Ces personnes qui ont mal

Notes personnelles dans une perspective de soins palliatifs "oncologiques" Par : Brizard, André, MD

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31 - L'activation "primaire": Activation et sensibilisation des nocicepteurs

Ces substances inflammatoires "algogènes" agissent de différentes façons, elles peuvent

  • produire une stimulation directe des nocicepteurs, c'est-à-dire une "activation" des nocicepteurs qui correspond en fait à produire le cycle complet de dépolarisation jusqu'à l'atteinte du seuil d'activation pour créer des influx nocicepteurs,
    ou
  • sensibiliser les nocicepteurs, i.e. provoquer un abaissement du seuil d'activation des nocicepteurs ce qui vient ainsi faciliter leur activation à la suite d'un stimulus quelconque. Un plus faible stimulus est alors nécessaire pour franchir le seuil de potentiel transmembranaire nécessaire pour déclencher un influx douloureux et l'effet des différentes substances "algogènes" (K+, bradykinine, sérotonine, histamine, acétylcholine) se trouve ainsi grandement facilité.

Les prostaglandines et la substance P

  • n'entraînent pas directement d'activation des nocicepteurs i.e. elles ne peuvent à elles seules provoquer la création d'influx nociceptifs,
     
  • elles ont cependant pour effet de sensibiliser les nocicepteurs à toute stimulation douloureuse et de faciliter ainsi l'activation des nocicepteurs sensibilisés.
     

Les autres substances "algogènes" (K+, bradykinine, sérotonine, histamine, acétylcholine), pour leur part, "activent" directement les nocicepteurs.

Sensibilisation et activation sont donc deux phénomènes complémentaires qui prennent place au niveau des nocicepteurs dans les régions où les stimuli douloureux ont lieu.

32 - L'activation "secondaire"

La présence de substances inflammatoires "algogènes" de plus en plus nombreuses au pourtour des nocicepteurs permet "d'activer" de plus en plus facilement les nocicepteurs, ce qui accentue encore plus le relâchement antidromique de substance P à partir des terminaisons nerveuses des fibres nociceptives.

La substance P concourt à plusieurs effets pour accentuer son action "algogène", elle agit sur 4 structures:

  • les capillaires locaux
    • elle augmente de façon considérable la perméabilité vasculaire, ce qui entraîne un oedème local et facilite encore plus l'accumulation de bradykinine en provenance des capillaires dilatés i.e. d'origine vasculaire
       
  • les plaquettes
    • elle entraîne le largage de sérotonine à partir des plaquettes
       
  • les mastocytes
    • elle entraîne le largage d'histamine à partir des mastocytes
  • les terminaisons axonales elles-mêmes
    • elle augmente de façon considérable l'oedème axonal.

 

L'augmentation de la perméabilité capillaire augmente la diffusion des substances algogènes d'origine vasculaire qui s'ajoute alors aux substances algogènes déjà produites localement par l'activité inflammatoire focale. Plus ces différentes substances s'accumulent, plus l'oedème se propage, plus le jeu de la sensibilisation et de l'activation des nocicepteurs s'étend en surface et plus la "zone douloureuse" s'agrandit. On réfère à ce phénomène d'élargissement de la zone douloureuse en terme "d'activation secondaire".

Le phénomène du cercle vicieux trouve alors sa véritable manière d'être. Plus la sensibilisation augmente, plus le nombre de nocicepteurs activés s'accentue, plus le nombre de nocicepteurs activés s'accentue, plus il y a de substance P libérée, plus il y a de substance P libérée et plus la concentration des nombreuses substances algogènes augmente, plus la concentration des nombreuses substances algogènes augmente, plus la sensibilisation des nocicepteurs augmente, plus la sensibilisation des nocicepteurs augmente, plus le nombre d'activation ... et le cercle vicieux se propage.

Plus le cercle vicieux se propage, plus le nombre d'influx nociceptif augmente; plus le nombre d'influx nociceptif augmente, plus le réseau nociceptif est sollicité; plus le réseau nociceptif est sollicité, plus le système de relais ou de transmission des influx nociceptifs est occupé à son tour. Plus le cercle vicieux se propage, plus la zone de douleur s'agrandit. Cette zone peut parfois prendre des proportions étonnantes.

33 - Le système "sympathique" ...qu'il ne fallait pas oublier !

Il ne faut surtout pas oublier, à travers toute cette cascade de réactions biochimiques, la présence et l'implication du système nerveux autonome sympathique (SNAS) (Voir: LA DOULEUR NOCICEPTIVE VISCERALE: SON PARCOURS DANS LE CIRCUIT NERVEUX AUTONOME). Le SNAS est intensément présent par ses terminaisons nerveuses en grand nombre au pourtour des vaisseaux sanguins et des nocicepteurs et les terminaisons du SNAS libèrent de la norépinéphrine (NE).

L'accumulation des substances algogènes dans l'environnement des terminaisons nerveuses du SNAS a pour effet d'activer ces mêmes terminaisons à libérer la norépinéphrine contenues dans ses terminaisons.

Par ailleurs, les influx nociceptifs alors créés par les stimuli douloureux et par les substances algonènes "sensibilisatrices et activatrices", activent, à l'étage médullaire où ils font leur entrée, des interneurones qui sont connectés avec les fibres préganglionnaires du SNAS. Le résultat est alors l'équivalent d'une activation par le centre de contrôle hypothalamique, les fibres préganglionnaires sont alors activées par les fibres nociceptives; elles deviennent donc sous double contrôle, hypothalamique et nociceptif. Les fibres préganglionnaires une fois activée par les interneurones font relais avec les fibres postganglionnaires qui sont connectées par leurs terminaisons avec les vaisseaux sanguins et les nocicepteurs. Encore plus de norépinéphrine contenues dans ces terminaisons est libérée.

Les terminaisons nerveuses du SNAS se trouvent ainsi "doublement" activées avec comme conséquence que de la norépinéphrine (NE) se retrouve en grande abondance au pourtour des capillaires, des nocicepteurs tissulaires et des nocicepteurs capillaires car il existe des nocicepteurs au niveau des vaisseaux sanguins (Voir: LES NOCICEPTEURS: LEURS LOCALISATIONS).

Cet important déversement de NE concourt à activer encore plus les nocicepteurs et à activer encore plus de nocicepteurs et donc à provoquer encore plus de douleurs. Sans compter qu'un effet vasoconstricteur, au début subtil, s'exerce déjà avec les conséquences ultérieures possibles de douleurs régionales complexes avec participation du SNAS.

Cette augmentation de catécholamines (NE) a aussi pour effet d'augmenter encore plus la sensibilité des nocicepteurs aux stimulations douloureuses et aux substances chimiques algogènes présentes. Le phénomène de "sensibilisation" connait ainsi un étrange effet d'amplification pour ne pas dire d'autoamplification et ces effets d'amplification dépendent donc de multiples facteurs agissant en synergie.

34 - L'impressionnante cascade de relais dans la transmission de l'influx douloureux

A la suite d'une stimulation douloureuse, un courant électrique "nociceptif" naît ainsi de l'effet combiné de la sensibilisation et de l'activation des nocicepteurs, cela dans un environnement où se joue un processus inflammatoire fort complexe. Ce courant électrique, porteur d'influx nociceptifs, se propage dans les fibres du réseau nociceptif, les fibres nociceptives.

A chaque fois que naissent des influx nociceptifs, et cela peu importe d'où elles originent, s'ensuit une cascade impressionnante de relais dans la transmission des signaux douloureux avant qu'ils n'aboutissent finalement au cerveau où ils seront identifiés comme stimuli douloureux.

Qu'en est-il donc de cette cascade impressionnante de relais dans la transmission des signaux douloureux mieux désignés par le vocable "afférences nociceptives"? Cette cascade est relativement complexe, mais son explicitation ouvre à une meilleure compréhension

  • des symptômes décrits par les personnes qui ont mal,
  • du phénomène de douleur "globale"
    et
  • de la gestion analgésique autant pharmacologique que non-pharmacologique.
35 - Le système de transport des influx nociceptifs: les fibres nerveuses ou neurones

Il existe dans le réseau nerveux, différents types de fibres avec différentes fonctions. Ces fibres sont des cellules nerveuses dont la caractéristique anatomique est de s'étendre sous la forme de "fins prolongements filamenteux" au lieu d'être de forme ronde comme une bonne majorité de cellules des tissus autres que le tissu nerveux. La cellule nerveuse s'appelle un neurone.

Le neurone est l'unité anatomique et fonctionnelle du système nerveux. Il est entouré d'une membrane cellulaire appelé membrane neuronale. L'influx électrique observé dans un neurone est en fait véhiculé au niveau de la membrane neuronale.

Il existe, au niveau des neurones nociceptifs, deux grandes divisions anatomiques:

  • les neurones périphériques, qui partent des différentes structures où existent des nocicepteurs et qui transportent les influx douloureux jusqu'à la moelle

    et
     

  • les neurones centraux, qui transportent les influx douloureux à l'intérieur de la moelle et du cerveau jusqu'à leur point de réception et "d'interprétation".
     

Les neurones nociceptifs périphériques diffèrent des neurones nociceptifs centraux à certains égards.

36 - Le système de transport des influx nociceptifs: les neurones centraux et périphériques

Les neurones nociceptifs centraux sont formés:

  • d'un corps cellulaire contenant le noyau cellulaire et qui se trouve au début de la fibre afférente,
     
  • de multiples arborisations toutes très courtes disposées au pourtour du corps cellulaire (les dendrites),
     
  • d'un seul long prolongement cylindrique (l'axone) de longueur variable selon le cas à l'autre extrémité du corps cellulaire i.e. à l'extrémité plus centrale. A partir de l'unique axone originant du corps cellulaire, ce long prolongement peut se terminer en fibre unique au moment de sa connexion avec une structure spécifique mais il peut aussi se terminer à sa portion la plus distale en un certain nombre de fins prolongements axonaux "filamenteux" de longueur variable selon les structures à rejoindre. Ces fins prolongements peuvent prendre l'allure d'embranchements multiples lorsqu'ils ont comme fonction d'assurer les nombreuses connexions multiétagées comme ce que l'on observe dans le cas des réseaux ascendants polysynaptiques (pex. paléospinothalamique).

Les neurones nociceptifs périphériques sont formés pour leur part:

  • d'un corps cellulaire contenant le noyau cellulaire qui se trouve presque à la toute fin de la fibre afférente. de la fibre afférente. L'ensemble des corps cellulaires forme le renflement observable dans la racine postérieure au niveau du trou de conjugaison, ce renflement porte le nom de "ganglion spinal". A partir du corps cellulaire, le neurone nociceptif périphérique se divise rapidement en deux directions opposées: un prolongement vers la moelle et un prolongement vers la périphérie,
     
  • d'un prolongement axonal vers la moelle et qui se rend jusqu'à la corne postérieure où il se termine. Ce prolongement forme en fait la racine à la hauteur du trou de conjugaison. Par la suite, il se termine en plusieurs arborisations qui vont faire connexions (synapse) sur les neurones centraux,
     
  • d'un prolongement axonal vers la périphérie i.e. vers la structure innervée. Ce prolongement une fois arrivé dans la structure périphérique innervée, se ramifie à son tour habituellement en plusieurs "prolongements filamenteux". Ces fins prolongements axonaux "filamenteux" prennent l'allure d'embranchements multiples qui vont former tous ensemble finalement un nocicepteur.
37 - Les fibre nerveuses ou neurones: les différentes espèces anatomiques

Chaque fibre nerveuse peut être identifiée par trois paramètres:

  • la taille, i.e. le diamètre
  • la vitesse de conduction
    et
  • la présence ou non d'un recouvrement de myéline et l'importance de ce recouvrement.

Six types de fibres sont ainsi décrites:

  • A alpha (A) - (motrices et sensorielles), aussi appelées Ia et Ib lorsqu'elles originent de structures musculaires ou articulaires, elles sont les plus grosses, les plus rapides et sont pourvues d'un abondant recouvrement de myéline. Elles sont connectées à des terminaisons spécialisées: fuseaux musculaires (muscle spindles), organes tendineux de Golgi (Golgi tendon organ), récepteurs spécialisés dans les tendons, les ligaments et les articulations. Ces terminaisons offrent les informations de nature kinesthésique sur: le degré d'étirement musculaire, l'angle de positionnement d'une articulation, le mouvement et la rapidité de mouvement d'une articulation.
     
  • A bêta (A) - (motrices et sensorielles), aussi appelées II lorsqu'elles originent de structures musculaires ou articulaires, elles sont assez grosses, passablement rapides et sont pourvues d'un recouvrement de myéline un peu moindre que les A alpha. Elles sont connectées à des terminaisons spécialisées qui sont encapsulées: corpuscules de Pacini (Pacinian corpuscles) - (vibration), corpuscules de Meissner (Meissner's corpuscles) - (toucher superficiel complexe), corpuscules de Ruffini et disques de Merkel. Ces terminaisons offrent les informations sur la stimulation cutanée complexe: les stimulations cutanées vibratiles (sens de la vibration), la discrimination tactile (discrimination deux points), la discrimination tactile complexe discriminative (par exemple identifier une pièce de monnaie dans la main), le sens de la position, le sens de vibration, le degré de pression subi par la surface cutanée.
     
  • A gamma (A) - (motrices seulement) elles sont un peu moins grosses, un peu moins rapides et pourvues d'un recouvrement de myéline un peu moins abondant que les A bêta.
     
  • A delta (A) - (sensorielles seulement), aussi appelées groupe III lorsqu'elles originent de structures musculaires ou articulaires, elles sont d'un diamètre plus petit que les autres A. Elles ne sont recouvertes que d'une fine couche de myéline et sont donc plus lentes que les trois autres A. Elles sont connectées à des terminaisons libres i.e. sans structures particulières en comparaison des terminaisons des fibres A alpha et A bêta. Les terminaisons libres connectées aux fibres A delta offrent les informations sur: le toucher léger superficiel, la stimulation thermique froide non douloureuse (terminaisons libres thermosensibles i.e. à faible seuil d'activation) et sur la douleur aiguë rapide de type "piqûre" (terminaisons libres nociceptives répondant à des stimulations à bas seuil d'activation mais capable de répondre à des seuils plus élevés: thermiques, mécaniques, chimiques). Elles sont aussi connectées à des terminaisons libres nociceptives ne répondant qu'aux stimulations à haut seuil d'activation [récepteurs polymodaux]: thermiques, mécaniques, chimiques). En fait la majorité des A delta est connecté à des récepteurs polymodaux.
     
  • B - (motrices seulement) elles sont d'un diamètre encore un peu plus petit que celui de la A delta, elles sont recouvertes d'une plus fine couche de myéline que toutes les A et sont donc plus lentes que les A.

    et
     

  • C - (motrice et sensorielle) elles sont les plus petites de toutes les fibres nerveuses, elles sont dépourvues de tout recouvrement de myéline et sont donc très lentes de conduction, les plus lentes de toutes les fibres en fait. Elles sont appelées groupe IV lorsqu'elles originent de structures musculaires ou articulaires. Les fibres C dominent très largement comme population. Elles représentent en fait la très large majorité des afférences cutanées, entre 60-90 % de toutes les afférences cutanées et représentent de plus la presque totalité de toutes les afférences viscérales. Elles sont connectées à des terminaisons libres i.e. sans structures particulières en tout point identiques à celles des fibres A delta. Les terminaisons libres connectées aux fibres C offrent les informations sur: la stimulation thermique chaude non douloureuse (terminaisons libres thermosensibles i.e. à faible seuil d'activation) et sur la douleur aiguë "tardive ... de quelques secondes après l'information des A delta" de type "brulûre"(terminaisons libres nociceptives ne répondant qu'aux stimulations à haut seuil d'activation [récepteurs polymodaux]: thermiques, mécaniques, chimiques). L'immense majorité des fibres C est connectée à des récepteurs polymodaux.

Les axones des fibres A alpha, A bêta, A gamma et A delta du système nerveux central sont enveloppées d'une gaine de myéline qui est formée par une des cellules du SNC, les oligodendrocytes. Pour leur part, les axones des fibres A alpha, A bêta, A gamma et A delta et B du système nerveux périphérique sont enveloppées d'une gaine de myéline qui est formée par les cellules de Schwann, équivalent périphérique des oligodendrocytes centraux.

38 - Les fibres nerveuses "nociceptives": les fibres C et A Delta et leur fonction

Quand les nocicepteurs ont été activés, les influx électriques sont alors transportés vers le cerveau par les fins prolongements "filamenteux" axonaux, les fibres nociceptives. Le réseau nociceptif est constitué principalement de deux types de fibres nerveuses:

  • les fibres A delta
    Ces fibres sont d'un diamètre un peu plus grand que les fibres C, elles sont recouvertes d'une mince couche de myéline. En partie en raison de l'isolant myélinisé, elles conduisent les influx plus rapidement ( 12 - 30 m/s) que les fibres C. Les fibres A delta originent pour la plupart des différents nocicepteurs autres que polymodaux.

    et
     

  • les fibres C
    Ces fibres sont extrêmement fines et de conduction lente (environ 1 m/s), elles ne possèdent pas "d'isolant" de myéline à leur pourtour. Elles ne sont donc pas myélinisées. La plupart des fibres C originent des récepteurs polymodaux.

La douleur transportée par les fibres C est susceptible de devenir rapidement "intolérable", elle est diffuse et imprécise dans sa localisation et ressentie comme une brulûre ou un élancement.
 

  • La différence dans la vitesse de conduction explique pour une bonne part les deux étapes séquentielles qu'il nous est possible d'observer lorsque nous éprouvons de la douleur à la suite d'un stimulus douloureux relativement intense.
     
  • La première douleur: ainsi, par exemple, lorsqu'on se fait une incision "accidentelle" avec un objet tranchant, lorsqu'on met le pied sur une aiguille ou un clou, lorsqu'on se frappe un doigt avec un marteau on ressent une douleur "immédiate". Le temps de perception de cette première doulour est estimé, en laboratoire, à environ 200 millisecondes. Cette première douleur est le plus souvent définie comme une piqûre. Elle est bien localisée, est apparue extrêmement rapidement après le stimulus. Cette douleur aiguë provient du réseau nociceptif des fibres A delta. Elle a servi à ce qu'elle est censée servir: nous aviser par un signal non équivoque d'une agression qui pourrait même devenir plus importante. Des réflexes vifs se sont exercés pour en éliminer la cause ... si possible et pour en réduire les conséquences. Voilà l'expression du circuit nociceptif dans sa plus simple expression.
     
  • La deuxième douleur: quelques secondes plus tard, environ 2 à 3 secondes, la douleur transportée par les fibres C, la deuxième douleur (la véritable, la tenace!) apparaît , celle-ci est beaucoup plus intense et incommodante et elle devient rapidement plus diffuse. Cette deuxième douleur est souvent ressentie comme une sensation de brûlure et/ou d'un élancement, elle est ressentie sur une surface beaucoup plus étendue que la première et il devient rapidement difficile de différencier ou de localiser l'endroit précis du traumatisme dans la zone élargie et diffuse où la douleur est ressentie (les informations proprioceptives que les fibres A delta fournissaient sont perdues parmi la dominance d'influx conduites par les fibres C "non proprioceptives"). Cette deuxième douleur nous fait "regretter" le traumatisme subi pendant souvent plusieurs jours! C'est ici que l'environnement inflammatoire des substances algogènes exerce tous ses méfaits.

Les fibres A delta véhiculent les influx nociceptifs en provenance des nocicepteurs:

  • mécanorécepteurs
  • thermorécepteurs
  • mécanothermiques.

    Elles sont donc "branchées" avec ces différents récepteurs.

Les fibres C véhiculent les influx nociceptifs en provenance des nocicepteurs:

  • mécanothermiques
  • récepteurs polymodaux.

    Elles sont donc "branchées" avec ces différents récepteurs.

Les quatre autres types de fibres, les fibres

  • A alpha
  • A bêta
  • A gamma
  • B

n'ont pas comme fonction de transporter des influx nociceptifs. Les A alpha et A bêta transportent cependant des informations sensorielles (tactiles et proprioceptives)

39 - Le système de transport des influx nociceptifs: l'architecture périphérique

La première série d'axones, à partir des nocicepteurs, s'appellent les axones périphériques. Ces axones périphériques se regroupent pour devenir des nerfs, qui, se regroupant, deviennent des plexus. Sur leur trajet afférent, ces fibres, toujours en périphérie, se regroupent ensuite pour devenir des racines. C'est par les racines postérieures finalement que les influx nociceptifs font "classiquement" leur entrée dans la moelle. Alors que la majorité des fibres nociceptives pénètrent dans la moelle par la racine postérieure pour aller terminer immédiatement à leur entrée i.e. en ipsilatéral, un certain nombre de fibres nociceptives C font exception et font leur entrée par les racines antérieures pour se diriger elles aussi dans la corne postérieure ipsilatérale.

A l'intérieur des nerfs, des plexus et de la partie "périphérique" des racines i.e. avant d'entrer par les trous de conjugaison, les fibres nociceptives tout comme les autres fibres sensitives n'ont pas de dispositions spécifiques ni de dispositions hiérarchiques selon leur diamètre, elles sont donc dispersées autant au centre qu'en périphérie. Il en sera autrement une fois entrées dans les trous de conjugaison.

40 - Le système de transport des influx nociceptifs: l'architecture hiérarchique des racines portérieure

Lors du transit par les racines postérieurs, les fibres nociceptives de même que les autres fibres sensitives jusqu'alors étalées et entre-mêlées dans les faisceaux nerveux périphériques avec les fibres motrices sans aucune disposition particulière, commencent à se disposer hiérarchiquement selon leur diamètre. Cette redispostion hiérarchique débute au niveau du trou de conjugaison i.e. à partir du moment où les racines sont recouvertes par la première couche méningée, la pie-mère, et cette disposition se maintient dans la zone d'entrée de la moelle et ce jusque dans la corne postérieure.

  • Les plus grosses fibres, les fibres A alpha et A bêta dédiées au transport de la proprioception consciente i.e. la discrimination tactile (discrimination deux points), le sens de la position, le sens de vibration qui se fait dans les cordons postérieurs (faisceaux cuneatus et gracilis) se disposent dans la portion la plus postérieure ou dorsale de la racine. Elles peuvent ainsi se rendre, au niveau de la corne postérieure, vers la portion la plus médiane de celle-ci.
  • Les fibres de très petit diamètre, les fibres nociceptives C, se disposent dans la portion antérieure de la racine. Elles peuvent ainsi entrer immédiatement dans la portion la plus latérale de la moelle.
     
  • Les fibres de faible diamètre, A delta, en prédominance nociceptives, se disposent dans la portion moyenne de la racine, entre les fibres A alpha - A bêta et C. Elles peuvent ainsi se rendre, au niveau de la corne postérieure, vers la portion la plus intermédiaire de la corne postérieure, entre la zone de distribution des fibres A alpha - A bêta et C.
     

Même si elles n'ont pas de contribution à la nociception, les fibres A alpha et A bêta (proprioception consciente i.e. la discrimination tactile (discrimination deux points), le sens de la position, le sens de vibration), après leur entrée dans la moelle se divisent pour émettre deux axones:

  • un premier axone qui compose les cordons postérieurs et qui acheminent alors l'information discriminative et proprioceptive vers les centres supérieurs (c'est leur fonction première)

    et
     

  • un deuxième axone qui est en fait une collatérale dédié vers la corne postérieure. Cette collatérale vers la corne postérieure apporte ainsi la contribution "modulatrice" des grosses fibres A alpha et A bêta dont il sera discutée plus loin Voir: L'EFFET "PORTILLON" (GATE CONTROL) SELON MELZACK ET WALL ET UNE PLUS NOUVELLE THEORIE: LE CONTROLE INHIBITEUR DIFFUS INDUIT PAR LA NOCICEPTION (CIDN).