque les terminaisons médullaires de fibres nociceptives périphériques peuvent aussi faire synapse, au niveau de la corne postérieure, avec des fibres sympathiques préganglionnaires, soit directement soit indirectement par le biais d'interneurones.
Ce transfert synaptique entre des "afférences nociceptives" et des "efférences sympathiques" produit une accentuation de l'activité du système sympathique qui peut même conduire à une hyperactivité adrénergique en périphérie puisqu'alors les influx sympathiques sont augmentés.
Or, il existe des nocicepteurs non seulement au niveau du derme mais il en existe aussi au niveau de la paroi des vaisseaux et ces nocicepteurs sont munis de récepteurs adrénergiques de type alpha-1. Ces récepteurs adrénergiques de type alpha-1 sont du même type que ceux faisant partie de la paroi des vaisseaux sanguins pour le contrôle de la tonicité des muscles lisses (vasoconstriction / vasodilatation). L'hyperactivité sympathique est donc susceptible de produire plusieurs effets néfastes en périphérie puisqu'elle stimulera à la fois les nocicepteurs cutanés et capillaires et à la fois la vasoconstriction des vaisseaux concernés.
Il est donc possible de retrouver des douleurs compliquées d'une participation du système nerveux autonome sympathique ou "sympathetically maintained pain". C'est ce qui s'observe dans le cas de la dystrophie réflexe sympathique.
L'hyperactivité adrénergique avec ses effets sur les récepteurs "alpha-1" est susceptible d'entraîner de lourdes conséquences à plusieurs niveaux:
Il n'est donc pas surprenant d'assister alors aux phénomènes
Le déclenchement d'une réponse sympathique réflexe hyperactive par des influx nociceptifs est donc susceptible d'entraîner, dans certaines conditions, la création d'un circuit s'autogénérant. L'hyperactivation des nocicepteurs de tous les types engendrant une augmentation des afférences nociceptives au niveau de la corne postérieure, cette augmentation des afférences nociceptives amplifiant les échanges synaptiques au niveau de la corne postérieure avec des fibres sympathiques préganglionnaires. Plus il se trouve de fibres sympathiques activées, plus les conséquences périphériques sont grandes au niveau des différents récepteurs. Plus les récepteurs de tous types sont activés, plus il arrive d'afférences nociceptives au niveau de la corne postérieure et ainsi de suite.
Le cercle vicieux ainsi créé offre de fait une partie des explications pour des douleurs que l'on qualifiait autrefois de "dystrophie sympathique réflexe / algodystrophie / causalgie et encore bien d'autres" et qui selon la nomenclature de l'IASP sont de nos jours qualifiées de "Sympathetically Maintained Pain" i.e. des douleurs dont la présence soutenue est sous la gouverne du système nerveux autonome sympathique.
Quand le cercle vicieux des douleurs entretenues par l'hyperactivité du système sympathique est ainsi "déclenché", il est souvent difficile de contrôler adéquatement ces douleurs. La panoplie d'approches suggérées dans le cas des douleurs avec participation du système sympathique en témoigne.
Ce qui pourrait apparaÎtre comme logique à savoir le blocage des récepteurs adrénergiques alpha-1 par des médicaments systémiques afin de réduire les stimulations nociceptives provoquées par l'hypersécrétion nonadrénergique sur les nocicepteurs périphériques et même un blocage de la chaîne ganglionnaire sympathique impliquée par une technique anesthésique ne parviennent souvent pas à offrir l'analgésie espérée.
Les douleurs avec participation du système nerveux sympathique offrent tout un défi à la thérapeutique analgésique.
A partir de la zone synaptique où des millions d'axones "périphériques nociceptifs" ont fait des synapses de toutes sortes avec le deuxième ensemble de neurones, les neurones nociceptifs "centraux" et donc les influx nociceptifs continuent alors leur ascension vers les régions supérieures, c'est-à-dire le tronc cérébral et le cerveau.
Avant de commencer vraiment cette ascension, la majorité des axones centraux traversent la moelle d'un bord à l'autre i.e. ils décussent. Après avoir ainsi "décussé", ces axones se positionnent alors dans la région antéro-latérale de la moelle où ils commencent vraiment leur ascension. Cependant, peut-être jusqu'à 25 % pourraient faire leur ascension du même côté que leur point d'entrée. En se dirigeant vers le côté opposé, ces axones centraux se regroupent proche à proche dans différents sous-ensembles formant chacun un faisceau ou tractus particulier dans lesquels ils vont faire leur ascension vers différents points d'arrivée dans le cerveau.
Il existe au moins quatre différents trajets ou tractus nociceptifs qui méritent d'être signalés et par lesquels l'information "douleur" fait son ascension, dans la moelle, vers le cerveau
Les autres faisceaux comprennent les faisceaux
- spino-réticulaires (portion médullaire antéro-latérale - arrivée à l'étage bulbaire dans la formation réticulée: noyau giganto-cellulaire et réticulaire latéral), qui est le deuxième plus important faisceau de transmission nociceptive chez les humains
- spino-mésencéphaliques ou spino-ponto-mésencéphaliques (portion médullaire antéro-latérale - arrivée à l'étage mésencéphalique dans la région de la substance grise périaqueducale et l'aire para-brachiale)
- spino-solitaires.
Une portion des fibres nociceptives fait aussi son ascension au travers
Les influx nociceptifs qui font "transit" par les cordons postérieurs montent du même côté où ils sont entrés dans la moelle sans faire de synapse à la corne postérieure. Ils arrivent ainsi dans le tronc cérébral, au niveau bulbaire, et font alors synapses dans les noyaux gracilis et cuneatus ipsilatéraux. Les fibres centrales décussent alors et font leur ascension dans le faisceau lemniscus médian vers le thalamus d'où le dernier relais synaptique se fera avant d'arriver dans le cortex pariétal.
Les différents influx sensitifs et nociceptifs qui font "transit" par le faisceau spino-cervico-thalamique font synapses dans la corne postérieure au niveau des couches III, IV et V (Voir: LE TERMINUS PERIPHERIQUE ET LE PREMIER RELAIS CENTRAL: LA CORNE POSTERIEURE). Ils montent alors du même côté où ils sont entrés et ont fait synapses dans la moelle. Ils arrivent ainsi dans la partie supérieure de la moelle, à C1, et font de nouveau synapses dans le noyau cervical latéral. Les fibres centrales décussent alors et font leur ascension vers le thalamus en joignant le lemniscus médian d'où le dernier relais central se fera avant d'arriver dans le cortex pariétal.
De multiples régions du cerveau reçoivent ainsi des influx nociceptifs. À partir de ces différentes régions, l'information "nociceptive" est relayée vers des ensembles structuraux complexes impliqués dans l'intégration, l'interprétation, la gestion et la mémoire de l'information "douleur" avec les répercussions sur le plan moteur, affectif et comportemental que cela implique. Pour ce qui est des régions corticales et sous-corticales, cette circuiterie pourrait se résumer en quatre grandes fonctions: réception (cortex pariétal primaire (S1)), intégration et interprétation (cortex pariétal secondaire (S2) et aires gnosiques), émotion et mémorisation (système limbique), comportement (système limbique). (Voir: LES COMPOSANTES NON-PHYSIQUES: LEUR SUBSTRAT ANATOMO-PHYSIOLOGIQUE).
"faisceau" spinal du trijumeau. Immédiatement accolé à ce faisceau descendant, se trouve, un peu plus en médial, le "noyau" spinal du trijumeau (l'équivalent de la substance grise de la corne postérieure) où les afférences nociceptives périphériques du V se terminent. Ce noyau s'étend lui aussi en longueur dans les trois étages mésencéphale-protubérance-bulbe du tronc et il s'étend même jusqu'à la partie supérieure de la moelle cervicale puisqu'il s'arrête au troisième ou quatrième segment cervical où il se confond avec la substance gélatineuse. C'est donc dire que les fibres du faisceau spinal du trijumeau descendent elles-même aussi bas que le segment cervical C4 où elles fusionnent avec les couches I-IV de la corne postérieure.Ce noyau reçoit aussi des afférences des VIIe, IXe et Xe nerf crânien. L'étendue de ce noyau est vaste, son multiétagement est parfois divisé en trois sections, la portion supérieure correspondant au noyau "oralis", la portion intermédiaire au noyau "interpolaris" et la portion la plus inférieure au noyau "caudalis ou subcaudalis". Le fibres du faisceau spinal provenant de la portion mandibulaire du V arrivent au noyau "oralis" alors que les fibres de la région ophtalmique arrivent au noyau "caudalis ou subcaudalis". Il arrive ainsi que des lésions cervicales supérieures puissent parfois déclencher de la douleur dans la branche ophtalmique du V ou parfois une absence de la perception douloureuse en raison de cette particularité anatomique. Enfin, ce noyau possède des interconnexions avec le noyau moteur du V situé au niveau de la protubérance, ce qui explique les contractions réflexes des mâchoires en présence de stimulations douloureuses intenses.
Tout comme au niveau de la corne postérieure, les fibres nociceptives se terminent donc du même côté où elles ont pénétré, c'est donc dire que la terminaison des fibres nociceptives du trijumeau est elle aussi ipsilatérale.
A partir de la zone synaptique les neurones centraux originant du noyau spinal du trijumeau décussent à leur tour, avant de commencer vraiment leur ascension. Après avoir ainsi "décussé", ces axones font leur ascension regroupés proche à proche dans le faisceau trigémino-thalamique ventral (équivalent du faisceau spino-thalamique) qui se confond à partir de l'étage supérieur du mésencéphale avec le lemniscus médian. Ce faisceau projette ses terminaisons vers la formation réticulée et vers la portion ventro-postérieure des noyaux thalamiques médians (noyau ventro-postéro-médians (VPM)) et vers les noyaux intra-laminaires tout comme les faisceaux paléo-spinothalamiques l'avaient fait. A leur tour ces noyaux envoient leurs projections vers le cortex pariétal somesthésique.
De multiples régions du cerveau reçoivent ainsi des influx nociceptifs en provenance de la face et de la partie antérieure du crâne. À partir de ces différentes régions, l'information "nociceptive" est relayée vers des ensembles structuraux complexes impliqués dans l'intégration, l'interprétation, la gestion et la mémoire de l'information "douleur" avec les répercussions sur le plan moteur, affectif, comportemental que cela implique. (Voir: LES COMPOSANTES NON-PHYSIQUES: LEUR SUBSTRAT ANATOMO-PHYSIOLOGIQUE).
Le nom que portent l'ensemble des faisceaux ascendants décrit leur point d'origine et leur point d'arrivée. Il n'y a pas de faisceaux qui font ascension directement vers le cortex. Tous les faisceaux font un ou des relais par une ou par plusieurs structures sous-corticales avant d'envoyer finalement leurs projections vers les régions corticales. Ainsi, des influx nociceptifs peuvent arriver au niveau des structures suivantes:
Durant l'ascension des influx nociceptifs par les différents faisceaux ascendants, certaines structures reçoivent une large part d'afférences soit directement i.e. que les fibres se terminent dans ces structures, soit par des projections axonales (aussi appelées collatérales) pour les fibres qui continuent alors leur ascension vers d'autres structures.
Presque toutes les structures ayant reçu des afférences de la part des faisceaux ascendants envoient à leur tour des afférences vers d'autres structures situées à la fois aux étages plus haut (rostrales) et à la fois aux étages plus bas (caudales).
La formation réticulée est soumise en plusieurs de ses noyaux à une profusion d'informations nociceptives.
Une fois activés par la voie paléo-spino-réticulaire, les cellules du locus envoient des projections ascendantes vers les noyaux intralaminaires du thalamus puis le cortex cingulaire (système limbique), le cortex frontal et le cortex insulaire. Le locus envoie aussi des projections vers les noyaux paraventriculaires de l'hypothalamus (rôle dans le contrôle de la posthypophyse), vers l'amygdale (système limbique) et vers le néocortex cérébral (éveil cortical et attention accompagnant le processus d'alerte. Le faisceau paléo-spino-réticulo-thalamique ne renseigne donc pas sur la localisation, l'intensité en terme d'échelle de douleur, la surface et la durée comme le faisceau néo-spino-thalamique le fait mais il renseigne plutôt sur l'intensité du désagrément du stimulus douloureux, c'est-à-dire la composante émotionnelle "pure". Finalement, par ses projections hypothalamiques, le relais "locus coeruleus" est aussi responsable des réactions autonomiques (ou végétatives).
Le thalamus représente probablement le plus important relais pour ce qui est des influx nociceptifs. Plusieurs de ses noyaux sont impliqués dans des activités de relais nociceptif. Ce n'est vraiment qu'à partir du thalamus que la douleur est perçue à un niveau conscient, avant elle n'est qu'un influx nociceptif qui parcoure différents circuits à l'insu de tout niveau perceptuel. Cependant, bien que la douleur commence à être perçue à un niveau conscient à l'étage thalamique cette perception demeure encore frustre. La douleur ne "révélera" tous ses états qu'après avoir passé par les différents cortex somato-sensoriels et limbiques.
Les faisceaux spinothalamiques et les nombreux sous-faisceaux originant des différents relais par lesquels les influx nociceptifs ont passé se terminent principalement dans 5 régions thalamiques:
Mais ce sont les noyaux ventro-latéraux et ventraux-médians qui sont les plus importants relais.
L'importance de certains de ces noyaux est illustrée par le syndrome thalamique. La zone la plus souvent impliquée dans les syndromes thalamiques est le Noyau Ventral-Postérieur (VP) également appelé Complexe Ventro-Basal (VB). Dans ce complexe, les sous-entités Noyau Ventro-Postéro-Latéral (VPL) et Ventro-Postéro-Médian (VPM) sont le plus souvent touchées par des lésions d'ACV ischémiques. La destruction des ces deux noyaux provoque une hémianesthésie et quelques temps plus tard des douleurs centrales hémicorporelles. Le travail de filtration des différentes afférences sensorielles ne se fait plus de sorte que des stimulations sensorielles des plus banales peuvent provoquer des douleurs d'une intensité absolument indescriptible.
Ces noyaux envoient ces informations par un troisième ensemble de projections vers le cortex somesthésique pariétal primaire (SI) où se retrouve l'homonculus qui est en fait une représentation somatotopique précise des différentes parties du corps. Le cortex somesthésique pariétal primaire (SI) reçoit toujours des informations controlatérales. En contre-partie, ces noyaux thalamiques (VLP et PO) reçoivent des afférences des régions corticales S1, afférences cortico-thalamiques dont la fonction sera d'exercer un rôle modulateur inhibiteur afin de réduire la réception et la transmission des informations nociceptives arrivant au niveau thalamique. Il se fait donc une modulation des influx nociceptifs à des niveaux très élevé.
De plus, le cortex pariétal primaire (S1) envoit à son tour des projections vers le cortex pariétal somesthésique secondaire postérieur (S2), situé au niveau de l'opercule temporal, où se trouvent les aires associatives. Tout comme dans la relation thalamus-cortex pariétal primaire (S1), le cortex pariétal secondaire renvoit à son tour des projections vers le cortex paritétal primaire, donc des afférences cortico (S2)-corticales (S1).
Certaines portions des noyaux thalamiques latéraux envoient une abondance de projections vers le cortex préfrontal (moteur) et la cervelet ce qui suggère que ce noyau participe à des activités motrices consécutives aux stimulations nociceptives.
Enfin, les noyaux thalamiques latéraux envoient aussi une portion des informations directement au cortex pariétal somesthésique secondaire (S2) postérieur. A ce niveau cependant, la somatotopie est beaucoup moins bien organisée qu'en S1 et les afférences proviennent de projections ipsi et controlatérales.
Pour ce qui est du système limbique et du cortex cingulaire, ces deux structures modulent, probablement de façon prépondérante, le caractère affectif ou émotionnel des douleurs ressenties, ces deux structures ajoutent en fait le caractère "désagrément" des douleurs. Durant les années 1950, des lobotomies frontales, pratiquée chez des personnes présentant des douleurs extrêmement sévères, ont démontré qu'il était possible, en coupant les circuits du système limbique, du cortex frontal et cingulaire, de réduire la composante "émotive" des douleurs i.e. le caractère "désagrément" bien que ces personnes aient pu continuer à ressentir la même intensité de douleur, sans le caractère désagréable cette fois-ci.
L'aboutissement final de nombreuses projections nociceptives corticales se fait au niveau de différents cortex ayant des fonctions diverses. Ainsi, des projections arrivent notamment vers:
Dans leur ascension vers le cortex pariétal somesthésique primaire du gyrus post-central (S1) et vers l'operculum pariétal (cortex pariétal somesthésique secondaire) situé immédiatement postérieur au gyrus post-central (S2), les projections thalamiques nociceptives tout comme les autres projections sensorielles passent par la portion postérieure de la capsule interne et par la "corona radiata". D'autres projections font ascension vers le cortex frontal.
Les projections d'origine viscérale pour leur part sont dirigées vers le cortex insulaire, enfoui en profondeur dans la fissure latérale. Le cortex insulaire échange des projections avec le système nerveux autonome. Une activation du cortex insulaire produit des nausées et des vomissements ce qui s'observe souvent en présence de douleurs viscérales importantes.
L'arrivée des projections thalamiques nociceptives provenant des différents noyaux thalamiques impliqués se fait selon une distribution très spécifique dans certaines aires corticales et dans certaines couches corticales. Ainsi, les projections nociceptives thalamiques arrivent dans la quatrième couche des cellules corticales du gyrus post-central, du lobule paracentral et de l'operculum pariétal. A partir de cette couche, les influx nociceptifs sont alors relayés vers les couches plus superficielles pour permettre une plus grande intégration des messages nociceptifs. Enfin les influx sont dirigées vers les couches les plus superficielles pour l'intégration finale (caractère, localisation, intensité, durée). Or ce sont les couches les plus superficielles qui sont les plus vulnérables à certaines conditions (carcinomatose, atteinte vasculaire) et c'est ce qu'on observe dans le syndrome pariétal alors que les couches les plus superficielles ne peuvent plus accomplir leur rôle d'intégration finale en raison d'un ACV.
En plus d'avoir envoyé des projections cortico-thalamiques servant à moduler le transfert d'influx nociceptifs au niveau thalamique, les différentes régions du lobe pariétal impliquées dans la réception et l'intégration des informations nociceptives projettent aussi des faisceaux d'association vers le cortex frontal, les structures limbiques et les noyaux hypothalamiques impliqués dans les relais nociceptifs. Les faisceaux d'association les plus impliqués dans les relais nociceptifs sont le faisceau fronto-occipital supérieur et le faisceau longitudinal supérieur. Les faisceaux d'associations sont de longs faisceaux qui jouent un rôle très important dans l'élaboration d'activités uniformisées dans le système nerveux central ce qui explique en bonne partie l'ensemble des réactions observées autant en contexte de douleurs aiguës importantes qu'en contexte de douleurs chroniques handicapantes. Lorsque ces faisceaux sont lésés, le patient peut continuer de percevoir la douleur mais la composante émotive et comportementale est perdu. C'est ce qui était observé quand des lobotomies frontales étaient pratiquées dans les années 1950.
En résumé, les dimensions sensorielles et émotives sont toujours reçues et traitées de façon synchrone par les différentes structures centrales concernées par la douleur:
En présence d'hyperstimulation nociceptive en provenance de fibres périphériques (douleurs nociceptives intenses ou douleurs neurogènes intenses), il devient possible d'observer des changements "électrophysiologiques" de plusieurs ordres,
Ces changements "électrophysiologiques" peuvent s'exprimer de diverses manières:
Plus les lésions sont sévères et importantes, plus ces anomalies prennent de l'importance car les phénomènes "d'hyperexcitation et d'hyperexcitabilité" jouent un rôle de plus en plus marqué.
Les lésions subies par les fibres nociceptives le sont sous différents degrés de sévérité. L'aboutissement ultime de ces lésions peut conduire à un sectionnement complet d'un certain nombre de neurones nociceptifs, ce qui mène à une désafférentation.
Chaque sectionnement neuronal mène à une désafférentation spécifique de ce neurone. Lorsque plusieurs neurones sont sectionnés dans un nerf, ce nerf devient alors "partiellement désafférenté". Ce n'est que lorsque tous les neurones nociceptifs composant un nerf en particulier ont été sectionnés qu'on peut alors parler de "désafférentation complète". La douleur devient sévère bien avant la désafférentation complète!!!
Beaucoup d'attention a été jusqu'à maintenant portée au réseau nociceptif. Il a été proposé lors de l'introduction du résumé anatomo-physiologique "simplifié" et "vulgarisé" que l'activité électrique neuronale nociceptive transportant l'information "douleur" peut trouver son origine à partir de deux sources. La première source, soit l'activation des nocicepteurs a été abondamment décrite.
La deuxième source d'influx nociceptifs, cette fois responsable de la douleur neurogène, découle non pas d'une activation des nocicepteurs mais de la production d'influx électrique (potentiel d'action) découlant de dépolarisations focales de la membrane neuronale d'une fibre nociceptive dans une ou des région(s) où la fibre nociceptive subit ou a subi une agression.
La douleur neurogène peut trouver son origine autant
Cette deuxième composante s'avère d'une importance considérable dans le contexte des soins palliatifs "oncologiques". Elle est aussi à la source de plusieurs douleurs chroniques. Les lésions produites sur les fibres nociceptives entraînent l'apparition de salves spontanées d'influx nociceptifs. Les études démontrent par ailleurs que plus les lésions sont proches du système nerveux central, plus la durée des décharges spontanées se prolonge dans le temps. Il n'y a alors qu'un pas à franchir pour concevoir qu'un certain nombre de douleurs post-traumatiques et/ou post-chirurgicales puissent trouver là une part de leur explication. A titre d'exemple, les douleurs post-extraction dentaires, post-thoracotomie, post-trauma du plexus brachial.
Peu importe l'origine nociceptive ou neurogène des douleurs, les différents faisceaux ascendants autres que le faisceau néo-spinothalamique (qui lui est mono-synaptique jusqu'au thalamus) fournissent des informations "NOCICEPTIVES" dans de nombreuses zones tronculaires et sous-corticales impliquées dans la gestion et l'intégration des informations nociceptives. (Voir: LE POINT D'ARRIVEE DES INFLUX NOCICEPTIFS: LES ETAGES SUPERIEURS "MODE SENSORIEL" ET "MODE AFFECTIF")
Ces nombreuses zones de relais et de réception envoient à leur tour des projections descendantes vers différentes structures spécifiques situées toujours plus bas à partir desquelles partiront d'autres projections descendantes transportant des influx qui auront comme fonction d'inhiber la transmission des douleurs entre les fibres périphériques et centrales au niveau de la corne postérieure. Ces zones deviennent donc de fait des sources multicentriques d'influx inhibiteurs descendants. Ainsi, des projections inhibitrices descendantes prendront origine à partir des différentes structures suivantes:
- région mésencéphalique: la substance grise péri-aqueducale (SGPA) et l'aire para-brachiale,
- région de la jonction ponto-mésencéphalique: le locus coeruleus, la partie supérieure de la substance grise péri-aqueducale (SGPA) et de l'aire para-brachiale,
- région de la protubérance (pont): le noyau subcoeruleus (portion A7) à la portion supérieur de la protubérance et la continuation des noyaux du raphé bulbaire,
- région bulbaire: le raphé magnus (raphe médian et para-médian), le noyau giganto-cellulaire "nucleus reticularis gigantocellularis", para-giganto-cellulaire et le noyau réticulaire latéral.
- substance grise périaqueducale
- noyau coeruleus (nucleus coeruleus) (jonction mésencéphalo-protubérantielle) et noyau subcoeruleus (portion A7) à la partie supérieure de la protubérance
- noyau raphé magnus (nucleus raphe magnus) (le noyau raphé magnus est un long noyau qui s'étend au niveau de la protubérance et du bulbe)
- région médiane: noyau raphé magnus composé du raphe médian et para-médian (nucleus raphe magnus), long noyau qui s'étend à l'étage de la protubérance et du bulbe,
- région au pourtour immédiat du raphé magnus surtout dorsale et/ou latérale: le noyau giganto-cellulaire "nucleus reticularis gigantocellularis", le noyau giganto-cellulaire portion alpha "nucleus reticularis gigantocellularis pars alpha [NGCpa]", le noyau para-giganto-cellulaire ou giganto-cellulaire réticulaire latéral qui tel que son nom l'indique est situé dans la portion latérale de la formation réticulée alors que tous les autres noyaux impliqués dans les relais nociceptifs sont situés à la portion centrale
- région dorsale franche: noyau réticulaire dorsal (dorsal reticularis nucleus).
A partir de ces différentes structures appartenant à la formation réticulée répartent alors d'autres fibres descendantes vers les cornes postérieures de tous les étages médullaires.
Les fibres originant des noyaux de la formation réticulée vont jouer un rôle majeur dans la genèse des influx inhibiteurs descendants.
La Substance grise périaqueducale (SGPA) envoit une multitude de projections descendantes et ces projections se font principalement vers le complexe locus coeruleus / subcoeruleus (noyau A7) et vers les structures du Complexe bulbaire rostro-ventral médial (Rostral Ventro-medial Medulla) composé du raphé magnus (raphe médian et para-médian), du noyau giganto-cellulaire "nucleus reticularis gigantocellularis", du noyau giganto-cellulaire portion alpha "nucleus reticularis gigantocellularis pars alpha [NGCpa]" et du noyau para-giganto-cellulaire ou giganto-cellulaire réticulaire latéral.
De façon moindre, des projections sont aussi envoyées directement vers la corne postérieure à tous les étages médullaires. Pour ses projections vers le noyau raphé magnus, la SGPA utilise probablement de la neurotensine comme neurotransmetteur. La majorité des cellules de la SGPA possède une abondance de récepteurs opiacés et de tous les types à leur surface et cela autant au niveau du corps et de ses dendrites qu'au niveau des terminaisons pré-synaptiques. L'activation de la SGPA par des stimulations électriques ou par des stimulations pharmacologiques, particulièrement avec des opiacés injectés directement, produit un blocage important de la neurotransmission nociceptive au niveau de la corne postérieure, réduisant de ce fait la douleur, on parle alors d'antinociception. On peut donc en déduire que les opiacés utilisés de façon systémique vont avoir pour effet d'activer les cellules de la SGPA qui vont alors émettre des influx inhibiteurs à profusion vers la corne postérieure. Une partie de l'antinociception (du soulagement de la douleur) se joue donc aux étages supérieures où sont créés les influx inhibiteurs descendants.
Le noyau ceruleus (nucleus ou locus ceruleus) et le noyau subcoeruleus (A7), jouent aussi un rôle important dans la modulation inhibitrice du transfert des influx douloureux au niveau de la corne postérieure en participant à la création des contrôles inhibiteurs descendants par l'émission de sous-faisceaux descendants noradrénergiques arrivant au niveau du raphe magnus (étage bulbaire) ou arrivant directement dans plusieurs couches de la corne postérieure, soit les couches I, II, IV, V et X. Cette participation découle pour une part d'une stimulation directe par des influx nociceptifs provenant de sous-faisceaux nociceptifs ascendants et d'autre part de stimulations provenant de structures supérieures principalement de la SGPA mais aussi de l'hypothalamus. L'effet inhibiteur des faisceaux descendants originant des noyaux coeruleus et subcoeruleus semble plus important en post-synaptique qu'en pré-synaptique selon de nombreuses études.
Le noyau raphé magnus, le noyau giganto-cellulaire, le noyau giganto-cellulaire-alpha [NGCpa] et le noyau giganto-cellulaire réticulaire latéral jouent un rôle de relais particulièrement important à partir de la substance grise périaqueducale (SGPA) et des autres centres supérieurs dans la génèse des influx inhibiteurs descendants puisqu'une lésion au niveau du noyau raphé magnus peut interrompre l'effet inhibiteur descendant observé aux étages médullaires de la corne postérieure lorsqu'une activation de la SGPA est produite. En fait, lorsque la SGPA perd ses relais bulbaires (raphé magnus, noyau giganto-cellulaire, noyau giganto-cellulaire-alpha [NGCpa], noyau giganto-cellulaire réticulaire latéral, elle ne peut plus jouer sa fonction "antinociceptive" de façon aussi importante. Ces structures bulbaires jouent donc un rôle modulateur extrêmement important en regard de la neurotransmission nociceptive à l'étage médullaire.
Bien que ces structures jouent principalement un rôle de relais, elles peuvent aussi assumer un certain degré de modulation "antinociceptive" aux étages médullaires de la corne postérieure sans dépendance de structures supérieures telles la SGPA.
Les projections de ces noyaux utilisent principalement de la sérotonine comme neurotransmetteur. Ils envoient de préférence leurs efférences inhibitrices vers de courts interneurones pédiculés situés dans les couches I, II, III, IV, V, VI et VII de la corne postérieure qui utilisent pour leur part de l'enképhaline comme neurotransmetteur.
On constate ainsi que le tronc cérébral, de par le mésencéphale, la protubérance (pons) et le bulbe rachidien (medulla oblongata) est particulièrement impliqué dans la production d'informations modulatrices "inhibitrices".
D'autres fibres descendantes partent encore des structures suivantes:
L'ensemble des fibres descendantes inhibitrices, originant de structures multiples (corticales, sous-corticales, mésencéphaliques, protubérantielles, bulbaires), se regroupent finalement en sous-ensembles de faisceaux descendants parmi lesquels figurent les faisceaux:
Ces différents faisceaux inhibiteurs descendants vont se reunir finalement dans la région dorso-latérale de la corne postérieure, où ils descendent à travers le faisceau descendant dorso-latéral (Dorso-lateral Funiculus).
La fonction de ces différents sous-faisceaux regroupés dans le faisceau descendant dorso-latéral est de moduler le transfert de l'information nociceptive particulièrement dans les régions synaptiques de la corne postérieure en faisant parfois "de l'obstruction systématique", c'est-à-dire en fermant la porte au transfert des influx "douloureux" en provenance de la périphérie, d'où le nom de Théorie du portillon (Gate Control) proposé par Melzack et Wall. Ces faisceaux inhibiteurs descendants utilisent, durant leur descente, préférentiellement deux types de neurotransmetteurs:
A leur arrivée dans la corne postérieure, ils vont utiliser d'autres types de NTs (Voir: LES DIFFERENTS SOUS-CIRCUITS INTERMEDIAIRES DE CONNEXION: LEURS NEUROTRANSMETTEURS).
De nombreuses circonstances permettent d'illustrer le "blocage systématique" exercé par ces faisceaux descendants, à titre d'exemple, l'absence de douleurs dans les premiers moments d'une blessure lors d'une activité sportive ou d'un accident de la route ou encore la présence bienfaisante d'une mère qui console son enfant et qui de ce fait entraine un arrêt de la douleur ...
Plusieurs des structures supraspinales énumérées ci-haut peuvent être activés dans différentes circonstances toutes autres que celles d'une stimulation nociceptive. Ainsi les activités cognitives comme tenir une conversation "agréable", les activités émotives "positives" comme écouter une musique "agréable" ont aussi pour effet par les relais du système limbique de produire des influx inhibiteurs descendants.